« Un lieu de veille » - L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003

 

ÉTHIQUE

Actualités

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme, semble répéter inlassablement le CCNE (Comité consultatif national d'éthique), qui fête ses vingt ans. L'occasion de rencontrer Chantal Deschamps, infirmière et membre du comité.

Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé a vingt ans (décret du 23 février 1983). Chantal Deschamps, infirmière, diplômée de philosophie, chargée de mission à l'hôpital Avicenne y a été nommée en 2000. Son combat pour la reconnaissance du droit des malades (illustré entre autres par son investissement pour la création de la Maison des proches en gériatrie à Georges- Clémenceau, la Maison des usagers de l'hôpital Broussais) n'y est certainement pas étranger...

Le CCNE n'est-il pas éloigné des préoccupations des professionnels de terrain ?

J'ai posé à l'improviste la question à des infirmières. La plupart n'avait pas d'exemple en tête pour montrer que les avis du CCNE avaient une influence sur leur travail quotidien, hormis la fin de vie peut-être. D'ailleurs, avant de faire partie du CCNE, j'en avais moi aussi une vision lointaine. J'avais accroché pour des raisons personnelles sur quelques avis concernant les prises en charge des personnes autistes, ou la contraception pour les personnes handicapées mentales. Et dans le cadre de ma vie professionnelle, j'ai été particulièrement touchée par le rapport du 27 janvier 2000 sur la fin de vie.

Le CCNE effectue un travail indispensable. Il interpelle sur la nécessité de prendre soin de l'homme du début de la vie jusqu'à sa mort. Il s'intéresse à l'autre dans sa multiplicité, son universalité, dans ses dimensions passées, présentes et futures. Alors que le professionnel de terrain a une relation à l'autre immédiate, singulière. Cet écart peut paraître déroutant pour le soignant. Mais s'il relit les avis avec attention, il verra que le singulier apparaît aussi.

Comment définissez-vous le CCNE ?

Le CCNE est un lieu de veille. Il a la charge d'opérer le bon discernement dans les progrès scientifiques. Sa mission est de donner des avis sur les problèmes éthiques soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine, de la santé et de publier des recommandations sur ce sujet. C'est un phare qui guide la démarche éthique. Et pour moi, la démarche éthique, c'est faire en sorte que chaque personne reste un citoyen. Faire en sorte que les droits de l'homme soient respectés au quotidien, les rendre vivants, concrets. Veiller au respect des dignités.

Cette démarche devrait s'appliquer à d'autres champs que les sciences de la vie ?

C'est une question qui me tracasse. Le CCNE veille en effet à ce que l'homme ne se prenne pas pour Dieu, que le progrès ne fabrique pas un homme hors des normes. Mais comme le dit très clairement Spinoza, « un cheval est détruit aussi bien s'il se mue en homme que s'il se mue en insecte ». Il suffit de regarder autour de soi pour constater que nos sociétés transforment l'homme en insecte... Que fait le CCNE, pour que l'homme ne se mue pas en insecte ? Est-ce que son champ de réflexion, les sciences de la vie, la santé, n'a pas de limites trop restrictives ? Mais peut-il aussi s'engager sur tous les terrains ?

CCNE, mode d'emploi

Le Comité consultatif national d'éthique(1) (CCNE) se compose du président, nommé par le président de la République, du président d'honneur et de 39 membres : cinq personnalités appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles, désignées par le président de la République, 19 personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d'éthique, 15 personnalités appartenant au secteur de la recherche. Le CCNE est un organisme indépendant placé auprès des ministres de la Recherche et de la Santé. L'instance délibérative majeure du CCNE est le comité plénier qui réunit tous les membres. L'instruction des dossiers est faite par la section technique qui comprend 12 membres : quatre sont issus du groupe des personnalités qualifiées pour leur compétence pour les problèmes d'éthique, et huit font partie des personnalités du secteur de la recherche. Organisme strictement consultatif, le CCNE peut être saisi par les présidents des assemblées parlementaires, les membres du gouvernement, un établissement d'enseignement supérieur, un établissement public ou une fondation reconnue d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé, ou enfin l'un de ses membres.

1- Travaux du Comité consultatif national d'éthique, coordonné par Didier Sicard. Puf. 30 Euro(s).