L'anorexie mentale - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Pathologie

Conduites a tenir

L'anorexie mentale concerne à 95 % les adolescentes et les jeunes femmes. Anorexie, amaigrissement et aménorrhée constituent la triade syndromique de cette pathologie. L'infirmière doit exercer une surveillance attentive de la patiente, en particulier pendant les repas.

DÉFINITION

Les définitions les plus récentes sont centrées sur le seul trouble de la conduite alimentaire. Ce syndrome fut clairement identifié comme tel dès la fin du XVIIIe siècle et prit successivement diverses dénominations : perversion de l'appétit, inanition volontaire, consomption nerveuse. Les premières descriptions isolant ce syndrome psychiatrique datent de 1873 avec « l'anorexie hystérique » de Lassegue, et « l'apepsie hystérique » de Gull. En 1883, Huchard leur substitue le terme resté actuel d'anorexie mentale.

ÉPIDÉMIOLOGIE

L'anorexie mentale survient principalement chez les adolescentes et les jeunes femmes (95 % des cas). Cette maladie est fréquente et montre depuis les années 90 une tendance à l'augmentation. Toutes les couches sociales de la population peuvent être touchées, avec toutefois une légère prévalence dans les milieux aisés. On notera chez les patientes anorexiques la présence d'une faille narcissique pouvant déboucher sur des troubles graves de la personnalité.

SÉMIOLOGIE

La forme classique de l'anorexie comporte une triade syndromique : « les 3 A ».

- Anorexie : restriction alimentaire volontaire avec maintien de la faim qui peut persister longtemps ;

- Amaigrissement : perturbation de la masse corporelle à hauteur de 25 % du poids initial ;

- Aménorrhée : coïncide le plus souvent avec le début de l'amaigrissement.

PRISE EN CHARGE INFIRMIÈRE

Surveillance stricte.

> De l'apparence physique :

- sécheresse de la peau, ictère, escarres ;

- cheveux (chute) ;

- présence d'un lanugo ;

- signes de déshydratation ;

- altération dentaire ;

- oedèmes chevilliaires et péri-orbitaires ;

- syndrome de Raynaud.

> Du métabolisme basal.

> Des constantes :

- hypothermie pouvant descendre à 33 °C ;

- hypotension ;

- bradycardie.

> Du bilan biologique, sur prescription médicale.

Accompagnement infirmier.

L'accompagnement infirmier s'inscrit dans une prise en charge pluridisciplinaire (médecins référents, diététicienne, kinésithérapeute et psychomotricien, psychologue, ergothérapeute).

Il est nécessaire pour une patiente souffrant de TCA d'avoir au moins deux infirmières référentes dans sa prise en charge.

Infirmière référente.

L'infirmière référente :

- entretient un lien privilégié avec les patientes ;

- effectue les entretiens infirmiers ;

- rassemble et distribue les informations au sein de l'équipe pluridisciplinaire, ce qui permet une cohérence de travail ;

- évite le clivage d'équipe ;

- mobilise l'équipe autour de la patiente.

Repas. Les repas sont pris à la table pavillonnaire afin de permettre des échanges autres qu'autour de la nourriture, sauf exception (plateaux). Le comportement des patientes TCA indique que la nourriture est un ennemi qui les fascine. Elles sont incollables en diététique, fines gastronomes, aimant cuisiner et nourrir les autres.

Elles ne se nourrissent pas, elles ingurgitent des calories, ce qui provoque chez elles des réactions de crainte, de rejet, d'agressivité (souvent non verbale). Les aliments sont scrupuleusement sélectionnés, mélangés avec beaucoup d'épices ; on voit dans leur assiette une sorte de magma informe et sans couleur. On note aussi une utilisation anarchique des couverts.

Rôle infirmier durant le repas.

- Donner un temps de parole et d'écoute après le repas, ce qui permet aux patientes de sortir de l'aliénation dans laquelle le symptôme les enferme, et d'éviter les passages à l'acte et les vomissements ;

- Poser des interdits et des limites calmement et sans coercition ;

- Ne pas imposer de surveillance aiguë ;

- Être attentif à l'état clinique.

Contrat de poids et de soins. Compte tenu de la dimension manipulatrice des patientes anorexiques, afin que la prise en charge soit clairement notifiée et que les soins soient adaptés au plus juste, nous travaillons avec un outil thérapeutique essentiel : le contrat de poids et de soins.

Le contrat de soins est une référence disponible à tout moment. Aussi bien pour la patiente que pour les soignants. Il permet, par son cadre rigoureux, de poser des limites afin de permettre à la patiente de se détacher progressivement de ses attitudes de contrôle. Il s'agit pour la patiente d'exister en elle-même et non plus au travers d'un symptôme. Il permet d'aborder l'hospitalisation en faisant se succéder différentes étapes pendant lesquelles la prise en charge s'élargira progressivement : de la séparation à la reprise de contact avec l'environnement familial et extérieur, et cela autour de reprises de poids.

Évolution et pronostic. La guérison est lente, supérieure à quatre ans. Une prise en charge en ambulatoire est indispensable afin de maintenir un état psychique et physique satisfaisant. Cependant, la chronicité des TCA est importante : un tiers des cas (7 % de décès), avec de fréquentes rechutes associant des troubles de l'humeur et un ancrage des troubles addictifs. Enfin, on peut noter une amélioration nette des troubles alimentaires, mais ces patientes auront toujours un « rapport particulier » à la nourriture.