L'Apa en pleine mutation - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Événement

Actualités

Malgré la fronde de l'opposition socialiste, la réforme de l'Apa a bien eu lieu le 18 mars. Cette décision irrite les Ehpad et les associations de soins à domicile, qui dénoncent la négligence des autorités à l'égard des personnes âgées dépendantes.

L'Apa (l'Allocation personnalisée d'autonomie) a été victime d'attaques répétées qui ont fait croire à son proche démantèlement. Les nouvelles dispositions instaurent un nouveau délai d'ouverture des droits à l'Apa de deux mois pour les personnes âgées dépendantes à domicile. Pour Paulette Guinchard-Kunstler, députée socialiste du Doubs, vice-présidente de l'Assemblée nationale et ancienne secrétaire d'État aux Personnes âgées, « ce qui a été décidé est très gênant car les personnes âgées sortant de l'hôpital ont besoin d'une prise en charge immédiate. Je considère ce nouveau délai de deux mois comme vraiment dangereux pour la qualité de leur prise en charge. »

Autre disposition : le renforcement du contrôle des dépenses liées à l'Apa par les conseils généraux. En clair, les personnes âgées devront garder des preuves justifiant la perception de l'Apa (justificatifs des dépenses), ceci dans l'optique de stabiliser la demande à l'offre de cette prestation. Troisième disposition, l'État participera au financement du surcoût anticipé de l'Apa en 2003, à hauteur de 400 millions d'euros, grâce à un emprunt venant alimenter son fonds de financement (Ffapa).

Des chiffres contestés.

Paulette Guinchard-Kunstler reste très prudente quant à ce surcoût : « Beaucoup de chiffres ont été publiés sur le coût prohibitif de l'Apa en 2002. Je suis très surprise de constater que ces chiffres étaient faux. Le gouvernement en place a eu une approche très partisane de l'Apa : ils ont tous hurlé aux loups, dénonçant la politique que la gauche avait mise en place. Aujourd'hui, on sait que les prévisions que nous avions faites sur le coût de l'Apa en 2002 étaient exactes, voire supérieures à son coût réel. Du coup, je suis très prudente sur les chiffres annoncés pour 2003. Comment leur faire confiance ? »

Malgré la polémique actuelle sur le coût de cette allocation, l'ancienne secrétaire d'État aux Personnes âgées reste stoïque, car « on va très vite rentrer dans une période de croisière ». Pascal Terrasse, rapporteur du projet de loi instituant l'Apa à l'Assemblée nationale et membre actif du conseil général de l'Ardèche, devient cassant sur ce sujet sensible : « Nous assistons au détricotage de l'action du gouvernement qui supprime des avantages sociaux sans proposer autre chose à la place. Nous sommes dans une logique de forte régression sociale, au moment où s'ouvre le dossier sur les retraites... J'attends avec impatience le bilan qui montrera qu'il manque 1,2 milliard, comme le prétend le gouvernement, qui a pris des mesures sans avoir eu d'études spécifiques sur l'Apa. »

Pascal Terrasse fait allusion aux prévisions du coût de l'Apa pour 2003 estimé à 3,7 milliards d'euros, soit un surcoût de 1,2 milliard d'euros par rapport aux prévisions de l'ancien gouvernement. Ce surcoût anticipé a incité le gouvernement à trouver de nouveaux financements. Première trouvaille : les personnes âgées dépendantes devront participer davantage au financement de leur propre allocation (cf. L'Infirmière magazine, n° 180, p. 11). Une fois encore, Paulette Guinchard-Kunstler n'est pas d'accord. « Si leurs projections sont aussi fiables en 2003 qu'en 2002... », ironise-t-elle. Elle dénonce aussi l'effet pervers de la conjugaison de l'abaissement du seuil de participation des personnes âgées dépendantes (de 949 à 623 euros) et du relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour un salarié à domicile, qui va profiter aux plus aisés. « Ils n'ont pas dû lier ces deux mesures », conclut-elle.

La dernière disposition prévoit la compensation des résidents des établissements hébergeant des personnes âgées (Ehpad) à hauteur de 36 millions d'euros. Ces derniers ont payé un surcoût en 2002 à cause de la mise en place de la nouvelle tarification et de l'Apa. Les Ehpad sont pourtant dans tous leurs états : quatorze organisations représentant ces établissements se sont réunies pour crier leur indignation le 18 mars. Leur message est clair : elles veulent que l'Assurance maladie leur verse les 183 millions d'euros, enveloppe prévue dans le cadre du plan quinquennal 2001-2005, afin que les conventions tripartites puissent continuer à être signées en 2003.

Pour Gérard Vincent (FHF), « nous sommes déjà le parent pauvre de ce secteur. Le plan quinquennal permettait une remise à niveau. Et nous apprenons que le gouvernement rompt ses engagements, qu'aucun budget n'accompagnera la signature de conventions tripartites en 2003. Nous espérons qu'il va rapidement rectifier le tir, car c'est le sort des personnes âgées qui est en jeu. »

Embauches compromises.

L'ensemble des organisations dénonce l'absence de prise en charge des soins dispensés aux personnes âgées dépendantes en établissement par l'Assurance maladie. Également pointée du doigt : l'enveloppe supprimée empêchera l'embauche de personnels supplémentaires. Or, le secteur connaît une réelle carence en personnel soignant.

« La qualité de vie des 680 000 personnes âgées dépendantes résidant dans nos institutions va encore se dégrader. Pourquoi sont-elles traitées comme des citoyens de seconde zone ? », s'indigne Alain Villez, de l'Union nationale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux. L'élan de revendication ne s'arrête pas à ce secteur. Le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes s'est dégradé. Une conférence tenue par la Fassad (Fédération des associations de soins et de services à domicile) le 20 mars dénonçait les délais très tardifs de versement de l'Apa (« très supérieurs à deux mois »), une diminution quantitative du nombre d'heures allouées aux personnes âgées dépendantes, le très lourd surcoût assumé par ces personnes dépendantes, l'inadaptation du dispositif d'évaluation de la dépendance (grille Aggir) et l'impossibilité de moduler la prestation en fonction de l'aggravation de l'état de santé des bénéficiaires. Bref, rien ne va plus.

Cette anarchie semble provenir de l'effet d'aubaine provoqué par la mise en place de l'Apa. Un nombre important de personnes âgées qui ne percevaient pas la PSD ont déposé un dossier. Or, tout dossier déposé, en attendant l'évaluation de la personne âgée, s'est soldé par le versement d'allocations forfaitaires. Des dérives de l'utilisation de ce forfait seraient responsables de la désorganisation du système. Tous les acteurs impliqués revendiquent leur mécontentement. Et ils attendent tous les réponses de M. Falco...

Question à Hubert Falco, secrétaire d'État aux Personnes âgées

Concernant les personnes âgées dépendantes en établissement, comment expliquer que l'enveloppe de 183 millions s'intégrant dans le plan de modernisation et d'amélioration de la qualité 2001-2005, soit annulée en 2003 ? Les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes percevront-ils en 2004 le budget de 2003 et de 2004, soit 360 millions d'euros ?

Pour 2003, 295 millions d'euros supplémentaires sont accordés aux établissements. Ils sont affectés pour l'essentiel aux effets en année pleine de conventions signées en 2002, aux effets de la RTT, aux mesures salariales, ainsi qu'aux politiques spécifiques (soins infirmiers à domicile et maladie d'Alzheimer). Nous examinons les marges disponibles pour signer les 1 800 conventions tripartites prévues pour 2003 tout en confirmant que peuvent être négociées et signées des conventions qui auront un effet budgétaire en 2004. Il est trop tôt pour définir ce que contiendra la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 mais bien entendu, toutes les conventions signées en 2003 seront honorées.

BUDGET

Querelle de chiffres

À la polémique sur la véracité des chiffres avancés pour l'Apa en 2002 par le gouvernement, Hubert Falco préfère répondre en termes de dossiers déposés, puisque le coût correspondant à son financement est inférieur à ce que le PS avait prévu...

« Les chiffres préoccupants avancés en 2002 sont au contraire totalement confirmés. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques a établi un bilan au 31 décembre 2002 : 1 043 000 demandes étaient déposées à cette date, dont environ 4 % ont été classées sans suite. 782 000 ont fait l'objet d'une décision. 55 000 dossiers étaient encore en cours d'instruction à cette date. Les projections établies à partir de ces données nous autorisent à évaluer à 815 000 le nombre de bénéficiaires pour 2003. Les départements, submergés, n'ont pas été en mesure d'instruire tous les dossiers qu'ils ont reçus. [...] Le coût de l'Apa pour 2002 est de 1,85 milliard d'euros. Pour moi, l'année 2002, année de montée en charge, ne posait pas de problème. Ce montant est inférieur aux prévisions car les dossiers ont été déposés tout au long de l'année et instruits avec des délais relativement importants pour certains d'entre eux. Pour 2003, les projections ont été vérifiées, en se fondant sur les chiffres que je viens de préciser [...]. »