La crise suicidaire - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Crise psychique

Conduites a tenir

Les premières manifestations de la crise suicidaire sont difficiles à cerner. Ses aspects sont variables et les troubles sont parfois peu spécifiques, ce qui permet mal de prévoir si la crise va évoluer vers une rémission spontanée ou vers une tentative de suicide.

DÉFINITION

C'est une crise psychique dont le risque majeur est le suicide : moment d'échappement où le patient présente un état d'insuffisance de ses moyens de défense, de vulnérabilité, le mettant en situation de souffrance et de rupture.

MANIFESTATIONS

Verbalisation. La personne exprime certaines idées et intentions suicidaires, sous forme de messages directs ou indirects (« Je veux mourir », « Je n'en peux plus, je voudrais disparaître »).

Crise psychique. Certains éléments traduisent la survenue d'une crise psychique : fatigue, anxiété, tristesse, irritabilité et agressivité, troubles du sommeil, perte de goût pour les choses de la vie, sentiments d'échec et d'inutilité, mauvaise image de soi, sentiments de dévalorisation, impuissance à trouver des solutions à ses propres problèmes, troubles de la mémoire, perte d'appétit ou boulimie, rumination mentale, appétence alcoolique ou tabagique...

Souffrance psychique. Certains signes sont évocateurs d'une souffrance psychique : visage renfermé, inexpressif, regard triste, pleurs, petits signes d'incohérence, changement de relation avec l'entourage, abandon d'activités, consommation abusive d'alcool, de psychotropes, de tabac ou de drogue, désinvestissement des activités habituelles, prises de risque inconsidérées, retrait par rapport aux marques d'affection et au contact physique, isolement...

Comportements préoccupants. À un stade ultérieur, la personne adopte certains comportements préoccupants : désespoir, souffrance psychique intense, réduction du sens des valeurs, cynisme, goût pour le morbide, recherche soudaine d'armes à feu...

Manifestations chez l'adolescent. Chez l'adolescent, la crise peut s'exprimer par un infléchissement des résultats scolaires, des conduites excessives et déviantes, une hyperactivité, une attirance pour la marginalité, de l'anorexie ou de la boulimie, des fugues et des prises de risque au niveau sexuel.

Évaluer les risques. Le regroupement de ces signes, dont certains ne sont pas spécifiques, ou leur survenue comme une rupture par rapport au comportement habituel doivent alerter. Une accalmie suspecte, un comportement de départ sont des signes de très haut risque.

FACTEURS ÉTIOLOGIQUES

Le contexte de vulnérabilité dépend beaucoup du statut conjugal, social et professionnel. Il peut être aggravé par un climat délétère dans le travail, les toxicomanies, le sida, l'émigration.

Les principaux facteurs de risque sont les troubles psychiatriques, les antécédents personnels ou familiaux de suicide, les pertes parentales précoces.

ACTIONS

En prévention. Il faut évaluer l'urgence :

- urgence faible : le patient, à la recherche de communication, désire parler et cherche à faire face à la crise ;

- urgence moyenne : le patient manifeste un équilibre émotionnel fragile, envisage le suicide (intention claire, scénario envisagé mais exécution reportée), ne voit pas d'autres recours et exprime directement ou indirectement son désarroi ;

- urgence élevée : le patient est très isolé, décidé (planification claire), en état de grande agitation ou au contraire complètement immobilisé. Sa douleur et l'expression de la souffrance sont omniprésentes ou totalement tues. Il a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider et a le sentiment d'avoir tout fait pour s'en sortir.

Il faut l'écouter, le croire, ne pas le juger, établir un climat de confiance, parler ouvertement du suicide sans moraliser ni donner des recettes de bonheur, et prétendre avoir des réponses à tout, essayer de trouver en lui des alternatives qui pourraient l'aider à se raccrocher aux activités qu'il aimait, briser son isolement (amis, professionnels, réseau d'écoute).

Il faut inciter son entourage à véritablement accorder de la valeur à son ressenti et à ses inquiétudes.

Services d'urgence. Dans la majorité des cas, les personnes en phase aiguë de crise passent aux urgences hospitalières, le plus souvent immédiatement après un passage à l'acte. L'organisation et la qualité de l'accueil auxquelles contribue largement l'infirmière de secteur psychiatrique sont essentielles. À privilégier :

- la sécurisation immédiate (mise au calme, choix d'un même référent - interlocuteur facilement accessible - respect de la confidentialité) ;

- l'écoute et le soulagement de la souffrance par un traitement symptomatique ;

- l'explication au patient, dès que son état le permet, des soins qui lui seront donnés et une information complète sur les structures d'écoute ;

- l'évaluation de la possibilité de soutien du patient en cas de retour à domicile ou en cas d'hospitalisation.

Hospitalisation. Elle est indiquée en cas de risque suicidaire imminent, de situation d'insécurité sévère à l'extérieur et chez tout adolescent. En cas d'hospitalisation, l'équipe infirmière se signale par son identité, son écoute et ses fonctions d'information et de médiation. Le soignant doit canaliser l'anxiété ou l'angoisse, voire l'agressivité, du patient ou de sa famille.