La maltraitance des personnes âgées - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Dossier

- Délit grave, la maltraitance des personnes âgées a suscité la création d'un comité national de vigilance en novembre 2002 - Le phénomène se manifeste aussi bien dans l'espace privé que dans les institutions - Placés en première ligne, les soignants peuvent prévenir ce fléau.

Une dame de 85 ans placée par ses enfants dans un foyer de SDF, des petits enfants qui rackettent leurs grands-parents en permanence, le compagnon de toute une vie qui se met à battre sa vieille épouse, une aide-soignante qui « oublie » de faire la toilette d'un aîné dont elle s'occupe au quotidien... Bienvenue dans l'univers de la maltraitance de la personne âgée. Celle-ci est multiple et insidieuse. On en parle beaucoup mais on ignore réellement l'ampleur du problème. Il y a quelques années, l'existence d'un tel phénomène était niée. Le nombre des aînés augmente et avec lui le nombre de personnes devenues dépendantes. Les chiffres le prouvent. En 1962, il y avait 2,3 millions de personnes de plus de 75 ans. Aujourd'hui, elles sont plus de 4,5 millions. Dans les maisons de retraite, en 1952, l'âge moyen était de 65 ans. Aujourd'hui, il est de 85 ans. Conséquence directe ou indirecte : de plus en plus d'aînés, victimes de la dépendance, sont malmenés. Mais que signifie exactement la maltraitance ? Quand peut-on dire qu'une personne âgée est maltraitée ? Cela se borne-t-il au seul traitement physique ? Quelles sont les origines profondes du phénomène ?

LE RAPPORT DEBOUT

Pour établir un état des lieux, le rapport Prévenir la maltraitance envers les personnes âgées a été remis à la secrétaire d'État aux Personnes âgées d'alors, Paulette Guinchard-Kunstler, en janvier 2002. Reconnaître enfin officiellement ce problème était un premier pas. « Le nombre de rides qui couvrent leur corps ne peut plus dissimuler le nombre de leurs années. Les vieux... En Afrique, l'âge avancé est synonyme de sagesse gagnée. Dans nos sociétés occidentales, il nous renvoie à la vieillesse, à ce que l'on sera forcément un jour. Et trop souvent, on ferme les yeux devant les souffrances des personnes âgées. Pire. On maltraite une personne que l'on estime désormais inutile à la société. [...] Non ! La personne âgée est avant tout une personne. » Ainsi s'indignait l'ancienne secrétaire d'État aux Personnes âgées, qui, dès sa nomination, en mars 2001, s'était inquiétée des maltraitances commises sur les personnes âgées, à domicile ou en institution.

De cette indignation est née la commande d'un rapport rendu par la Direction générale de l'action sociale et le bureau de la protection des personnes, publié au Journal officiel le 22 janvier 2002. À la tête du groupe de travail qui s'est penché sur l'étude de la maltraitance : le professeur Michel Debout, membre du conseil économique et social. 45 personnes (juge des tutelles, président d'Alma France, professeur en CHU, chef de service de gérontologie, cadre infirmier, directrice de maison de retraite, etc.) ont été auditionnées pour la réalisation de ce rapport. Il s'agit du premier compte rendu officiel sur le sujet. Il est organisé en deux parties : « Connaître et comprendre ce phénomène » et « Agir : protéger et prévenir ». Le rapport rappelle dans un premier temps le vieillissement démographique. Selon l'Insee, la France comptera en 2020 21 % d'hommes et de femmes âgés de plus de 65 ans. Et 3,4 % de plus de 85 ans.

Avant d'essayer de comprendre le phénomène, il faut tenter de le définir : « Il y a deux approches possibles du concept de maltraitance. La première, très large, assimile la maltraitance aux situations de violences dont la victime peut être une personne âgée : violence de prédation (des vols à l'arraché jusqu'au crime crapuleux), violences accidentelles avec ou sans tiers en cause, violence suicidaire, parfois conséquence des deux premières. Mais il est possible d'évoquer une violence plus sournoise et cachée, la violence par médication interposée, consistant à imposer à la victime des doses de médicaments sans relation avec son état de santé physique ou mental, dans le but d'abréger sa vie ou de provoquer sa mort. [...]

La seconde approche - celle qui a été retenue par la commission - se centre plus spécifiquement sur les perturbations, souvent insidieuses, des relations entre les personnes âgées et leur entourage. Elles mettent en cause au quotidien le lien qui les unit à leur conjoint, à leurs enfants, à d'autres parents lorsqu'ils vivent à domicile, ou à différents intervenants professionnels dans le cadre de la vie à domicile et en établissement. Ces perturbations peuvent se manifester par de simples "négligences", voire de l'indifférence. »

Grâce à Alma (Allô maltraitance des personnes âgées), on peut aujourd'hui avoir une idée chiffrée du phénomène. Ainsi, même si cette association ne couvre pas tout le territoire, on sait que les lieux sociaux de la maltraitance sont à 28,6 % les institutions, à 64,3 % le domicile. Le reste se répartit entre la famille d'accueil (1,5 %) et un lieu inconnu (5,6 %). Aujourd'hui, 73 % des plus de 85 ans vivent chez eux ou chez un membre de leur famille. Cela représenterait plus de 1 050 000 personnes. En institution, elles seraient plus de 600 000. Au niveau international, les pouvoirs publics commencent également à prendre le problème à bras-le-corps.

L'APPEL DES NATIONS UNIES

L'appel lancé au début de l'année dernière par les Nations unies pour une mobilisation mondiale, tout comme les actions internationales actuellement menées, prouvent l'ampleur du phénomène. Le 26 février 2002, le secrétaire général des Nations unies a rendu un rapport sur la maltraitance des personnes âgées. Kofi Annan a ainsi lancé un appel à la mobilisation mondiale pour lutter contre ces graves violations des droits des personnes âgées. Bien que l'on dispose de peu de statistiques au niveau mondial, et que les cas de violence domestique à l'encontre des personnes âgées demeurent en grande partie tus, plusieurs études ont pu être menées au niveau national.

Aux États-Unis, le National Center on Elder Abuse a noté un accroissement de 150 % des cas de maltraitance signalés par les services publics de protection des adultes entre 1986 et 1996. L'étude a montré également que l'auteur des violences était le plus souvent le fils ou la fille adulte de la personne âgée (37 %), suivi par le conjoint (13 %) et d'autres membres de la famille (11 %). En Australie, au Canada et au Royaume-Uni, les enquêtes réalisées ont permis de constater que le pourcentage de personnes âgées signalées comme victimes de maltraitance ou de négligence allait de 3 à 10 %. En Argentine, sur un échantillon de personnes âgées vivant en milieu urbain, 45 % ont fait état d'actes de maltraitance, en majorité de nature psychologique.

Les résultats montrent que les auteurs de violence et de maltraitance contre des personnes âgées sont le plus souvent des membres de la famille, des amis ou des connaissances. Mais le cercle familial n'est nullement le seul cadre où des violences sont commises contre les personnes âgées. Ainsi que l'a révélé une étude sur l'incidence de la maltraitance des personnes âgées dans les établissements spécialisés, réalisée aux États-Unis, 10 % du personnel infirmier reconnaît avoir commis au moins un acte de maltraitance physique, et 36 % du personnel avoir vu pratiquer de tels sévices. Selon la même étude, 40 % du personnel reconnaît avoir proféré des insultes à l'encontre d'un résident au cours des 12 mois précédents et 81 % avoir observé un incident de maltraitance psychologique (source : http://www.un.org).

UN TABOU SOUVENT CONNU DES SOIGNANTS

Voilà bien l'un des problèmes essentiels de la maltraitance. Beaucoup de soignants, sans s'en rendre compte réellement, la pratiquent ou connaissent son existence. Mais comment déceler de mauvais traitements en institution ? Pour Estelle Mayart, psychologue et formatrice Irap Santé, « la première des choses, c'est de ne jamais banaliser les marques repérées sur le corps d'une personne âgée. On doit toujours envisager la maltraitance comme une possibilité. Face à une plainte, les soignants commencent souvent par se dire : c'est un délire. Un changement de comportement doit aussi faire réfléchir. Aussi bien l'apparition d'un repli sur soi que d'une conduite agressive. Mais pour déceler une maltraitance, il faut surtout se mettre à l'écoute. Le vrai problème est de savoir que faire quand on est témoin. L'institution gériatrique fonctionne comme une famille, avec ses tabous dont fait partie la maltraitance. À l'heure actuelle, quand il y a une réaction, il y a un traitement interne qui conduit souvent à des changements de postes. Certains établissements se révèlent ainsi des espaces de non-droit. C'est une réalité perverse. Les institutions devraient montrer l'exemple et déposer des affaires en pénal pour que les agresseurs soient punis. »

La loi du silence dans certaines familles et établissements conduit donc à des situations dramatiques. Le nouveau Code pénal autorise pourtant le médecin à introduire la notion de vulnérabilité des personnes âgées, infirmes ou déficientes physiques ou psychiques, et donne le droit au médecin traitant de révéler les faits. L'obligation de dénonciation figure et impose à quiconque d'informer les autorités judiciaires ou administratives (cf. Juridique, p. 40). Et pourtant... Alma, l'association d'écoute téléphonique et de prévention de cette maltraitance est témoin chaque jour de cette loi du silence. Nombreux sont ceux qui donnent un signalement en faisant promettre aux écoutants de ne pas révéler leur identité. « Nous restons très discrets car les directeurs d'établissements ne doivent pas connaître l'identité des témoins », ajoute Christine. Marie-Agnès Crosnier- Lorrain, référente d'Alma Reims, révèle que « les élèves infirmiers (sic) savent ce qu'ils risquent en dénonçant une maltraitance ». Le chemin semble encore long pour faire changer la donne.

LE « BURN OUT » RESPONSABLE ?

Qu'est-ce qui contribue à la pratique de la violence ? « Comment voulez-vous avec les 35 heures bien suivre un patient ? On n'a plus le temps de se voir, de parler, estime une infirmière. Le référent au malade est nul. » On constate un manque de discussion des problèmes en équipes. Mais dans l'apparition de la maltraitance, on retrouve surtout des causes psychologiques. À commencer par le stress des équipes soignantes. Pas le temps de s'occuper d'une vingtaine de malades à la fois à l'heure des piqûres du matin. On parle d'un vrai problème d'épuisement des aidants et des professionnels. Et un comportement qui glisse vite vers la maltraitance sans que le soignant n'ait vraiment réalisé la portée de ses propos ou de ses actes. Pas le temps, pas le courage, la fatigue... Autre cause psychologique : l'inversion du rôle parent-enfant. Pour le docteur Ploton, psychogériatre, auteur de La Personne âgée, « si on admet qu'au contact d'une personne âgée se développe l'équivalent d'une relation parents-enfants, la situation thérapeutique va introduire dans cette relation une inversion des rôles doublée du renversement absolu des rapports de force, le plus âgé étant apparemment à la merci intégrale du plus jeune. Ceci ne peut que renvoyer aux souvenirs enfouis de la petite enfance, avec des relents de situation de revanche par rapport aux traumatismes et aux frustrations encaissés alors. Inconsciemment risque, c'est évident, d'apparaître le désir, ou la peur du désir, de faire du mal au patient âgé. » Mais pour les soignants (comme pour les familles et les proches), c'est la relation à la vieillesse et à la mort omniprésente qui est souvent difficile à vivre. Et l'impossibilité de faire le deuil normal d'un résident avec qui on a créé des liens affectifs.

Ce phénomène peut entraîner des actes brutaux ou la non-compassion avec les patients, le non-engagement et le rejet de liens affectifs. « Le renversement des rôles passe par une phase particulièrement critique lorsque l'adulte jeune est confronté, non seulement à l'impotence du vieillard, mais aussi à son incontinence, précise le docteur Ploton. Là risquent plus particulièrement de surgir des mécanismes d'intolérance, et des pulsions sadiques, qui puisent leurs racines dans les aléas de l'éducation. »

La maltraitance de la personne âgée n'est-t-elle pas tout simplement liée aux mentalités ? Au fait que la société exclut la vieillesse car celle-ci n'est pas valorisante, en opposition totale avec les « valeurs » actuelles : jeunesse, beauté et performance ? Tout cela peut-il justifier le fait de blesser par les mots ou les gestes une personne dépendante ? La surcharge de travail, le stress, la peur de la mort ne constituent pas des excuses suffisantes pour légitimer cette violence. Partout, des initiatives se multiplient pour lutter contre ce fléau. À commencer par la mise en place d'un conseil de vigilance instauré par le Secrétariat d'État aux personnes âgées.

UN COMITÉ NATIONAL DE VIGILANCE

Le secrétaire d'État aux Personnes âgées, Hubert Falco, a déclaré le 19 novembre dernier que la lutte contre la maltraitance devait être considérée comme « une cause nationale ». Dans son discours inaugural, il a souhaité « donner le signal fort d'un État qui prend ses responsabilités ». Il a ainsi installé un comité national de vigilance, qu'il préside, composé de 28 représentants des personnes âgées, des professionnels, d'experts. Pour le secrétaire d'État, « la maltraitance des personnes âgées reste encore trop souvent un sujet tabou. C'est une réalité que l'on refuse de voir en face. La société doit être solidaire de ses aînés les plus fragiles et être garants de leur droit à la dignité. Les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées sont particulièrement exposées », a-t-il ajouté.

Ce comité de vigilance consultatif, représentatif et actif, se compose de 28 membres, des représentants des personnes âgées, des professionnels, des représentants des principales associations et fédérations d'établissements et d'établissements et des services d'aide à domicile, des médecins, des représentants des services décentralisés de l'État comme la Ddass (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale), des associations comme Alma, pionnière dans la lutte contre la maltraitance en France, l'Afpap, et autres experts. Une campagne nationale de sensibilisation va être lancée, suite à l'avis favorable du Premier ministre. Trois commissions (éthique, communication ; gestion des risques ; outil et procédure) ont été mises en place en janvier. À l'heure où nous mettons sous presse, elles devaient se réunir le 1er avril en séance plénière. Hubert Falco a défini huit objectifs à atteindre (cf. encadré ci-dessus) parmi lesquels la mise en place d'un dispositif de gestion des risques de maltraitance (outils d'information, de détection, de formation des acteurs, des personnels).

Outil d'information prédominant, le réseau d'écoute téléphonique Alma a été mis en place sur le territoire français dès 1995. Exemples de récits des écoutants : une dame hémiplégique violée par son mari, des résidents lavés à l'eau froide, un vieil homme battu par un fils alcoolique, une grand-mère « oubliée » pendant trois heures aux toilettes, une personne incontinente privée de goûter car elle s'était souillée... Pour les écoutants, les récits sont souvent cauchemardesques. « Au début, raconte Christine, écoutante à Alma Reims, j'ai eu beaucoup de mal à écouter sans agir tout de suite. » Pour Nicole, « on est horrifié par des histoires mais très vite, on apprend à reconnaître une personne qui fait un délire. Dans ce cas, il faut l'orienter vers un médecin ».

En 1995 est créé le réseau Alma (Allô maltraitance), qui assure sur le territoire national un système d'écoute pour les personnes en difficulté. Cette association développe la prévention et l'information. Elle permet de faire un suivi entre les appels et les demandes d'aides et de conseil. Des professionnels dans le domaine social, sanitaire ou judiciaire interviennent auprès de personnes en difficulté.

Cet après-midi, dans l'antenne d'Alma Reims, le téléphone n'a pas sonné. Nicole et Christine, les deux écoutantes bénévoles, en profitent pour faire le point sur les derniers dossiers. Ouverte en 1995, cette antenne fonctionne aujourd'hui avec sept bénévoles et deux référents professionnels. « Nous avons été formées, raconte Nicole, pendant trois jours. Tous les deux mois, on reprend tous les dossiers pour en discuter ensemble. Régulièrement, nous participons à des colloques sur la maltraitance. Nous venions tous de structures liées à des actions d'alphabétisation ou de malades d'Alzheimer. » Christine, par exemple, est présidente d'une association qui lutte contre la maltraitance des enfants. Deux fois par semaine, une permanence téléphonique est assurée durant l'après-midi. Le reste du temps, un répondeur enregistre tous les appels. L'année dernière, l'antenne de Reims a traité 92 dossiers. 171 appels reçus concernaient la maltraitance. 28 % une maltraitance physique, 27 % une maltraitance dite financière et 23 % des maltraitances psychologiques. 9 % des cas relevaient également de négligence active et 7 % de négligence passive.

PEUR D'ÊTRE RECONNUS

Pour la directrice, Hélène Albert, « nous sommes dans la moyenne Alma France, mais la moitié des appels que nous recevons sont des signalements hors département. Je suis persuadée que les gens n'osent pas appeler l'antenne la plus proche de peur d'être reconnus ». Alma répond aux appels mais ne se déplace jamais sur le terrain. Le rôle des équipes est de permettre un relais avec les services sociaux, voire avec la gendarmerie, qui vont se rendre à leur tour sur les lieux de la maltraitance. Dans le cas des institutions, un signalement est transmis à la direction. Mais là, plus qu'ailleurs, les choses ne sont pas simples. « Cela fait quatre fois que l'on écrit à cet établissement public et cela n'avance pas, explique Nicole. Déjà deux ans que nous sommes sur l'affaire. Il y a pourtant des signalements graves. » L'équipe d'Alma sait bien que s'il y a un signalement dans un service, cela signifie que plusieurs résidents vont en être les victimes. L'action d'Alma a ses limites. Lorsqu'un témoin appelle une première fois sans vouloir donner de nom, il est difficile de faire quelque chose s'il ne rappelle pas une seconde fois. S'il n'y a ni contacts, ni indices, la suite de l'aide est impossible. « On lâche prise alors », explique Nicole. D'autres associations se consacrent à la maltraitance. C'est notamment le cas de l'Afpap (cf. encadré p. 33).

GROUPES DE PAROLE

Au sein des établissements et des services, des démarches « qualité » sont également engagées. Les professionnels du service à domicile ont signé une norme le 20 août 2001 pour sensibiliser les professionnels aux situations de maltraitance. La loi doit permettre de protéger les employés de structures sociales et médicosociales qui révèlent des actes de maltraitance commis au sein des établissements de services. Et de rappeler, pour les personnes concernées, le dispositif de sanctions pénales et civiles mis en place. En mai 2002, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris et l'Association gérontologique de l'Essonne (AGE) ont signé une charte pour prévenir, détecter et prendre en charge la maltraitance des personnes âgées et handicapées.

Pour Estelle Mayart, les psychologues doivent faire circuler la parole : « Les soignants doivent pouvoir exprimer leur sentiment d'impuissance, de frustration, de tristesse aussi. Il faut leur faire comprendre que leur travail n'est pas facile et qu'il est normal qu'ils ressentent parfois un ras-le-bol, exaspération et colère. Il faut leur dire que leur contexte de travail n'est pas facile. Ils sont confrontés à des réalités de la vie comme la dégradation. Nous devons les entraîner dans une réflexion sur les raisons de leur engagement professionnel. Mais on doit aussi leur apporter des réponses sur les troubles du comportement des personnes âgées. Qu'ils ne s'arrêtent pas à penser "monsieur Untel est agressif". Les groupes de parole sont également des moments où chaque soignant peut donner son point de vue. Là, on se laisse le droit de dire à un collègue : "Tu parles mal à madame Untel". Le psychologue relance alors la réflexion. Comme toute autre personne, il pourra aussi se placer en position de témoin. »

Les formations sur la maltraitance sont aussi données au personnel soignant et les infirmières, notamment, sont les plus nombreuses à les suivre. Mais pour Hélène Albert, directrice d'Alma Reims, la différence depuis l'ouverture de l'antenne en 1995, c'est la connaissance du mal. « Aujourd'hui, même si elle est encore taboue, dit-elle, on ne peut plus nier la maltraitance. » Mais, face à ce fléau, il faut surtout sensibiliser l'opinion publique et porter, enfin, un autre regard sur la personne âgée.

Alma France

BP 1526

38025 Grenoble cedex

Tél. : 04 76 84 20 40

Fax : 04 76 21 81 38

Numéro national : 08 92 68 01 18

Site Internet : http://www.almafrance.org

Maltraitance par omission

Certaines actions sont de véritables gestes ou non-gestes de maltraitance :

> manque d'aide pour les repas (manger et boire) ;

> manque d'aide pour l'habillage ;

> manque d'aide à la marche ;

> manque d'aide pour le lever et le coucher ;

> manque d'aide pour aller aux toilettes ;

> privation de visites et d'activités d'une institution.

Rappelons que 58 % des auteurs de maltraitance sont des membres de la famille.

Parmi eux, le fils (37 %), la fille (28 %), le conjoint (13 %), les neveux ou nièces (6 %), le beau-fils ou la belle-fille (6 %).

Sources : Alma.

ÉTUDES

Qui sont les victimes ?

Mais qui sont les victimes de cette maltraitance ? Selon Alma (en comptabilisant les appels téléphoniques), les victimes sont à 75 % des femmes. Ce sont souvent des personnes tombées dans un état de dépendance. Les auteurs de la maltraitance sont, quant à eux, « plus souvent des proches, membres de la famille, relations de voisinage, intervenants professionnels, acteurs sociaux et économiques ». Mais ces auteurs peuvent, pour diverses raisons, être en situation d'épuisement eux-mêmes et développer une attitude agressive. « D'une manière générale, on constate que la précarité, les difficultés relationnelles, sociales ou psychologiques, la marginalité ou encore les conduites addictives caractérisent les auteurs de maltraitance à domicile. » Les interventions des professionnels du secteur médicosocial à domicile peuvent également entraîner des conduites de maltraitance. Les comportements de ce personnel, venant d'horizons différents, sont très variables. Idem en établissement hospitalier ou en maison de retraite.

CONSEIL DE VIGILANCE

Huit axes de lutte

Le secrétaire d'État aux Personnes âgées a mis en place un comité de vigilance pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées.

Ses huit objectifs sont :

1- mieux connaître la maltraitance des personnes âgées pour mieux la prévenir ;

2- lancer une campagne nationale de sensibilisation (population, acteurs, professionnels, etc.), car selon Hubert Falco, la prévention et la lutte sont l'affaire de tous ;

3- améliorer le système de protection juridique des personnes âgées ;

4- mettre en place un dispositif de gestion des risques de maltraitance (outils d'information, de détection, de formation des acteurs, des personnels) ;

5- renforcer les exigences de qualité (services à domicile, établissements, etc.) ;

6- création, diffusion de guides de bonnes pratiques pour le traitement des signalements ;

7- renforcer les contrôles et les inspections des établissements ;

8- organiser le suivi et l'évaluation de cette politique.

L'Afpap

L'Afpap (Association française de protection et d'assistance aux personnes âgées)(1) a pour objet la protection, l'assistance et l'information auprès des personnes âgées. Elle diffuse l'information sur les droits des personnes âgées auprès des professionnels du secteur médicosocial et des familles. Elle a également un rôle d'écoute et de conseil auprès des personnes âgées et des familles par le biais d'une assistance téléphonique gratuite.

1- Tél. : 0800 02028 ou http://www.afpap.org.

VIOLENCES

Les différentes formes de maltraitance

1- Violences physiques : coups, gifles, brûlures, contusions.

2- Violences psychologiques : insultes, menaces de rejet, de rétorsions diverses.

3- Violences financières : vol, extorsion de fonds, signature forcée, héritage anticipé.

4- Violences médicamenteuses : abus de neuroleptiques ou privation des médicaments nécessaires.

5- Violences civiques : privation des droits élémentaires du citoyen.

6- Négligences actives : privation des aides indispensables à la vie quotidienne.

7- Négligences passives : oubli, abandon.

Sources : Alma.