La voix du sang - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

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Lors du colloque organisé à l'hôpital Avicenne, Delphine Leclerc, infirmière dans le service des maladies infectieuses et tropicales de ce même hôpital, évoquait les difficultés rencontrées dans les services par rapport au sang prélevé ou transfusé, notamment pour des patients issus d'Afrique subsaharienne. Des réticences et méfiances traduites par Sarah Mas Miangu, « femme médiatrice et culturelle » à Pantin, dans un poème évocateur : « Toi femme à la blouse blanche, tes aiguilles me donnent le frisson, ces flacons sur ton plateau aligné, je ne suis pas un objet, non, ne me touche pas, explique-moi le but de votre manoeuvre... »

Crainte de l'affaiblissement (le sang, symbole de vie), de l'utilisation maléfique (maraboutage ou expériences occultes), peur des maladies transmises par le sang, les sujets d'appréhension ne manquent pas.

Symbole et technique.

Dans de nombreuses religions, le sang est doté d'une valeur spirituelle, qu'il convient de ne pas occulter dans le rapport au patient. « Le sang, c'est sacré, souligne Sarah, on ne joue pas avec du sang. » Or, le soignant a été peu préparé à inclure dans le soin culture et croyances.

« L'infirmière est dans une dimension technique quand le malade s'attache à la dimension symbolique », note Delphine Leclerc. « Ces difficultés doivent être prises sur un plan positif, estime Olivier Bouchaud, médecin dans le service des maladies infectieuses d'Avicenne. Les médecins ont tendance à considérer le sang comme quelque chose de banal, ils auraient intérêt à rationaliser l'utilisation du sang. »

Même si, à l'hôpital, le temps est compté, l'infirmière doit dialoguer avec le malade pour redonner un sens à l'utilisation du sang. Quand le patient, inquiet du devenir du sang prélevé, multiplie les questions très précises (nombre de tubes nécessaires, etc.), elle ne doit surtout pas dire qu'il est jeté par la suite mais insister sur l'intérêt de l'acte. « Il est plus judicieux de dire que le prélèvement permet de lire le sang pour traiter la maladie », suggère Delphine Leclerc.

Le sang conserve ainsi son caractère sacré.