Le patient délirant - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Pathologie

Conduites a tenir

Les psychoses se caractérisent essentiellement par une altération de la perception du monde extérieur et une perte de contact avec la réalité. Face à un patient délirant, l'infirmière doit faire preuve de disponibilité et d'écoute distanciée.

DÉFINITION

Délirer, c'est nier la réalité extérieure, sans le savoir et sans pouvoir s'en rendre compte. Le délire est un ensemble d'idées fausses qui envahissent le psychisme du malade. C'est, en quelque sorte, une distorsion radicale de la relation entre l'individu et la réalité.

Ce dernier n'a pas conscience du caractère pathologique de son état. Il est convaincu d'avoir raison. Pour lui, les autres se trompent et son comportement va découler de cette conviction pathologique. D'où certaines difficultés d'approche.

ORIGINES

De très nombreux états pathologiques peuvent engendrer des idées délirantes. Au cours d'une affection somatique grave entraînant une altération aiguë de la conscience, un syndrome confusionnel, il existe parfois une véritable expérience délirante et hallucinatoire.

Lorsqu'il existe une détérioration mentale liée à un état démentiel progressif chez un sujet âgé, le tableau peut prendre l'allure d'un délire chronique.

Le délire est présent dans la plupart des troubles psychopathologiques :

- la PMD (psychose maniacodépressive). Certaines dépressions mélancoliques s'accompagnent d'idées délirantes d'indignité, de culpabilité ; certains états maniaques s'accompagnent d'idées de toute-puissance ;

- les états psychotiques délirants aigus appelés bouffées délirantes ;

- les états psychotiques délirants chroniques : la schizophrénie, les délires chroniques.

REPÈRES SÉMIOLOGIQUES DE L'ÉTAT DÉLIRANT

Pour définir un état délirant, il convient de s'interroger sur certains critères.

Mécanismes. Les mécanismes sont les générateurs du délire. On en distingue quatre :

- l'hallucination : perception d'un objet qui n'existe pas - ces fameuses voix peuvent être agréables ou désagréables. Le sujet peut en être complètement envahi, angoissé par leur présence, et chercher par tout moyen à leur échapper ;

- l'interprétation : distorsion du jugement ;

- l'intuition : mécanisme par lequel le sujet acquiert la conviction de la réalité d'un phénomène sans aucune preuve ;

- l'imagination : fabulation.

Thèmes. Les thèmes se définissent comme la trame (de l'histoire) qui anime l'expérience délirante du patient. Ils se rapportent, généralement, aux idées :

- de persécution ;

- de grandeur ;

- d'influence ;

- mystiques ;

- érotomaniaques.

Systématisation. La systématisation est le degré de cohérence ou de structuration des idées délirantes qui apparaîtront plutôt logiques, ordonnées dans un délire paranoïaque, et plutôt floues et incohérentes dans un délire paranoïde, ce qui renvoie à la schizophrénie.

Vécu. Le vécu ou le degré d'adhésion aux idées délirantes peut être comparable à une conviction, une adhésion totale ou alternée avec des phases de suggestibilité en fonction des réponses de l'interlocuteur.

APPROCHE THÉRAPEUTIQUE

Observation. Très importante, l'observation sera une grande aide au diagnostic et donc à la thérapeutique.

En effet, repérer les mécanismes générateurs de délire et le degré de systématisation de celui-ci permettra de faire le diagnostic différentiel entre les délires aigus (BDA), la psychose maniacodépressive (PMD), la schizophrénie et les psychoses chroniques.

Apprécier les thèmes et la conviction délirante permettra d'évaluer les situations critiques, la dangerosité du patient pour lui-même ou pour autrui.

Écoute. Il est essentiel de faire preuve de disponibilité et d'écoute, de savoir écouter sans adhérer au discours, ni être dans le déni ou le rejet du délire.

Les capacités d'écoute du soignant sont abondamment sollicitées et ses émotions mises à rude épreuve.

Aussi, il est important qu'il reste dans une démarche de soins cadrée afin de repérer le délire et d'instaurer une relation de confiance.

Distance. Le patient est souvent excessif dans sa relation avec l'autre et peut donc passer du rejet violent au besoin de proximité avec le soignant.

Cette ambivalence est très difficile à gérer pour le soignant qui aurait tendance à répondre en miroir. La bonne distance est celle qui permet au patient de créer son propre espace psychique. Trop proche, le patient peut se sentir menacé. L'infirmière devient alors persécutrice. Trop distante, l'infirmière peut devenir un maillon incorporé dans le délire du patient.

Gérer sa peur. Lorsque le patient est envahi par son délire, qu'il se sent menacé, persécuté, il fait peser sur le soignant une pression qui induit un sentiment de peur.

Là encore, il faut se référer au cadre de soins établi dans le service. Cette démarche est indispensable, tout comme la restitution à l'équipe des émotions ressenties.