Les troubles bipolaires | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Cours

Les troubles bipolaires, définis par des auteurs comme Jules Angst, Carlo Perris ou George Winokur, constituent des alternances récurrentes d'accès maniaques et dépressifs d'origine endogène. Ils ont une évolution chronique.

Depuis l'antiquité, des descriptions médicales dépeignent des tableaux maladifs, pôle extrême des dérèglements de l'humeur, sous les appellations d'états dépressifs (ou mélancoliques) d'une part, et sous forme d'états maniaques d'autre part. Des possibilités de transformation de l'un en l'autre avaient déjà été notées, l'humeur virant d'un extrême à l'autre, constituant cette inversion d'humeur appelée le switch, et à l'origine de tableaux cliniques opposés. Parfois, des symptômes appartenant à ces deux états opposés se mêlent dans un même accès clinique, appelé état mixte. Nous décrirons dans un premier temps chacun des deux types d'accès thymiques, dépressifs et maniaques, avant de tenter de comprendre comment ils ont été articulés historiquement dans le cadre des psychoses maniacodépressives, puis, plus récemment, dans celui des troubles bipolaires, redécoupage moderne de cette maladie.

SYNDROME MÉLANCOLIQUE

Il s'agit d'un état dépressif majeur d'intensité sévère. Parfois, la symptomatologie apparaît à la suite d'un facteur déclenchant. La rupture dépressive survient lorsque le sujet ne peut s'adapter à une situation nouvelle qui nécessite un remaniement de ses investissements affectifs. Le plus souvent, aucune cause déclenchante n'est retrouvée. L'accès mélancolique débute le plus souvent insidieusement et les symptômes dépressifs se déploient progressivement. Le patient présente un aspect tout à fait caractéristique avec une attitude figée, un visage affaissé aux traits tombants. Les rides d'expressions dessinent parfois au niveau du front le classique « oméga mélancolique » qui exprime la douleur morale et l'accablement. Les mouvements sont rares et lents, la voix est devenue basse et monotone. Parfois, le mutisme est total. Le refus de manger est présent avec amaigrissement important et rapide. L'insomnie persiste, sévère. À ce stade, l'examen clinique retrouve la majorité des symptômes de cette dépression sévère.

Inhibition de l'activité motrice. L'inhibition de l'activité motrice avec réduction de la mobilité aux gestes essentiels fige toute velléité d'action. L'inertie est globale, la passivité majeure.

Inhibition de la pensée. Les efforts de concentration, d'attention ne peuvent plus être soutenus. Le psychisme parait amorphe, englué dans une lenteur de l'idéation (bradypsychie) qui se traduit par une absence quasi totale d'initiatives et de projets. Ce manque de volonté empêchant l'action (aboulie) constituerait un aspect fondamental de l'accès mélancolique.

Douleur morale. La douleur morale est pénible à supporter par le patient dont le psychisme est envahi par le sentiment d'un malheur irrémédiable. Le mélancolique rumine des sentiments de culpabilité, de châtiment. Aucune activité ne lui procure de plaisir (anhédonie). Parfois, des perceptions sont interprétées de manière erronée en raison de l'état mélancolique. Ces thèmes s'expriment soit par des idées délirantes de misère et de ruine, soit par des auto-accusations répétées avec sentiment d'indignité, soit par des idées de possession, de persécution, soit enfin par des préoccupations hypochondriaques avec idées d'incurabilité. Ces idées délirantes sont congruentes à l'humeur, car teintées de la même tonalité affective.

Idées de suicide. Les idées de suicide sont présentes. Le risque de passage à l'acte est majeur. Il est donc important d'évaluer le risque suicidaire qui peut constituer une urgence véritable (cf. supra).

Perturbation du rythme nycthéméral. La perturbation du rythme nycthéméral est constante avec insomnie pénible, rebelle au traitement hypnotique. Elle se caractérise souvent par un réveil précoce avec appréhension. Elle entraîne une exagération matinale de toute la symptomatologie dépressive.

Troubles digestifs. Les troubles digestifs sont habituels avec anorexie sévère entraînant amaigrissement et constipation.

Inappétence sexuelle. L'inappétence sexuelle se traduit par une baisse importante de la libido et une aménorrhée chez les femmes mélancoliques.

SYNDROME MANIAQUE

Le syndrome maniaque réalise un état d'excitation psychomotrice avec exaltation de l'humeur. L'épisode maniaque débute de façon soudaine, sans circonstance déclenchante apparente. Parfois, il est possible d'incriminer des événements traumatisants dans le déclenchement de l'accès (rupture existentielle, traumatisme affectif, choc émotionnel...). L'insomnie domine le tableau clinique initial. Le patient « en pleine forme » n'éprouve plus aucun besoin de dormir et surprend son entourage par son état d'excitation, son hyperactivité inhabituelle, ses achats inconsidérés. En quelques jours, le tableau clinique est complet et le patient présente les facteurs suivants.

Hyperthymie expansive. On observe une hyperthymie expansive, mais cette euphorie est morbide et s'accompagne d'une labilité thymique extrême. Un détail de l'environnement, en apparence insignifiant, fait passer le patient du rire aux larmes, l'expansion et l'irritabilité alternant d'un moment à l'autre. Le patient évolue rapidement d'une familiarité bienveillante à une ironie agressive, voire violente. L'euphorie morbide domine. Elle infiltre l'ensemble du langage verbal dont le débit est accéléré et intarissable. La logorrhée est incoercible. On constate parfois dans le langage écrit une graphorrhée. Cette expansion de l'humeur se traduit par une foule de projets le plus souvent abandonnés et à peine exprimés. L'agitation des patients est donc stérile, improductive, et ne débouche sur aucune réalisation correctement construite.

Accélération des processus intellectuels. L'accélération des processus intellectuels se traduit par une impression de rapidité des pensées (tachypsychie). Celles-ci se succèdent à un rythme accéléré. Les associations d'idées sont rapides, par assonance, jeux de mots ou formules toutes faites. Le patient donne l'illusion d'une hypermnésie. Cette accélération des processus intellectuels donne une impression de fuite des idées, celles-ci étant énoncées à grande vitesse. L'attention est labile : le patient ne peut se concentrer de façon posée.

Imagination exaltée. Le patient raconte volontiers des histoires où il se met lui-même en scène dans des scénarios marqués par le ludisme, les idées de grandeur, de toute-puissance. L'importance du sentiment de transport et d'élévation (élation), peut culminer dans l'expression d'idées d'allure délirante, à thème mégalomaniaque, érotique, d'intuition prophétique...

Excitation psychomotrice désordonnée. L'excitation psychomotrice désordonnée imprime sa marque sur le comportement. L'activité est incessante mais stérile, marquée par des déambulations, des gesticulations théâtrales, une hyperactivité brouillonne et désordonnée. La note ludique est importante. Dans sa relation avec les autres, le patient évolue dans un registre de proximité familière. Son visage mobile et hyper-expressif traduit l'élation de l'humeur. Sur le plan vestimentaire, la tenue fantaisiste, débraillée, est souvent originale ou extravagante. Parfois, l'agitation peut devenir dangereuse avec bris d'objets et hétéro-agressivité.

Insomnie. L'insomnie est subtotale sans sensation de fatigue.

Excitation sexuelle. Une excitation sexuelle est souvent présente. Le patient érotise toute relation à l'autre, et affiche une grande désinhibition dans ses comportements, au mépris des convenances sociales.

Alimentation. Sur le plan digestif, il est classique de dire que le malade boit et mange plus que de coutume, avec voracité, mais on peut observer un amaigrissement précoce et important.

PREMIÈRE APPROCHE HISTORIQUE : LA PSYCHOSE MANIACODÉPRESSIVE

Dans cette entité clinique définie par Émile Kraepelin en 1899, les épisodes de dérèglement de l'humeur se répètent au fil du temps : c'est la récurrence. Chaque accès, soit maniaque, soit mélancolique, était considéré à l'époque séparé du suivant par un intervalle libre de symptôme au cours duquel le patient retrouvait une humeur normale. D'où le nom de « psychose périodique » parfois employé. Kraepelin décrivait la psychose maniacodépressive comme une maladie endogène, c'est-à-dire sans facteur psychologique pouvant expliquer l'origine des troubles et pour laquelle la symptomatologie ne se modifie pas en fonction du contexte. Les facteurs héréditaires jouent un rôle important dans la survenue et dans les modalités cliniques d'expression de cette maladie. Le risque de développement de la maladie pour les descendants de personnes atteintes de psychose maniacodépressive serait d'environ 20 %.

DE LA PSYCHOSE MANIACO-DÉPRESSIVE À LA MALADIE BIPOLAIRE

Kraepelin considérait le caractère endogène et la récurrence des accès comme étant les principales caractéristiques de la psychose maniacodépressive.

À partir des années 1960, des auteurs comme Jules Angst, Carlo Perris et Georges Winokur ont proposé une nouvelle façon de subdiviser les troubles de l'humeur en mettant en avant le critère de polarité. Ils ont ainsi individualisé au sein de l'entité psychose maniacodépressive deux groupes :

- les formes bipolaires, caractérisées par la récurrence d'épisodes de manie (ou d'hypomanie), qu'il existe ou non des épisodes dépressifs ;

- les formes unipolaires caractérisées par la récurrence d'épisodes dépressifs.

Cette dichotomie unipolaire/bipolaire découle des études génétiques familiales. Il apparaît que les patients bipolaires ont beaucoup plus d'antécédents familiaux de manies que les patients unipolaires. Il semble que « les formes unipolaires et bipolaires pourraient être génétiquement différentes tout en partageant une certaine parenté » (P. Hardy).

Un souci de précision a conduit à la distinction des sous-groupes de bipolaires I, II et III. Les bipolaires I sont des états caractérisés par un syndrome maniaque complet, éventuellement alternant avec une dépression. Dans le cas des bipolaires II, des états hypomaniaques parsèment l'évolution d'un trouble principalement marqué par des récurrences dépressives. Les bipolaires III sont des états dans lesquels les patients n'ont jamais présenté d'épisode maniaque ou hypomaniaque spontané. Ils n'ont eu que des épisodes dépressifs, associés à une histoire d'antécédents familiaux de manies ou une (hypo) manie personnelle pharmacologiquement induite par les traitements antidépresseurs.

D'autres tableaux cliniques appartenant au registre des troubles bipolaires ont été précisés :

- les manies dysphoriques (ou états mixtes) associant un tableau maniaque à des symptômes dépressifs et anxieux ;

- les bipolaires à cycle rapide définis par la succession au cours d'une année d'au moins quatre épisodes du registre maniaque et/ou dépressif ;

- les formes subtiles ou mineures du trouble bipolaire qui ont été longtemps considérées comme témoignant d'un trouble de la personnalité, sont maintenant interprétées comme des manifestations d'un tempérament cyclothymique, hyperthymique ou dysthymique.

Cette évolution du découpage nosographique des troubles de l'humeur est fondamentale afin d'effectuer les choix chimiothérapiques les plus adaptés. Ainsi, les antidépresseurs ont été suspectés de compliquer la clinique et d'altérer l'évolution lorsqu'ils sont employés dans le traitement des accès dépressifs d'une maladie bipolaire. Ils faciliteraient l'induction de cycles rapides. Les troubles bipolaires relèvent des traitements thymorégulateurs.

ÉVOLUTION CLINIQUE DE LA MALADIE BIPOLAIRE

Évolution des symptômes au cours d'un accès thymique. Au cours de l'accès dépressif, on constate une variation nycthémérale des symptômes avec aggravation matinale et amélioration nocturne. Au cours de l'accès maniaque, c'est souvent la nuit que l'agitation pose problème !

Évolution naturelle de l'accès. Il est délicat actuellement d'observer l'évolution spontanée d'un accès thymique. L'existence de médicaments efficaces vient rapidement modifier le cours naturel de la symptomatologie. L'âge de début de la maladie bipolaire est précoce. L'enquête ECA pratiquée aux États-Unis montre une médiane d'éclosion du trouble bipolaire I à 18 ans. Il semble que les formes à début précoce soient plus souvent associées à des symptômes psychotiques. La connaissance précise de cet âge de début permet de surveiller de façon mieux orientée les sujets à risque, en particulier ceux présentant une vulnérabilité génétique connue.

La cyclicité des troubles décrite par Kraepelin suppose l'existence de plusieurs épisodes au cours de la vie du patient. La fréquence des épisodes est inégalement répartie suivant les malades et semblerait correspondre à des processus pathologiques distincts. Certains patients sont caractérisés par une évolution marquée d'épisodes particulièrement nombreux. Dans cette situation, l'âge d'entrée dans la maladie est précoce, et des antécédents familiaux de troubles bipolaires fréquents. La longueur des cycles diminue au fil de la répétition des épisodes mais finit par se stabiliser à une valeur relativement constante au-delà du cinquième épisode (un cycle est défini comme l'intervalle de temps qui sépare le début d'un épisode du début de l'épisode suivant). La durée des épisodes est variable (de quatre à treize mois). La durée des phases dépressives est habituellement supérieure à celle des phases maniaques. La durée des épisodes est relativement stable pour un même individu, surtout pour des épisodes maniaques.

Évolution des accès sous traitement. La découverte de l'efficacité thérapeutique du lithium dans les années 1970 a transformé l'évolution de la maladie bipolaire. Mais l'effet de ce médicament ne paraît pas complet. Seule une minorité de patients, environ un sur dix, reste en rémission lors d'un suivi au long cours. Même sous lithium, les cycles se répètent, avec, semble-t-il, la même longueur des cycles, la même fréquence des épisodes et la même durée de chaque épisode.

Par contre, le lithium montre son efficacité dans la diminution de l'intensité des épisodes et en modifiant la symptomatologie observée au cours des épisodes sous lithium. Au cours des accès dépressifs, l'anxiété, la tristesse de l'humeur, les idées suicidaires sont moins intenses. Le ralentissement psychomoteur passe au premier plan. Au cours des accès maniaques, la symptomatologie est comparable à ce qu'elle serait en l'absence de traitement mais son intensité paraît moins importante. L'argument majeur en faveur de l'utilisation du lithium pour le traitement des troubles bipolaires est la diminution de la mortalité des malades bipolaires traités par lithium. Ceci est très important chez ces patients à haut risque de mort par suicide.

Schémas de succession des accès. Les modalités de succession des épisodes sont le plus souvent stables chez un même patient. Les patients entrés dans la maladie par un épisode maniaque présentent une évolution à prédominance maniaque et réciproquement. Il existerait une plus grande fréquence d'évolution à prédominance maniaque chez les hommes et dépressive chez les femmes.

Au cours de l'évolution, les épisodes peuvent survenir isolément. Ce sont les formes monophasiques : un épisode étant précédé et suivi d'une période d'humeur normale, ou les épisodes peuvent être groupés sous une forme biphasique ou triphasique (un accès maniaque ou dépressif succédant au précédent sans intervalle libre). Des évolutions circulaires, successions continues d'épisodes maniaques et dépressifs, peuvent être observées.

PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE

L'existence d'un terrain génétique prédisposant à l'éclosion des troubles bipolaires est actuellement couramment admise, et les patients interrogent sur ce point. L'analyse généalogique est une étape capitale. Elle consiste en le recueil de données cliniques sur les apparentés de la personne qui demande conseil. Ces informations sont ensuite formalisées dans le dessin d'un arbre généalogique.

L'estimation du risque est l'étape suivante de cette évaluation. Il est impossible de donner un risque précis et unique. Les taux de risque ont été calculés à partir d'enquêtes épidémiologiques qui ont permis d'évaluer des fourchettes de risque morbide. Il convient de tenter d'affiner l'estimation par une connaissance de la structure familiale et du nombre de malades dans la famille. Le conseil génétique est donc un exercice délicat en raison des imprécisions subsistantes. La communication des informations doit être dispensée dans le cadre d'une approche psychoéducative. Les individus consultants sont potentiellement fragiles. Des précautions s'imposent afin de les ménager. Il faut aider ces sujets à recevoir l'information disponible, et les aider à accepter les incertitudes qui existent. Le champ de la génétique moléculaire dans le cadre des troubles bipolaires reste largement ouvert et prometteur de nouvelles découvertes.

TROUBLES BIOLOGIQUES

Les troubles maniacodépressifs dans leur forme bipolaire sont la maladie psychiatrique pour laquelle un substratum biologique est le plus suspecté.

Certaines hypothèses (R.M.Post), comme celle d'une fragilisation par accumulation de stress, suggèrent que les conséquences biologiques de ces stress agissent comme des facteurs précipitants. Chaque expérience dépressive viendrait prédisposer à une plus grande vulnérabilité ultérieure à la dépression. La vulnérabilité à long terme se renforçant à chaque épisode. En théorie, un traitement précoce pourrait enrayer cette évolution vers la fragilisation. En pratique, le bénéfice réel reste à démontrer.

FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

Même si les troubles bipolaires sont historiquement considérés comme ayant une origine endogène, les travaux récents mettent de plus en plus en évidence l'importance des facteurs psychologiques dans le déclenchement et le cours évolutif de la maladie. Cette remise en cause est importante car elle permet de mettre en valeur les différentes approches psychothérapiques et éducationnelles dans le suivi des patients bipolaires. Concernant les facteurs de personnalité, de multiples études ont tenté de mettre en évidence des particularités de fonctionnement psychologiques chez les patients atteints de troubles bipolaires. Parmi les nombreux traits étudiés, deux sont plus fréquemment mis en évidence : l'extraversion et le névrosisme. L'extraversion avec ses deux dimensions d'impulsivité et de sociabilité se retrouve plus régulièrement chez les patients bipolaires que chez les unipolaires déprimés. Cependant, l'extraversion semble également répartie lorsqu'on compare des groupes de bipolaires à ceux de sujets normaux. Le névrosisme défini par une labilité émotionnelle, une tension anxieuse et un manque de confiance en soi, est retrouvé dans les groupes de bipolaires et d'unipolaires déprimés.

Les bipolaires comme les unipolaires semblent présenter une plus grande réactivité émotionnelle que les sujets normaux. Ces informations jettent un doute sur le point de vue couramment admis selon lequel les bipolaires en rémission, en intervalle libre, ont un fonctionnement psychologique comparable à celui des sujets normaux. Plusieurs hypothèses sont proposées pour établir un lien entre dysfonctionnements psychologiques, traits de caractères et trouble bipolaire :

- ces manifestations de caractère seraient l'expression d'une forme atténuée de la maladie bipolaire (forme subtile ou mineure) ;

- il s'agirait d'une personnalité prémorbide spécifique, une vulnérabilité prédisposant à la survenue des accès thymiques ;

- il s'agirait d'une personnalité postmorbide, les traits de caractère observés constituant des séquelles des accès thymiques.

Quoi qu'il en soit, les caractéristiques de personnalité semblent influencer le cours évolutif de la maladie bipolaire. La personnalité modifie l'expression clinique des épisodes. En particulier, les traits obsessionnels, dépendants ou hystériques, peuvent modifier les tableaux dépressifs et rendre le diagnostic plus difficile. Le pronostic global de la maladie est aggravé en présence de certaines caractéristiques psychologiques. L'observance du traitement est moins bonne en cas de troubles de la personnalité associés. Cette comorbidité augmenterait le nombre d'épisodes, d'hospitalisation et le risque de suicide.

Les événements de vie, facteurs de stress, semblent être d'authentiques facteurs déclenchants. Les événements porteurs de stress déclenchent plus souvent les premiers épisodes de troubles de l'humeur que les suivants. Le facteur de stress de l'environnement le plus souvent associé avec le début d'une dépression est la perte d'un époux. Par ailleurs, il semble que l'effet pathogène de tel ou tel événement de vie soit fonction de la personnalité du patient. De la personnalité dépend « le vécu » des événements et donc leur caractère pathogène éventuel.

Il paraît important de « reconnaître au sein de la personnalité d'un patient les facteurs susceptibles d'induire des circonstances de vie défavorables ou de constituer une vulnérabilité psychologique stable face à des événements négatifs et d'adopter les mesures psychothérapiques qui s'imposent pour y remédier » (M.C. Hardy-Baylé).