Signaler la maltraitance - L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 181 du 01/04/2003

 

Juridique

Selon le décret du 11 février 2002, l'infirmière est chargée de dépister et d'évaluer les risques de maltraitance. Elle peut les dénoncer, sans preuve des faits, et se trouve protégée contre toute mesure discriminatoire qui résulterait de ses révélations.

L'expression « maltraitance » n'apparaît pas de manière explicite dans le Code pénal. Le Code fait référence seulement à la violence, au délaissement, ou à la mise en danger d'autrui, etc. De manière générale, la maltraitance peut trouver forme dans des sévices physiques ou psychologiques. Ces différentes formes de maltraitances sont souvent associées.

SÉVICES PHYSIQUES ET PSYCHOLOGIQUES

La violence physique consiste à infliger sciemment ou non des souffrances physiques, ou d'interdire l'accès à des soins de santé de qualité pour gagner du temps. Par exemple, il peut s'agir « d'escamoter » un soin de bouche, de faire une toilette rapide, de mettre systématiquement une couche à une personne qui pourrait être rééduquée, de donner des repas trop rapides ou insuffisants, de faire des gestes brusques, agressifs et/ou inadaptés, etc. La violence psychologique se traduit par toute forme d'abus consistant à retirer à la personne âgée son pouvoir de décision : ton autoritaire, réprimandes, discours culpabilisants sur la perte d'autonomie (fréquents en institution) ou infantilisants...

Toutes ces violences sont constitutives d'infractions prévues par le Code pénal et sont susceptibles de sanctions en fonction des préjudices (physique, moral ou financier) subis par la personne âgée : cela peut aller, selon le Code pénal, de la simple omission ou négligence aux pires actes de tortures et de barbarie (articles 222-1 à 222-16 du Code pénal). À chaque infraction prévue par les textes, les peines sont aggravées lorsque l'infraction a été commise sur des personnes vulnérables. Par vulnérabilité, on entend évidemment l'âge, mais aussi la maladie, l'infirmité, la déficience physique ou psychique.

Le délaissement (articles 223-3 et 223-4 du Code pénal) d'une personne âgée - en un lieu quelconque de l'établissement - alors qu'elle n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, peut être puni de vingt ans de réclusion criminelle, en cas de décès. Il peut s'agir de sévices physiques mais aussi psychologiques, comme le refus de soins, de toilettes, de nourriture, d'écoute, de réponse à des appels successifs, etc. Enfin, la non-assistance à personne en danger ou la non-dénonciation d'actes de maltraitance sont punissables.

RÔLE PROPRE

Le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier, prévoit que, dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier est spécifiquement chargé d'accomplir les actes de dépistage et d'évaluation des risques de maltraitance, visant à identifier ces risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement.

Dans un établissement accueillant des personnes âgées, l'obligation de signalement ne relève pas d'une compétence exclusive. Tout membre du personnel peut signaler. Et si un règlement intérieur, une circulaire ou tout autre texte interne à l'établissement désignent une autorité compétente en matière de signalement (le corps médical bien souvent), toute autre personne non désignée reste légalement compétente en cas de défaillance. Tous les éléments qui peuvent constituer une présomption ou une constatation de sévices, de privation ou de délaissement, etc., doivent être signalés. L'auteur du signalement n'est pas tenu d'apporter la preuve des faits.

Le signalement peut être effectué par écrit, en mentionnant :

- les coordonnées de la personne qui signale, sa profession, son service, le cas échéant, ses coordonnées ;

- les coordonnées de la personne âgée concernée (identité, date de naissance, coordonnées de la famille ou du tuteur) ;

- le descriptif circonstancié des faits (faits constatés ou rapportés sans jugement de valeur).

Le signalement doit être effectué auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance du lieu d'implantation de l'institution. Dans tous les cas d'extrême urgence, le signalement peut être effectué par téléphone. Néanmoins, un signalement téléphoné par un professionnel doit toujours être confirmé par un écrit.

Le personnel « dénonciateur » de maltraitance est-il protégé ?

Il existe une protection particulière pour les travailleurs sociaux, mais aussi pour tout membre du personnel travaillant dans un service ou un établissement social ou médicosocial accueillant des personnes, dénonçant des faits de maltraitance (article L. 313-24 du Code de l'action sociale et des familles). Ces personnes ne peuvent faire l'objet d'aucune discrimination dans l'emploi pour avoir relaté ou témoigné de mauvais traitements ou privations. Dans ces conditions, le fait qu'un salarié ou un agent témoigne de mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie, ou relate de tels agissements, ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière : d'embauche, de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement du contrat de travail, pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire.

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