L'hôpital sous tous rapports - L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003

 

Événement

Actualités

Au mois de mai, le ministre de la Santé devra prendre les décisions définitives pour le plan Hôpital 2007. Les rapports ont tous éclos, reste à savoir quelle sera la cueillette de Jean-François Mattei. Le statut de la fonction publique hospitalière sera-t-il réformé ? Quelle définition de « l'infirmière experte » sera validée ?

En décembre dernier, Jean-François Mattei écrivait aux différents responsables de mission : « Le plan Hôpital 2007 repose sur une modification de la logique de fonctionnement des établissements hospitaliers combinant l'assouplissement des contraintes externes sur l'hôpital, un plan de soutien ambitieux de six milliards d'euros sur cinq ans et une modernisation en profondeur du fonctionnement hospitalier. » Depuis, les rapports se sont accumulés sur la table de travail du ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées.

Le 17 avril, la mission relative aux spécificités des CHU a remis sa copie : « Restaurer l'attractivité des CHU et leur partenariat avec le monde de la santé. » Le 3 avril, c'était le rapport sur « la modernisation des statuts de l'hôpital public et de sa gestion sociale ». De manière indépendante, le ministre a reçu le rapport de la mission parlementaire menée par le député maire René Couanau concernant « l'organisation interne à l'hôpital public ».

Interrogations.

Sans compter qu'auparavant, il a lu en octobre 2002 le rapport Piquemal concernant l'évaluation de la RTT, et en novembre 2002, le rapport Berland sur la démographie médicale... En élargissant, on peut aussi faire l'hypothèse que le rapport du conseil d'État « Perspectives pour la fonction publique », publié en 2003, constitue une lecture opportune.

Quelle synthèse fera Jean-François Mattei ? Les discussions vont bon train, notamment parmi les syndicats de personnels. Ils soupçonnent une attaque en règle contre les statuts de la fonction publique hospitalière. Les consultations concernant les retraites viennent aussi pimenter la réflexion des uns et des autres.

Et puis, beaucoup se souviennent de la loi de 1991 et de ses mesures qui n'ont pas vu le jour, ainsi que des différents rapports qui ont fleuri au cours de la dernière décennie.

Concernant de façon plus spécifique les infirmières, on peut circonscrire les débats autour de deux gros points d'interrogation. Le premier concerne l'évolution du statut de la fonction publique hospitalière (rapport Debrosse, Perrin, Vallancien ; rapport du Conseil d'État). Le second touche au statut de « l'infirmière experte » (rapport de MM. Debrosse, Perrin et Vallancien ; rapport Berland). Que signifie cette expression ? Est-ce l'aboutissement d'un glissement des tâches pour cause de pénurie médicale ou une véritable valorisation des compétences infirmières ? Ce débat ne s'étend pas seulement au champ de l'hôpital public...

Médecins au pouvoir.

« Nous allons vers la déstructuration de la fonction publique hospitalière, estime Bernard Sagez, secrétaire général de la fédération santé- sociaux de la CFTC. Lorsqu'on juxtapose tous les rapports, on s'aperçoit que l'objectif est de déstructurer l'architecture hospitalière. Ils souhaitent une gestion de proximité. D'accord, mais pas sans contrôle national ! Mais j'ai le sentiment que le rapport prône une application de la proximité trop poussée, qui laisserait des directeurs d'établissement ne pas appliquer les règles statutaires des personnels, prétextant des raisons conjoncturelles sans réel fondement. »

« Sur les constats de dysfonctionnement, nous nous y retrouvons. C'est le langage de la vérité, l'hôpital public est en crise. Mais sur la stratégie adoptée, les experts choisis, les propositions faites, nous ne sommes pas en accord », observe Christophe Prudhomme, responsable du collectif médecin à l'UFMICT-CGT. Nous assistons à une volonté très forte des médecins hospitaliers de reprendre le pouvoir. Cela me gêne d'autant moins de le dire que je suis moi-même médecin. Pour sa gestion, l'hôpital devrait trouver un équilibre entre l'administration, les médecins, et les paramédicaux. Or ce n'est pas ce qui ressort du rapport. Seuls l'administration et les médecins sont mis en avant dans la direction de l'établissement. On oublie les cadres de santé. Leur malaise va grandissant. » Le projet de modification du décret du 19 avril 2002 concernant les directeurs de soins qui devrait être à nouveau présenté au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière témoigne des velléités médicales.

Encadrement et expertise.

Deuxième point d'interrogation : la notion d'infirmière experte. « L'infirmière qui en a le talent et la volonté, pourrait orienter sa carrière vers deux voies de responsabilités accrues : l'encadrement et l'expertise. » Voilà ce qui est affiché dans le rapport Debrosse, Perrin, Vallancien. « En complément des spécialisations actuelles d'infirmière anesthésiste, de bloc opératoire, Smur (sic), de puériculture..., il faut développer les infirmières cliniciennes. Elles devront pouvoir, sous la responsabilité des médecins, prendre en charge les malades, établir des prescriptions par délégation, réaliser des actes thérapeutiques, comme des endoscopies de contrôle, des échographies, des gestes opératoires programmés, etc. »

Et il est ajouté : « Nous manquons cruellement de ces personnels assistants qui pourraient remplir des tâches responsables permettant aux médecins de se concentrer sur leur propre expertise. » Infirmière spécialisée, clinicienne, experte, assistant responsable ? Quelles sont les définitions ? Quelles seront les différences de mission ? Infirmière experte, le mot peut faire rêver. Si cela va dans le sens d'une reconnaissance accrue de son rôle propre, de sa capacité à développer une approche réflexive sur sa pratique auprès du malade... Si cela l'encourage à développer des initiatives nouvelles pour améliorer la qualité des soins pour le patient, pourquoi pas ? Mais le projet semble seulement déléguer des actes médicaux aux infirmières pour pallier la pénurie médicale.

En outre se pose la question de la rémunération. À combien rémunère-t-on une infirmière experte ? Une infirmière spécialisée ? Une infirmière clinicienne ? « Un assistant responsable » ? Quelle sera l'architecture des grilles salariales prévue dans le plan Hôpital 2007 ?

FONCTION PUBLIQUE

Le Conseil d'État veut réformer

Le Conseil d'État a publié dernièrement son Rapport public(1) pour 2003. Il y énonce quelques perspectives pour la fonction publique, qu'elle soit d'État, territoriale ou hospitalière. Trois enjeux y sont définis à partir desquels une réforme de la fonction publique pourrait être envisagée. « Nous avons estimé que le temps était venu d'une réflexion en profondeur sur ce sujet, au moment où le système français est soumis à des enjeux importants et où des évolutions nombreuses interviennent à l'étranger. »

Le premier enjeu « tient à la nécessité pour la fonction publique de faire preuve d'une efficacité accrue ». « Le caractère spécifique des services publics implique seulement, quoique nécessairement, que la réalisation des performances soit appréciée par rapport aux objectifs fixés par l'autorité publique et qu'elle intervienne sur la base de tous les critères pertinents et pas seulement de critères purement financiers. »

Le deuxième enjeu, selon le Conseil d'État, tient à la nécessité pour la fonction publique d'adapter ses règles de gestion aux exigences de la gestion des ressources humaines, « fondée sur une approche personnalisée et une valorisation des compétences ».

Et le troisième enjeu réside « dans la nécessaire conciliation du droit de la fonction publique avec d'autres branches du droit : le droit communautaire de la libre circulation, le droit de l'éducation (validation des acquis de l'expérience), droit de la décentralisation.»

1- Rapport public 2003 : perspectives pour la fonction publique. Conseil d'État. La Documentation française.

3 Questions à Christophe Debout, président de l'Anfiide

Comment définissez-vous l'expertise infirmière ?

L'expertise se définit par rapport à son rôle autonome. C'est une réflexion qui lui permet de se centrer sur sa pratique propre et de se centrer sur le malade. L'expertise permet à l'infirmière de proposer des interventions de soins pour lesquelles elle aura mis, elle-même, en évidence la pertinence. L'expertise doit s'inscrire dans une perspective de qualité des soins. Et elle permet de reconnaître les responsabilités infirmières dans une équipe pluridisciplinaire.

Comment analysez-vous la définition du rapport Debrosse, Perrin et Vallancien ?

Il y a une confusion dans la terminologie, un mixage entre experte, spécialisée, clinicienne... J'y vois avant tout un retour à la notion d'auxiliaire médicale. C'est surtout un moyen pour permettre au médecin de se centrer sur sa propre expertise. Cela ne va pas véritablement dans le sens d'une pratique avancée telle que nous la définissons.

C'est-à-dire ?

Une infirmière qui fait de la pratique avancée, comme aux États-Unis par exemple, c'est une infirmière qui garde son expertise dans le champ clinique infirmier et à qui on adjoint des compétences pour certains actes médicaux.