La dénutrition en onco-hématologie - L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003

 

Diététique

Conduites a tenir

L'évaluation et la surveillance nutritionnelle sont indispensables chez tout patient ayant subi une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), en raison des risques de dénutrition. Le soignant devra évaluer quotidiennement le poids du patient.

PROBLÉMATIQUE

Les hémopathies malignes représentent la majorité des indications d'allogreffes et d'autogreffes de CSH, dont le pronostic a été amélioré grâce aux traitements anti-infectieux et immunodépresseurs (anti-rejet). Mais certains de ces traitements se compliquent d'événements indésirables, en particulier métaboliques et digestifs, qui réduisent de façon importante les apports alimentaires oraux.

Ces événements s'ajoutent aux problèmes liés aux techniques de conditionnement (irradiation corporelle totale, chimiothérapie aplasiante), aux complications de la greffe (réaction du greffon contre l'hôte) et à la néoplasie en cours de traitement. D'où une dénutrition protéino-énergétique pouvant apparaître rapidement, se prolonger après la sortie d'aplasie et favoriser le risque infectieux, qui est déjà majeur au cours des greffes.

FACTEURS ÉTIOLOGIQUES

Les complications digestives des traitements ont une large place dans l'origine des dénutritions.

Les nausées et vomissements sont très fréquents après une greffe de moelle et une chimiothérapie à base de melphalan, BCNU, cyclophosphamide, étoposide ou carboplatine.

Une odynophagie (déglutition s'accompagnant de douleurs) et une dysphagie, liées le plus souvent à une mucite survenant après la radiochimiothérapie ou une atteinte candidosique ou herpétique, sont souvent rencontrées. Des dysgueusies (perturbations du goût) peuvent apparaître et persister plusieurs semaines, en particulier après traitement par cyclophosphamide.

L'anorexie et la myasthénie sont souvent associées à des troubles dépressifs secondaires à l'état de dénutrition. Ceci crée un cercle vicieux empêchant le bon déroulement de l'alimentation orale.

Les diarrhées sont en général abondantes, de type sécrétoire, et persistent plusieurs semaines après la greffe. Elles sont dues à la réaction du greffon contre l'hôte (diarrhées profuses, souvent accompagnées d'une érythrodermie prédominant sur le tronc, les paumes, les plantes et les oreilles) et aux infections (astrovirus, adénovirus, cytomégalovirus, clostridium difficile).

MANIFESTATIONS

Un syndrome carentiel multifactoriel (diarrhée, malabsorption, hypercatabolisme, défauts d'apports) accompagne les troubles digestifs : déficit magnésique, en cuivre et en zinc, déficit azoté, déficit en vitamines et en éléments-traces. La carence protéique est souvent associée à une intolérance aux glucides apparaissant souvent dans un contexte septique. La prise de corticoïdes, de tacrolimus ou de ciclosporine peuvent aggraver ou révéler ces hyperglycémies.

La dénutrition peut apparaître ou persister plusieurs semaines après la greffe. Elle est alors liée à la persistance des troubles digestifs (réaction chronique du greffon contre l'hôte), à des infections récidivantes et/ou à une anorexie chronique.

OBJECTIFS

Il s'agit d'agir sur les facteurs étiologiques et de prévenir (ou traiter) la dénutrition. Les apports caloriques glucidolipidiques recommandés sont de 25 à 35 calories par kg de poids corporel et par jour. Les apports azotés sont de 200 à 250 mg/kg de poids et par jour.

ACTIONS

Les nausées (qui persistent plusieurs semaines) sont traitées par des antiémétiques.

Les mucites doivent être prises en charge : réalisation régulière de bains de bouche, absorption abondante de boissons, humidification de la cavité buccale si le patient ne peut boire, fractionnement des repas.

Les troubles dépressifs éventuels du malade doivent être recherchés.

Les diarrhées doivent être traitées en évitant les ralentisseurs de transit qui favorisent les pullulations microbiennes.

L'évaluation nutritionnelle comprend : la mesure du poids et le calcul du pourcentage d'amaigrissement, le dosage d'albumine, de la transthyrétine et de la protéine C réactive.

La surveillance nutritionnelle comprend l'évaluation quotidienne du poids, la surveillance clinique de l'état d'hydratation et l'évaluation quotidienne des apports oraux.

Les attitudes nutritionnelles peuvent être la nutrition artificielle, l'hydratation intraveineuse et la nutrition orale. Dans certains cas, la nutrition orale est maintenue seule. La nutrition artificielle est prescrite par le médecin en fonction de l'état nutritionnel du patient et de la durée présumée des troubles digestifs : nutrition parentérale ou entérale exclusive ou nutrition entérale complétée par une nutrition parentérale lorsqu'elle apporte moins de 60 % des besoins calorico-azotés.

La nutrition parentérale exclusive est réservée aux patients intolérant à la nutrition orale ou entérale ou présentant une obstruction du tube digestif ou une mucite sévère. La nutrition entérale a des avantages reconnus sur la nutrition parentérale : maintien de l'intégrité tissulaire et fonctionnelle de la muqueuse intestinale, meilleure utilisation des nutriments, réduction du risque infectieux, réduction du risque d'hémorragie digestive de stress, diminution des coûts de la nutrition.

Un suivi diététique à distance de la greffe est recommandé pour faciliter la reprise de l'alimentation orale et le sevrage de l'alimentation artificielle.