Le calendrier dévoilé - L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 182 du 01/05/2003

 

Plan cancer

Actualités

La semaine du 24 mars dernier, le plan cancer 2003-2007 était lancé en grande pompe(1). Ce plan comprend 70 mesures(2). Le financement du plan se monte à 640 millions d'euros sur cinq ans, dont 100 millions débloqués pour cette année. La mission nationale de projet, qui assure le suivi du plan, devrait être mise en place dans le courant de ce mois. Le vote des dispositions législatives renforçant la lutte anti-tabac et créant l'Institut national du cancer est prévu pour cette année. Le programme d'aide financière aux hôpitaux pour l'accès aux innovations thérapeutiques et le renforcement des plateaux techniques d'imagerie et de radiothérapie commence aussi en 2003. En 2004, les pôles régionaux de cancérologie seront définis et mis en place.

Formation enrichie.

Seront aussi définis les cahiers des charges des réseaux de cancérologie, des centres de coordination, des consultations d'annonce, et des programmes personnalisés de soins. La formation initiale et continue en cancérologie pour les médecins et les infirmières devrait être enrichie. L'Institut national du cancer devrait aussi voir le jour.

En 2005, toutes les organisations précédemment définies devraient fonctionner et être répertoriées pour le public. Et les « cancéropôles » seront labellisés. Ainsi, pour 2006 et 2007, le ministère de la Santé souhaite que tous les patients disposent d'un programme personnalisé de soins et aient accès à un centre de coordination en cancérologie. Les établissements devraient aussi avoir rattrapé leur retard en matière d'équipement.

1- Le président se mobilise, L'Infirmière magazine, n° 181, avril 2003, p. 20. 2- Pour plus de détails, consulter le site du gouvernement (http://www.sante.gouv.fr).

ENTRETIEN « Un plan clair... »

Anne-Marie Teller, directrice des soins de l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif), se félicite que le plan ne se limite pas aux établissements hospitaliers. Et réaffirme l'importance de la formation de l'infirmière en cancérologie, véritable « généraliste du trajet du patient ».

> Que pensez-vous du plan cancer 2003-2007 ?

Pour une fois, nous avons un plan clair. Il n'y a pas de lecture au deuxième ou troisième degré à faire. On nous énonce le pourquoi et le comment, les objectifs à atteindre. Il montre précisément toutes les étapes, en amont et en aval, de la lutte contre les cancers : de la prévention au curatif, du domicile aux centres hospitaliers en passant par les établissements de suites. Ce plan n'est pas « hospitalocentré »... Toutes les structures de soins s'y retrouvent.

> Les jeunes diplômées sont-elles suffisamment formées en cancérologie ?

C'est un sujet sensible. Je travaille dans un établissement spécialisé, et il est évident que les personnes que nous recrutons ne sont pas suffisamment formées. Pour preuve, nous leur apportons quatre jours obligatoires de formation à leur arrivée et chaque nouveau est accompagné par un tuteur pendant un mois. Je regrette que la formation initiale ne comporte pas de vrai module de cancérologie. En fonction des écoles, l'enseignement de la cancérologie est parfois associé à d'autres disciplines. Lorsque nous recrutons, nous devons reprendre l'enseignement des protocoles, des traitements, des effets secondaires, etc. Comme centre de recherche, nous insistons aussi beaucoup sur la qualité et la rigueur des observations, des informations données et transmises, etc. La cancérologie associe des connaissances scientifiques de haut niveau à des soins de grande technicité et un travail relationnel et éducatif important.

> Le plan aborde aussi la formation continue.

Oui. C'est important. Notre établissement le fait depuis longtemps. À disposition du personnel, il existe des formations ciblées sur, par exemple : l'accompagnement en fin de vie, la douleur, l'éducation du patient et de la famille, le suivi téléphonique, etc. Il est très important de soutenir les professionnels de santé dans leur travail. La cancérologie est une discipline passionnante mais éprouvante. L'épuisement arrive encore plus facilement...

> La place de l'infirmière en cancérologie ?

Elle a un rôle clé de « partenaire de la santé ». Ce rôle passe entre autres par la « consultation infirmière » qui peut être soit une consultation d'information soit une consultation d'éducation du patient.

Depuis 1982, il existe à l'IGR ce type de consultation... L'IDE a aussi un rôle important d'observation et de transmission d'informations vers les différents professionnels de santé (médecins, diététiciens, « kinés », réseaux...). La cancérologie fait tellement appel à des professionnels spécialisés, de haut niveau, que l'on peut dire que l'infirmière est la « généraliste du trajet du patient ». Elle a le rôle fondamental de coordination des soins.

ENTRETIEN

« Ce plan crée une impulsion... »

Roselyne Vasseur, directrice des soins de l'Institut Curie (Paris), espère que le plan cancer facilitera le développement des consultations et de la recherche clinique infirmières.

> Que pensez-vous de ce plan cancer, est-ce un plan de plus ?

Non. Ce plan n'est pas qu'une annonce, il a le mérite de rendre palpable la réalité du cancer en France tant pour les malades et leurs proches, que pour les professionnels de santé et les chercheurs.

Il crée une impulsion qui potentialise celle créée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.

> Avez-vous été consultée pour ce plan ?

J'ai été sollicitée en décembre dernier dans le cadre de la commission d'orientation de lutte contre le cancer sur l'exercice infirmier en cancérologie.

> Une seule mesure concerne la formation des infirmières, est-ce suffisant ?

La formation continue doit effectivement être renforcée. Aujourd'hui, l'enseignement initial en cancérologie n'est pas assez complet sur les techniques, les traitements et leurs effets secondaires, la prise en charge globale et l'accompagnement. Mais nous n'avons pas pour l'instant de précisions sur la mise en oeuvre concrète d'une telle mesure. En matière de formation continue, l'École de formation européenne en cancérologie (Efec), créée à l'initiative de la Fédération des CLCC, délivre un enseignement spécifique adapté et labellisé.

> Faut-il instaurer une spécialisation en cancérologie ?

Il est difficile de répondre, car la polyvalence constitue l'un des atouts du diplôme d'État infirmier français. On pourrait être tenté par la spécialisation, mais la cancérologie concerne tous les organes... Stratégiquement, cela ne semble pas souhaitable, car en créant un diplôme spécialisé, on limiterait d'autant le nombre d'infirmières en cancérologie.

D'une manière générale, la meilleure voie, c'est de faire reconnaître le niveau d'étude à bac +3 en fournissant une équivalence pour accéder à la maîtrise. Il faut créer une vraie filière infirmière universitaire à l'instar de nombreux pays. L'attractivité et la reconnaissance de la profession infirmière passe par l'université.

> Quelle est la place de l'infirmière en cancérologie ?

Elle assure la continuité de la prise en charge auprès du malade. L'infirmière est partenaire de tous les professionnels qui contribuent aux soins. Au-delà des revendications catégorielles, la profession infirmière apporte une réelle plus-value à la mise en musique des soins, en particulier dans l'accompagnement et le soutien des cancéreux, de la prévention en passant par le dépistage et la prise en charge curative, jusqu'à la prise en charge palliative... J'espère que ce plan cancer va accélérer la reconnaissance des consultations infirmières, et faciliter le développement de la recherche clinique infirmière. Que le temps consacré par les équipes hospitalières à la formation des infirmières libérales à la chimiothérapie sera reconnu comme travail effectif...