Lois, règlements et circulaires - L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003

 

Juridique

Comme toute administration publique, les établissements hospitaliers jouissent d'un pouvoir réglementaire qui s'applique à ses agents. Mais gare ! Ces règlements doivent rester en accord avec la constitution et les lois promulguées.

Dans le cadre de l'organisation administrative française, un établissement d'hospitalisation public occupe la place d'une véritable administration. De ce fait, chaque établissement public jouit d'un pouvoir « réglementaire », c'est-à-dire du pouvoir d'adopter des règles qui vont s'imposer à l'ensemble de ses agents.

Néanmoins, ce pouvoir normatif doit respecter le principe de légalité, ce qui signifie que l'établissement est tenu de respecter la légalité contenue dans les règles juridiques qui s'imposent à lui. Pour cela, il convient de rappeler quelle est, en France, la hiérarchie des différentes sources du droit.

CONSTITUTION

Il s'agit bien sûr du texte de la Constitution de 1958, mais aussi des principes à valeur constitutionnelle contenus dans les textes visés par son préambule, à savoir la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (liberté individuelle, d'expression, droit de propriété...) et le préambule de la Constitution de 1946 (égalité des sexes, droit de grève, liberté syndicale...).

On appelle cet ensemble le bloc de constitutionnalité auquel on peut ajouter, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Dégagés en principe par le Conseil constitutionnel, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont en quelque sorte des règles juridiques contenues dans certaines lois essentielles des quatre premières Républiques, et dont la valeur juridique s'impose même aux lois « ordinaires », et donc a fortiori aux actes de l'administration. On y range, pour l'heure, la liberté d'association, les droits de la défense, la liberté individuelle, etc.

TRAITÉS ET CONVENTIONS INTERNATIONAUX

En principe, l'État et toute administration doivent respecter les traités et conventions internationaux puisqu'ils ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution, « une autorité supérieure à celle des lois ». Ce principe est encore trop souvent théorique, quand on connaît les réticences de l'État français à appliquer certaines directives européennes.

LOIS ET TEXTES AYANT FORCE DE LOI

Il s'agit de l'échelon législatif : lois parlementaires classiques (votées par le Parlement), mais aussi lois référendaires (approuvées par référendum), ordonnances (textes de forme réglementaire ayant valeur législative) de l'article 38 de la Constitution de 1958, décisions de l'article 16 de la Constitution de 1958 (pouvoirs exceptionnels du président de la République).

La Constitution de 1958 a en outre réduit le domaine de la loi, en le limitant à une liste de matières énumérées en son article 34, laissant, en vertu de l'article 37, les matières non réservées à la loi être régies par décret.

Ainsi, les matières où le Parlement est seul compétent sont :

- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État, etc.

Au contraire, il est des matières pour lesquelles le Parlement ne fixe que les principes fondamentaux ; le gouvernement est quant à lui compétent pour élaborer les modalités d'application. Il en est ainsi de l'organisation générale de la défense nationale, de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, de l'enseignement, du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale, etc.

La loi n'est promulguée qu'à l'issue d'un long parcours : la procédure législative. Si le Parlement vote effectivement la loi, toute la procédure est fortement marquée de l'empreinte de l'exécutif, qui dispose d'une palette de pouvoirs conséquents pour maîtriser chacun des stades de l'élaboration du texte.

L'initiative appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Lorsque le gouvernement présente un texte qu'il voudrait voir adopté par le Parlement, on parle de projet de loi. Lorsque ce sont des parlementaires qui déposent un texte, il est alors question de proposition de loi.

Le projet ou la proposition de loi est alors imprimé et distribué pour information aux parlementaires. Un exemplaire de ce texte est remis pour examen à l'une des commissions permanentes ou spéciales.

Puis, le travail en séance plénière débute par la discussion générale et se termine par un vote.

Lors du vote de chacun des articles, des amendements, c'est-à-dire des modifications du texte en discussion, peuvent être déposés. Le droit d'amendement est lui aussi limité, surtout s'il s'agit d'une initiative parlementaire.

Le texte adopté par la première assemblée doit être soumis à l'approbation de l'autre assemblée. La « navette parlementaire » consiste alors dans le va-et-vient du texte en discussion d'une assemblée à l'autre. Cette navette s'effectue jusqu'à l'accord sur un texte adopté en des termes identiques.

Si les deux chambres ne tombent jamais d'accord, le mouvement de va-et-vient devient perpétuel. La Constitution permet de remédier à ce phénomène par le recours à la commission mixte paritaire.

Une fois adopté en des termes identiques par les deux assemblées, le texte est transmis au secrétariat général du gouvernement en vue de sa promulgation, dans les quinze jours qui suivent. Dernière formalité, la loi est publiée au Journal officiel dans la série Lois et décrets.

DU DÉCRET À LA CIRCULAIRE

Les textes réglementaires se situent tout en bas de la hiérarchie des normes. Ils devront être ainsi conformes à la loi et à la Constitution. Le pouvoir réglementaire peut se définir comme une « compétence donnée aux autorités administratives de faire des règlements, c'est-à-dire des actes administratifs constituant des décisions exécutoires, de portée générale et impersonnelle ».

Le Premier ministre, mais aussi l'ensemble des ministres, disposent de ce pouvoir réglementaire par la voie des décrets et des arrêtés. À noter que très souvent, la loi, adoptée par le Parlement, subordonne sa mise en oeuvre à la rédaction par le ministère concerné, d'un décret d'application. À ce titre, on peut citer l'exemple de la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002 : la mise en oeuvre de bon nombre de ses dispositions supposait la rédaction de plusieurs décrets d'application qui, du fait de l'alternance politique intervenue depuis lors, n'ont jamais vu le jour.

Autre exemple : les décrets de compétence infirmiers de 1993 et 2002 : en tant que décrets, ces deux textes ne sauraient aller à l'encontre de la loi ou de la Constitution. Il en est de même du Code de déontologie médicale de 1995, qui a lui aussi la nature d'un décret. Qu'en est-il alors des contradictions relatives au caractère écrit ou non des prescriptions existantes entre le Code de déontologie médicale et les décrets de compétence infirmiers ?

Les circulaires, en principe interprétatives des lois, ne devraient pas créer de règles de droit nouvelles, mais les ministres ont l'habitude, sous couvert d'interpréter les lois, d'ajouter à la réglementation. En 1954, le Conseil d'État réagit et considéra ces circulaires comme des actes administratifs dont il contrôlait la légalité.

Enfin, les directives ne sont pas des actes administratifs faisant grief et ne peuvent donc créer des règles de droit. Ce sont des normes d'orientation adressées par les chefs de service à leurs subordonnés, afin d'assurer une ligne de conduite dans une série d'affaires et d'assurer la cohérence de leur action.

En principe, les directives laissent aux agents une liberté d'appréciation. En pratique cependant, les administrateurs suivent à la lettre les consignes contenues dans les directives. Il y a là une échappatoire regrettable au principe de légalité, puisque le juge administratif ne peut normalement pas contrôler la légalité des directives.

Qu'est-ce que le 49-3 ?

Il s'agit d'une « arme constitutionnelle » à la disposition du gouvernement pour contraindre les députés dans leurs décisions. Par le biais du désormais célèbre article 49, alinéa 3, le gouvernement peut engager sa responsabilité sur un texte. Si les députés ne manifestent pas leur désaccord, le texte est réputé voté. Si la majorité absolue de l'Assemblée nationale s'y oppose, le texte disparaît, et le gouvernement doit démissionner.

En d'autres termes, lorsque le gouvernement « dégaine » le 49-3 en vue de faire adopter un texte, les députés ne votent même pas le texte ; ils ne se prononcent que pour le maintien ou non du gouvernement.

« Ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée. » Ce texte est donc bel et bien adopté sans avoir été voté. Le Premier ministre doit, pour engager la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte, préalablement solliciter une délibération du Conseil des ministres.

Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'a été renversé consécutivement à l'usage de l'article 49, alinéa 3. Faut-il en dire plus pour témoigner de l'efficacité de cette arme constitutionnelle ?

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