« Quatre "spécialités" bientôt soumises à expérimentation... » - L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003

 

Didier Borniche(1)

Questions à

Suite à la mission Berland sur la démographie médicale, certains projets expérimentaux (autorisation de prescription, etc.) concerneront quatre type d'exercice spécifique. Parmi eux : les infirmières de dialyse, transplantation et néphrologie. Didier Borniche, infirmier et président de l'AFIDTN, qui a tenu son congrès annuel à Poitiers du 21 au 23 mai, revient sur les évolutions les plus récentes de ce métier.

Le décret du 23 septembre 2002 réorganise la dialyse en France. Qu'en est-il exactement ?

C'est la suite logique et consentie du plan Kouchner 2001 qui avait pour objectif de revoir entièrement la carte sanitaire, et de permettre à chaque région de modifier l'organisation des soins en néphrologie, en fonction de ses besoins spécifiques. Il s'agit d'une nouvelle réglementation qui réorganise les institutions de pathologie rénale, sur le plan quantitatif et qualitatif. Le décret prend en compte tous les différents types de structures et leur typologie spécifique. Il y est question de l'organisation médicale, paramédicale et des ratios de personnels estimés nécessaires à leur bon fonctionnement. C'est un texte essentiel puisque, précédemment, il n'existait rien d'autre qu'une circulaire de 1983 régissant les établissements publics. Tous les établissements seront logés à la même enseigne, qu'il s'agisse du public, du privé ou des associations. Ce décret est la résultante de multiples réunions au ministère, réunissant aussi bien des professionnels que des patients. À l'heure actuelle, le gouvernement en est à sortir les circulaires d'application, en consultation avec les interlocuteurs professionnels et les associations de patients. La prochaine réunion à laquelle nous sommes conviés aura lieu le 4 juillet.

Ce décret vous convient-il ?

Globalement, c'est un gros progrès puisque, avec l'habilitation des structures, on pourra garantir une qualité de soins aux malades partout en France. Le seul point sur lequel il existe parfois une inquiétude chez certains protagonistes des discussions en cours est la question des ratios de personnel. Certes, les établissements ou organismes trop peu pourvus jusqu'ici verront leur situation s'améliorer notablement, mais le bât blesse pour les structures qui risquent d'être considérées comme « trop riches » en personnel. C'est un sujet que j'ai d'ailleurs évoqué dès le début de la concertation et sur lequel nous continuons à discuter.

On parle beaucoup en ce moment de la délégation aux infirmières de certains actes médicaux. Il semblerait que les infirmières de dialyse fassent partie des premières concernées...

En effet. À la suite de la mission confiée à Yvon Berland sur la démographie médicale, la question de la délégation de soins s'est posée de manière cruciale. Quatre spécialités ou types d'exercice très spécifiques du métier d'infirmière sont concernés par une expérimentation qui devrait voir le jour prochainement. Les infirmières de néphrologie devraient en faire partie en raison de la haute technicité de leur pratique, de leur rôle de formatrices auprès des patients et des autres professionnels de santé, et de leur grande autonomie professionnelle (dans les antennes d'autodialyse notamment). Deux projets d'ampleur seraient particulièrement intéressants et pertinents : la généralisation de la consultation infirmière en prédialyse, et l'autorisation de prescription dans certains domaines bien définis comme la gestion de l'anémie, les aspects nutritionnels par exemple. Évidemment, cela n'est envisageable que dans la mesure où l'on pourrait garantir absolument une qualité d'enseignement continu et un contrôle strict des compétences.

Justement, qu'en est-il dans les autres pays ?

Au sein de l'Union européenne, on peut considérer que la France est plutôt en avance en matière de néphrologie. Nous bénéficions de textes plus permissifs que nos voisins, sur le plan de l'autonomie des infirmières. L'Allemagne a déjà mis en place un système de formation continue obligatoire, la Belgique y réfléchit très sérieusement et l'Espagne n'a pas encore déterminé sa position officielle dans ce domaine. L'exemple qui nous intéresse vient plutôt d'outre-Atlantique : aux États-Unis, le niveau de formation en néphrologie est excellent. Pour exercer, les infirmières doivent obtenir une certification dont le renouvellement est conditionné par la preuve d'une formation continue. De nombreux contrôles sont effectués dans ce sens, ce qui en fait des professionnelles de très grande compétence. Cela dit, le modèle s'arrête là, lorsque l'on constate l'intervention conjointe de très nombreux techniciens de dialyse dont la formation n'est pas toujours à la hauteur de leurs responsabilités. Résultat, on meurt deux à trois fois plus d'insuffisance rénale aux États-Unis qu'en France.

Avec le vieillissement de la population, vous prévoyez l'émergence d'une spécialité un peu à part : la néphrogériatrie. Quelles sont ses spécificités ?

25 % des patients en insuffisance rénale terminale(2) sont des diabétiques. Il ne serait évidemment pas pensable de traiter la pathologie néphrologique de ces malades sans prendre en compte la surveillance du diabète. Quoi qu'il arrive, les infirmières de néphrologie doivent donc développer des compétences pointues sur de nombreux domaines afférents. Et il est vrai, en effet, que le vieillissement de la population nous amène à recevoir de plus en plus souvent des personnes qui accumulent les problèmes, qu'ils soient pathologiques, sociaux ou comportementaux.

Quid de l'enquête de la Cnam lancée début juin ? Quels en sont les objectifs ? Qu'espérez-vous voir changer ?

Il s'agit de faire une « photo » du panorama néphrologique français. La majeure partie de cette étude est basée sur un recensement de tous les patients qui sont traités afin de recueillir les données permettant d'améliorer le système. Cette enquête a été conçue en concertation avec les milieux professionnels, à l'échelon de chaque département et avec l'appui des médecins conseils. Elle aboutira en fin d'année 2003 ou début 2004 et fournira des renseignements précieux aux ARH pour établir de nouveaux Sros(3).

1- Président de l'AFIDTN, Association française des infirmiers de dialyse, transplantation et néphrologie (http://www.afidtn.com). 2- Nécessitant donc une mise sous dialyse. 3- Schémas régionaux d'organisation sanitaire.