Surveillance d'un antibiotique - L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 183 du 01/06/2003

 

Pharmacologie

Conduites a tenir

La prescription d'antibiotiques vise la disparition ou la régression des signes infectieux. Pour éviter tout accident, le soignant doit exercer une surveillance accrue avant, pendant et après la prescription, en sachant reconnaître les effets secondaires de chaque classe d'antibiotiques.

OBJECTIF

Un antibiotique a comme propriétés pharmacologiques la destruction de la bactérie (bactéricide) ou l'inhibition de la croissance bactérienne (bactériostatique). L'objectif thérapeutique est la disparition ou la régression des signes infectieux. La guérison est confirmée par la disparition des germes responsables. Le traitement chirurgical peut être responsable de complications infectieuses, surtout si l'état général du patient est altéré (défenses immunitaires diminuées) ou en cas de pathologies associées (diabète, etc.). Un patient est exposé à l'infection nosocomiale s'il est porteur de matériel invasif ou s'il présente une cicatrice, portes d'entrée possibles des infections. Il y a atteinte par les germes hospitaliers.

ACTIONS DE SURVEILLANCE

Précautions à prendre avant l'administration.

Prélèvements bactériologiques. Ils permettent d'identifier le germe responsable et de déterminer l'antibiogramme afin de confirmer ou modifier l'antibiotique prescrit d'emblée. Il faut s'assurer qu'ils ont été effectués avant la mise en place du traitement. Les résultats seront communiqués au médecin dès leur obtention, dans un délai de 24 à 48 heures.

Absence d'allergie. Les antécédents d'allergie à l'antibiotique figurent sur le dossier du patient, mais doivent être confirmés verbalement par celui-ci. Il s'agit d'antécédents personnels (allergie à d'autres substances) ou familiaux du patient (allergie à l'antibiotique par des membres de sa famille).

Vérification de la prescription. La prescription doit être nominative, signée, datée et les données concernant l'antibiotique doivent être complètes : dosage, posologie, forme, voie d'administration, solvant pour perfusion et temps de passage. La durée du traitement est fonction des cas pathologiques à traiter. Il faut adapter la posologie chez l'insuffisant rénal.

Évaluer l'efficacité du traitement.

Température. La prise de température auriculaire doit être régulière, puis notée et une courbe de température sera établie.

État général. L'état de santé général du patient doit être satisfaisant :

- absence de fièvre ;

- absence de signes d'infection. Ils sont fonction de la pathologie à traiter, mais dans tous les cas l'observation des éliminations (hématurie, pyurie, diarrhée, crachats purulents, etc.) est nécessaire ;

- cicatrisation correcte. La réfection du pansement et l'ablation des mèches permettent de contrôler l'état de la cicatrisation. Les sérosités ne devront pas être sanguinolentes, purulentes ou odorantes ;

- travailler en asepsie rigoureuse. Le respect d'une asepsie rigoureuse permet d'éviter de majorer le risque d'infection. Il faut au minimum un lavage aseptique des mains pour toute manipulation des perfusions, des redons, ou pour le changement de pansements. Il est préférable en cas de doute d'utiliser des gants, un masque et une surblouse (prévention du risque nosocomial). Au point d'injection, il faut constater l'absence de rougeur, de chaleur et de douleur.

Surveillance biologique. Plusieurs opérations concourent à assurer la surveillance biologique :

- prélèvements bactériologiques réguliers. Ils sont fonction de l'infection du patient (ECBU, coproculture, hémoculture, etc.) ;

- l'antibiogramme décrit le comportement des principaux antibiotiques vis-à-vis d'un germe pathogène isolé à partir d'un prélèvement bactériologique. Le germe est sensible à l'antibiotique si l'antibiotique est actif sur ce germe. Il est dit résistant si l'antibiotique n'a pas d'action sur lui. Les résultats doivent être lus par l'infirmière dès leur retour dans le service et transmis rapidement au médecin ;

- la NFS renseigne sur la quantité de leucocytes et sur la vitesse de sédimentation (VS). L'augmentation des leucocytes est un signe d'infection. Lorsque la VS augmente, dans un contexte infectieux, il y a réaction inflammatoire due à l'infection ;

- la CRP, « C Reactiv Protein », est le témoin d'une réaction inflammatoire due à l'infection. Elle augmente dans ce cas ;

- bilan biologique spécifique en fonction de l'antibiotique utilisé. Les bilans rénaux, hépatiques ou hématologiques peuvent être nécessaires pour ajuster la posologie en fonction de l'antibiotique utilisé.

Dépistage des effets indésirables.

Les antibiotiques possèdent des effets secondaires en commun, plus ou moins marqués en fonction de l'antibiotique. D'autre part, chaque famille d'antibiotique possède des effets secondaires spécifiques qui la caractérisent. Ces effets peuvent être prévenus ou traités. Quand il s'agit d'un effet secondaire grave, le traitement doit être arrêté.

Effets secondaires communs aux antibiotiques.

Risque allergique. Les signes cutanés de l'allergie sont le prurit, l'urticaire, les rougeurs et les éruptions cutanées.

Il y a oedème des paupières, de la face et des membres. Dans les cas graves, il peut se produire un oedème de Quincke (oedème de la glotte). Il est fréquent d'avoir une hyperéosinophilie dans la NFS.

L'accident allergique se traduit par un malaise, un choc anaphylactique (baisse de la tension artérielle, accélération du pouls, pâleur, cyanose des extrémités).

Troubles digestifs. On observe des nausées, des vomissements et de la diarrhée. La diarrhée est l'effet secondaire fréquent de l'antibiothérapie. Le plus souvent, elle est bénigne, conséquence de l'appauvrissement de la flore intestinale du patient par l'antibiotique. En effet, l'antibiotique ne fait pas la différence entre un germe pathogène d'une famille et un germe non pathogène saprophyte de cette même famille. Il va ainsi déséquilibrer la flore saprophyte.

Le patient se plaint alors de simple modification de la consistance des selles, associée à des douleurs abdominales et à un ballonnement. Ces troubles sont traités par un pansement gastrique (Smecta®, Actapulgite®...). Ils disparaissent à l'arrêt du traitement. On peut prévenir leur apparition par l'administration de flores de substitution, sur prescription (Ultralevure®, yaourts au dessert, etc.). Les diarrhées peuvent s'aggraver en colites pseudomembraneuses (dues à des anaérobies).

Candidose. Le Candida albicans est un champignon présent dans les flores saprophytes des muqueuses. Il devient pathogène dès qu'il se produit un déséquilibre des flores saprophytes ou si l'immunité du patient s'effondre. Le Candida se développe alors en excès. Les troubles rencontrés au niveau des muqueuses sont l'apparition d'un muguet buccal ou d'une candidose vaginale. Les candidoses digestives profondes sont responsables de diarrhées et sont difficiles à soigner. De ce foyer digestif, le Candida va migrer et ensemencer régulièrement l'oesophage.

Hyperthermie. L'hyperthermie est due à la libération massive de toxines hyperthermisantes contenues dans les bactéries, lorsque celles-ci sont détruites par un antibiotique bactéricide. La température augmente dès le début de l'antibiothérapie puis redescend rapidement, signe de réussite du traitement.

Les effets secondaires spécifiques des principales classes d'antibiotiques.

Les antibiotiques sont regroupés en familles qui se distinguent par leurs formules chimiques et leurs effets thérapeutiques.

Pénicillines. Les pénicillines (Clamoxyl®, Amoxicilline® générique, etc.) présentent un risque rare de néphrotoxicité. Elles sont toxiques pour les cellules tubulaires rénales à travers lesquelles elles sont transportées pour être éliminées. En cas d'insuffisance rénale, la posologie est réduite en fonction des résultats de la créatininémie (sur prescription). On rencontre de rares cas de neutropénie, anémie hémolytique et thrombopénie. Un risque d'hépatotoxicité est possible avec l'association amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin®, etc.).

Céphalosporines. Les céphalosporines (Oracéfal®, Zinnat®, Kéfandol®, etc.) présentent de rares risques d'hématoxicité, hépatotoxicité et de néphrotoxicité. Il est à signaler une allergie croisée entre les céphalosporines et les pénicillines. Elle ne doivent pas être utilisées dans le traitement des méningites en raison du passage insuffisant de la barrière hémato-encéphalique.

Aminosides. Les aminosides (Amiklin®, Gentalline®, etc.) peuvent provoquer une atteinte de l'oreille interne, favorisée par des administrations prolongées à doses élevées. L'ototoxicité est cumulative. Elle est annoncée par des bourdonnements d'oreilles, des vertiges et de l'hypoacousie. Elle va évoluer rapidement vers la perte de l'audition, parfois définitive. La surveillance par l'aminosinémie est nécessaire si le traitement est prolongé ou si les doses sont élevées. Il y a majoration des risques chez l'insuffisant rénal et la personne âgée. La durée du traitement est en principe inférieure à sept jours.

Macrolides. Les effets secondaires des macrolides (Rulid®, Josacine®, etc.) sont une sensation vertigineuse et un risque de troubles digestifs accru (diarrhées). Ne pas associer avec certains dérivés de l'ergot de seigle (Gynergène®, Parlodel®, etc.)

Tétracyclines. La photosensibilisation qu'induisent les tétracyclines (Vibramycine®, doxycycline, etc.) nécessite une protection par une crème écran solaire. Elles présentent un risque de coloration jaune des dents, ce qui contre-indique leur usage chez l'enfant de moins de huit ans et chez la femme enceinte (bourgeon dentaire foetal). Trouble digestif supplémentaire de type brûlure d'estomac, ulcération et réveil d'ulcère.

Quinolones. Les quinolones (Ciflox®, Oflocet®, Peflacine®, etc.) provoquent des troubles tendineux qui se traduisent par de l'arthralgie, de la myalgie et des tendinites. Chez l'adolescent ou le sportif, il y a un risque de rupture du tendon d'Achille. Ils présentent également un risque de photosensibilisation, des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, gastralgies) et neurosensoriels (céphalées, vertiges, insomnies, etc.), leucopénie et thrombopénie (rares).

Sulfamides. La réalisation d'un antibiogramme avant traitement est souhaitable en raison de l'existence de nombreuses résistances acquises. Les allergies aux sulfamides (Bactrim®) sont fréquentes. Toxicité hématologique (neutropénie, anémie), hépatotoxicité (rare), colite pseudomembraneuse, photosensibilisation et troubles neurologiques.

Anti-anaérobies. Les anti-anaérobies (Flagyl®, etc.) ont pour effets secondaires des troubles digestifs marqués en présence d'alcool.

CONSEILS AUX PATIENTS POUR LA VOIE ORALE

- Le patient doit respecter la durée du traitement, les doses, les horaires et les modalités de prise. Une mauvaise observance des prescriptions par le malade à domicile peut favoriser l'apparition de souches résistantes. Une bactérie devient résistante à un antibiotique si elle peut survivre en présence de cet antibiotique.

- Le patient doit savoir reconnaître les effets secondaires pour prévenir le médecin.

- Il ne doit pas interrompre le traitement même si les signes d'infection ont disparu.

- Il ne faut pas utiliser d'antibiotiques provenant des prescriptions précédentes sans avis médical.

Médicaments associés à l'antibiothérapie

Pour traiter une maladie infectieuse, il faut mettre en oeuvre plusieurs moyens thérapeutiques. L'infirmière doit identifier les différents types de médicaments de la prescription. L'antibiotique est choisi en fonction du germe responsable. Le médecin mettra en place une antibiothérapie en fonction des signes de la pathologie. Il peut également identifier le germe grâce à un antibiogramme et choisir l'antibiotique capable de détruire la bactérie. D'autres anti-infectieux peuvent être mis en place en fonction de l'agent pathogène présent. Les mycoses sont traitées par les antifongiques. Les antiviraux atténuent les atteintes virales. Les parasites sont stoppés par les antiparasitaires.

Les antipyrétiques font disparaître les symptômes fiévreux qui accompagnent l'infection. Ils sont du type aspirine, paracétamol ou ibuprofène. Les anti-inflammatoires constituent également un traitement d'appoint. En effet, l'organisme réagit pour protéger les tissus de l'atteinte par la bactérie. Si ce mécanisme est exagéré, il est nécessaire de le ralentir, voire de le stopper avec des anti-inflammatoires. Ils permettent de soulager les douleurs, rougeurs, oedèmes consécutifs à la réaction inflammatoire. Les corticoïdes sont utilisés pour cet usage. Les immunostimulants permettent de relancer l'immunité par la fabrication d'anticorps. Il s'agit principalement de la vaccination. Les traitements locaux sont constitués d'anti-infectieux et d'anti-inflammatoires, et sont appliqués directement sur la peau et les muqueuses. Ils renforcent l'action des anti-infectieux généraux. Les traitements symptomatiques, mis en place en fonction des pathologies, vont soulager le patient dans l'attente de la réussite de l'antibiotique.

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