HANDICAP : l'intégration, enfin ? - L'Infirmière Magazine n° 184 du 01/07/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 184 du 01/07/2003

 

Dossier

- 2003, année européenne des personnes handicapées, suscite de nombreux espoirs - Victimes d'ostracisme dans le monde du travail, mal soignés, les handicapés vivent souvent un calvaire - Les soignants peuvent leur venir en aide en perfectionnant leur qualité d'écoute.

Il est sur toutes les lèvres. Jamais on n'aura autant parlé du handicap qu'en cette année 2003. Ouverte en France le 3 février à Rennes(1), l'année européenne des personnes handicapées est un appel à leur porter une attention plus aiguë. « Donnons tous ensemble un bon coup de rein pour faire un progrès notable dans le domaine de l'intégration des personnes handicapées » : c'est par ces mots que Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux Personnes handicapées, avait lancé, en début d'année, cette série de manifestations. Quelques mois plus tôt, le discours de Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, annonçait parmi les grands chantiers prioritaires du président de la République, avec le cancer et la sécurité routière, l'intégration des personnes handicapées dans notre société, dans le système scolaire et professionnel.

DÉCALAGE

Il y a plusieurs mois, l'affaire Perruche avait sans doute contribué à rouvrir le débat, dans la mesure où elle a partiellement contribué à faire entendre au grand public les difficultés des handicapés et de leur famille face aux lacunes de la prise en charge en France. En 2000, la Cour de cassation accordait pour la première fois une indemnisation à Nicolas Perruche, né lourdement handicapé après une erreur de diagnostic prénatal, qui avait privé sa mère de la possibilité d'avorter. Depuis, le Parlement, via la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades, a annulé la jurisprudence Perruche, affirmant que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ». Et réaffirmé le principe selon lequel toute personne handicapée a droit à la « solidarité nationale ». Dès 1975, une première loi énonçait un certain nombre de principes, parmi lesquels une « obligation nationale » d'assurer notamment « l'intégration sociale » des personnes handicapées. Un texte fondateur pour ce qui est de leur prise en charge. Sauf que le décalage entre les déclarations d'intention de la loi du 30 juin 1975 et la réalité demeure important. En témoigne, par exemple, l'enquête d'opinion menée régulièrement auprès de familles prenant en charge une personne handicapée par l'Institut Louis Harris pour les magazines Déclic et Pèlerin magazine, et rendue publique en septembre 2002. En deux ans, le mécontentement des personnes interrogées a progressé. 86 % - soit 20 % de plus qu'en 1997 - constatent une dégradation de l'intégration des personnes handicapées dans la société française. Autres préoccupations fortes, l'absence de structures adaptées et le manque de places en institutions spécialisées. Pire, 94 % des sondés estiment que les pouvoirs publics ne s'intéressent pas assez à leur situation.

RÉFORME DE LA LOI

C'est pourquoi la grande réforme de la politique du handicap annoncée par Jacques Chirac passe par la révision - déjà évoquée par le gouvernement Jospin - de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Le nouveau texte, destiné à favoriser l'insertion des personnes handicapées, devra rénover l'ensemble du système. Ses grandes lignes sont déjà connues : une affirmation du droit à compensation (cf. encadré p. 33) et surtout une prise en charge individualisée, offrant la possibilité à chaque personne de choisir son mode de vie. « Les mentalités ont évolué et il faut voir les modalités de prise en charge des personnes handicapées d'une autre façon. Mais il faut surtout laisser le choix aux personnes de vivre leur vie au mieux, grâce à un projet individualisé leur permettant de vivre en établissement quand c'est nécessaire, mais aussi de vivre à domicile avec des aides », expliquait Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux Personnes handicapées, en janvier dernier.

LA FRANCE, LANTERNE ROUGE

Fort bien, se félicitent les associations, satisfaites d'entendre enfin les politiques reprendre les positions qu'elles défendent depuis des années. « Sur les grandes lignes, nous sommes d'accord, explique Marie-Sophie Dessaulle, présidente de l'Association des paralysés de France (APF). Nous voulons une compensation des incapacités en fonction des incapacités de la personne et de son projet. » Mais les associations savent bien que le chemin est encore long. Et si la réforme de la loi suscite de nombreux espoirs, il reste à chiffrer toutes ces dispositions, dont le financement reste flou.

« Cette loi représente pour nous un enjeu majeur. Mais on est encore dans l'intention, met en garde Mme Dessaulle. Or, si on ne donne pas d'aides et d'accompagnement avec un financement précis, la loi reste du discours. Et c'est un leurre. » Alors, pour ne pas ajouter ce texte à la longue liste des lois mal appliquées, les associations réclament une obligation de résultats. Autre constat : malgré cette loi fondatrice de 75, et celles relatives à l'emploi des personnes handicapées, en 1987, à l'éducation, en 1989, ou à l'accessibilité de divers lieux, en 1991, la situation n'a pas suffisamment progressé en France. Certes, des efforts ont été consentis depuis plusieurs années, notamment financiers - l'État consacre près de 14 milliards d'euros aux personnes handicapées relevant de la loi de 1975, via l'allocation adulte handicapé, qui concerne 700 000 personnes, l'allocation d'éducation spéciale (120 000), le financement du besoin en tierce personne (90 000 bénéficiaires). Mais il reconnaît toutefois « les insuffisances, voire les lacunes qui existent encore à tous les âges de la vie et tout particulièrement pour les nombreuses personnes handicapées qui manquent de l'accueil et de l'accompagnement qui leur sont nécessaires ». D'autant plus, ajoutent les associations, qu'entre 1985 et 2001, les budgets consacrés au handicap sont passés de 2,1 à 1,7 % du produit intérieur brut (PIB), essentiellement du fait de l'État. En outre, plaident-elles, le système de l'aide uniforme, les prestations actuelles ne suffisent pas à compenser réellement le surcoût d'un handicap dans la vie de tous les jours. Elles demandent donc une revalorisation substantielle de ces allocations. « Aujourd'hui, s'insurge Marie-Sophie Dessaulle, une personne handicapée a 50 % du Smic pour vivre tous les mois. À ce tarif-là, vous n'êtes pas intégré dans la société. »

La France présente un retard important dans tous les domaines. Ainsi, elle ne dispose toujours pas de données précises sur le nombre de personnes handicapées, même si la récente enquête Handicap incapacité dépendance (HID) menée par l'Insee commence depuis quelques mois à livrer ses résultats. Certes, cette méconnaissance est en partie due à l'absence de définition précise du handicap. Celle couramment adoptée émane de l'OMS, qui évolue sensiblement au fil des ans. Sans définition arrêtée, comment chiffrer ? Et sans chiffrer, comment évaluer les besoins ? L'argument est recevable, mais il n'explique pas pourquoi jamais, avant l'enquête HID, aucune étude aussi approfondie n'avait été lancée dans le domaine. En termes d'intégration, les progrès à accomplir demeurent considérables. Ainsi, pour ce qui est de l'accessibilité, les enquêtes régulièrement réalisées par l'Association des paralysés de France (APF) révèlent des lacunes persistantes. Dans de nombreuses villes de France, rien n'a changé pour les personnes handicapées. Prendre les transports en commun, accéder aux administrations, aux musées, dénicher un logement adapté, reste un véritable parcours du combattant.

EFFET D'ANNONCE

S'il est en tout cas un lieu où la question de l'intégration est centrale, c'est bien l'école. L'intégration scolaire des jeunes handicapés a du reste fait l'objet de l'attention des politiques successives. Après le plan Handiscol lancé par Ségolène Royal, Luc Ferry, ministre de l'Éducation nationale, a détaillé récemment un plan quinquennal pour améliorer l'accueil des jeunes handicapés, évalués à près de 15 000 laissés-pour-compte, dans les établissements scolaires. Il prévoit un budget pour l'achat de matériel adapté, la création de 1 000 UPI - unités pédagogiques d'intégration - supplémentaires et la « multiplication par six du nombre d'assistants de vie scolaire », soit 6 000 au total.

Selon la Fédération nationale pour l'accompagnement scolaire des élèves présentant un handicap (Fnaseph), dont les 2 300 auxiliaires de vie accompagnent 3 400 jeunes en France, de la maternelle à l'université, il s'agit d'un simple effet d'annonce. « Le nombre total d'auxiliaires de vie sera en fait à peine doublé, s'insurge Gilles Paumier, secrétaire général de la Fédération. Nous appelions de nos voeux une professionnalisation de ces personnels et une pérennisation de leurs emplois. En réalité, on va remplacer des contrats précaires, les emplois-jeunes, par d'autres contrats d'assistants d'éducation tout aussi précaires, et en nombre insuffisant. Du coup, nous sommes soucieux pour la rentrée. » Pourtant, parmi les parents, membres de l'Éducation nationale, responsables d'association ou professionnels de l'éducatif, beaucoup sont convaincus que c'est à l'école que tout se joue : le changement de regard de la société sur eux et leur intégration. « Si leur socialisation n'est pas faite dès l'école, elle ne se fera pas, estime Gilles Paumier. Les meilleures insertions sont d'abord faites si l'enfant a vécu sa scolarité en milieu ordinaire. » Quand on sait que trop de personnes handicapées sont peu ou pas qualifiées, l'enjeu est en tout cas majeur.

26 % DE CHÔMEURS

Dans son rapport annuel, fin janvier, la Cour des comptes pointait à ce sujet « l'absence de volontarisme des pouvoirs publics », rappelant que le taux d'emploi des personnes handicapées dans les entreprises de plus de 20 salariés avoisine les 4 %. On est loin des 6 % qu'imposait la loi du 10 juillet 1987 sur l'insertion professionnelle des handicapés. En réalité, les entreprises (environ un quart) préfèrent conclure des contrats avec des ateliers protégés ou des centres d'aide par le travail - dans lesquels travaillent 100 000 personnes - ou payer une contribution financière annuelle - reversée au Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) - que de franchir le pas. Les travailleurs handicapés continuent donc à rencontrer de multiples obstacles pour accéder au marché du travail. Résultat, leur taux de chômage atteint 26 %, contre 9 % environ pour la population active générale. Et un travailleur handicapé reste deux fois plus longtemps au chômage qu'un autre. « Les entreprises qui embauchent le plus de personnes handicapées, note Marie-Thérèse Boisseau, sont les entreprises de l'artisanat qui ne sont pas soumises au quota des 6 %. Et au niveau de l'administration, nous avons un effort à faire. » Parmi les objectifs du gouvernement, donc : donner aux travailleurs handicapés la possibilité de progresser, de passer si possible du milieu protégé au milieu ordinaire.

Pour tenter de rattraper ce retard et mettre en oeuvre sa politique, l'État s'est doté de certains outils. C'est ainsi que le président de la République a installé, le 3 décembre dernier, un Conseil national consultatif des personnes handicapées rénové. Créé par la loi d'orientation de 1975, il a vu sa composition - 65 membres parmi lesquels des parlementaires, des représentants de collectivités locales, d'organismes de protection sociale, d'associations de familles ou de personnes handicapées - et ses missions renouvelées. Il a pour vocation d'assurer la participation des personnes handicapées à la mise en oeuvre des politiques qui les concernent, d'évaluer leur situation matérielle et morale, et de faire des propositions quant à leur prise en charge. Il doit aussi coordonner ses déclinaisons départementales, les conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées. Par ailleurs, une conférence des handicaps se tiendra chaque année pour évaluer les effets de la politique menée. Tout semble donc être en place pour faire de 2003 un tournant pour les personnes handicapées. À condition qu'elle soit l'objet d'un véritable changement de perception. « Il faut que l'année européenne serve d'électrochoc culturel pour secouer les idées reçues : que l'on apprenne à regarder les personnes handicapées de façon moins émotionnelle, sans leur faire l'aumône », estimait Jean-Luc Simon, président du Comité français de coordination de l'année européenne, dans une interview aux ASH(2).

EXCLUS DES SOINS

Si ce changement doit concerner chaque citoyen, les soignants ont un rôle important à jouer. C'est en tout cas la conviction du Dr Philippe Denormandie, responsable de la Mission handicaps de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle a été créée en 1997 pour contribuer à une meilleure prise en charge des personnes handicapées, en aidant les équipes porteuses de projets dans ce sens, mais aussi en travaillant avec l'extérieur (familles, associations, milieu médicosocial) pour bien identifier les besoins, puis mieux organiser la prise en charge et sa continuité. Elle a permis d'améliorer les conditions d'hospitalisation des personnes handicapées. Mais les ruptures de prise en charge, de pratiques d'une équipe à l'autre, déstabilisantes pour le patient, sont encore fréquentes. L'accès aux soins demeure un problème important. C'est même un doux euphémisme pour Philippe Denormandie, qui évoque une « extrême exclusion des soins » des personnes handicapées. La majorité d'entre elles ne bénéficient pas d'un suivi médical régulier. « C'est leur drame : à ma consultation de Garches, je vois des situations poignantes, des gens qui parfois n'ont pas été évalués depuis dix ans. Nous venons, par exemple, de faire une étude sur la gynécologie-obstétrique et nous avons constaté que moins de deux femmes handicapées sur dix ont eu un frottis vaginal. »

RESPECT DE LA PERSONNE

Mais, pour le responsable de la Mission handicaps, c'est aussi sur le plan relationnel que doit porter l'effort : « Tous les soignants doivent entendre que certaines personnes handicapées ont un code de communication qui n'est pas le leur, et qu'ils doivent essayer de le comprendre. La vraie bataille est là. » Si la chose est entendue pour un grand nombre de personnels, elle n'est visiblement pas évidente pour tous. « Le rôle des soignants, insiste Philippe Denormandie, est avant tout de considérer que la personne handicapée est un malade comme les autres. Il y a encore des progrès à faire dans les mentalités : lui parler, la vouvoyer, avoir le même respect et le même comportement que face à n'importe quel patient. »

Si, selon le sondage Louis Harris mentionné plus haut, les soignants bénéficient de la bienveillance des familles ayant à leur charge une personne handicapée, il est cependant un moment particulièrement critique où la prise en charge est encore loin d'être à la hauteur des espérances : celui de l'annonce du handicap. Pour 59 % des personnes interrogées, cette annonce par les médecins laisse à désirer, souvent parce qu'elle est considérée comme trop brutale, ou du fait de la froideur, parfois, des professionnels. C'est pourtant là, préconisent psychologues et pédopsychiatres, que doit commencer la prise en charge. Car les parents doivent faire sur eux-mêmes un immense travail psychologique pour s'adapter à cet événement traumatique. « L'annonce est un moment crucial », explique la Fondation de France, qui encourage financièrement, dans le cadre d'un appel à projets, des initiatives d'accompagnement ; en effet, « la première révélation [du handicap engage] la personne concernée, son entourage, les professionnels et bénévoles dans un dialogue dont la qualité va conditionner l'élaboration de son projet de vie et son avenir ».

Parmi les initiatives prises, signalons celle de La Lune d'eau(3), créée en septembre 2000 à Bordeaux, un lieu d'accueil autour de la naissance, où les parents ou futurs parents peuvent parler et échanger leurs expériences. Certains sont confrontés à une annonce de handicap anténatale ou postnatale. Ils sont donc en questionnement, notamment quant à une éventuelle interruption médicale de grossesse, et ont besoin d'une écoute, que leur offre l'association. Celle-ci est également vecteur de formation et d'information autour de la grossesse et des traumatismes. Elle a été créée par des parents confrontés au handicap, parmi lesquels Jocelyne Goût, qui a perdu une enfant à la naissance. « Quand c'est arrivé, les gens ne savaient pas trop quoi nous dire. On a été un peu largués dans la nature. On s'est sentis seuls et cette solitude, ce manque dont on a souffert ont généré l'association. »

FORMATIONS

En plus d'apporter une écoute attentive aux parents, l'association dispense des formations auprès des soignants, en particulier auprès d'élèves sages-femmes. « Ce qui manque encore actuellement, c'est la mise en mots. Les parents doivent parfois aller à la pêche à l'info, ou bien l'annonce est faite entre deux portes, comme cela se passait déjà il y a 30 ans. Il faut dire que quand un enfant naît avec un handicap, tout s'effondre pour l'équipe soignante. » L'association s'efforce également de faire connaître les services qu'elle offre auprès du milieu hospitalier. « À l'hôpital, un réel effort est fait auprès des parents, les personnels sont à l'écoute. Mais il est très rare, par exemple, qu'une rencontre avec un psychologue soit proposée. Et l'hospitalisation ne dure pas longtemps, et c'est après que le relais vers l'extérieur ne se fait pas », regrette Jocelyne Goût. L'association de parents d'enfants handicapés Accueil pluriel(4), en Vendée, a choisi de former ensemble des professionnels de santé du centre hospitalier voisin de Cholet et des parents bénévoles à l'annonce du handicap et à l'accompagnement des familles. Dans le service de néonatologie, la quasi-totalité de l'équipe a participé. « Notre crainte, avant de suivre cette formation, racontent une puéricultrice et une auxiliaire, était de ne pas savoir quoi dire aux parents. » « Nous avions pris conscience de l'importance d'une formation pour améliorer l'accompagnement des familles, ajoute Marie-Madeleine Hérault-Marot, cadre infirmier. Ne sachant pas quelle attitude adopter, nous préférions la fuite plutôt que de commettre des maladresses. » Plusieurs jours de formation, animés par un psychologue, Dominique Colin, ont permis non seulement de mieux comprendre les réactions des parents, mais aussi d'approfondir la réflexion et d'envisager des pratiques différentes : des annonces en présence des deux parents, d'un médecin et d'un autre membre de l'équipe soignante, une présence et une écoute essentielles, la nécessité d'une cohérence dans les informations délivrées par l'équipe et les mots employés.

ÉCOUTE

« Ayant connaissance de leur cheminement, on comprend mieux le comportement des parents, sur lesquels on met des mots, expliquent les membres de l'équipe. L'envie de fuir est moins importante. »

« Ceci dit, les familles restent avec leur douleur, parce que le handicap restera toujours inacceptable, explique Mme Hérault-Marot. Notre rôle de soignant est très simple et modeste : nous ne pouvons pas réparer, mais simplement éviter d'autres dégâts par des paroles ou des attitudes adaptées, et aider les parents à s'adapter à leur nouvelle situation. » Ensuite, le personnel peut passer le relais à l'association Accueil pluriel. Des deux côtés en tout cas, la compréhension a progressé, comme en témoigne Brigitte Allain, présidente de l'association. « Nous avons pu constater que les professionnels souffraient aussi. Mais qu'ils ne savaient pas ce que nous vivions ; et quand on est dans l'inconnu, on ne peut pas comprendre l'autre. Or ce n'est pas normal que des parents d'un enfant handicapé âgé de quinze ans souffrent encore parce que personne ne les a jamais écoutés. Nous avons besoin d'envisager un avenir possible pour notre enfant. Or ces mots qu'on nous dit, l'encouragement qu'on peut nous offrir nous portent pour toute notre vie. »

L'action de l'association devrait s'étendre sous peu à d'autres structures. Ce seront autant de lieux où, réellement, le regard aura changé. Mais c'est dans tous les domaines de la vie citoyenne que les mentalités devront évoluer. Pour ne plus avoir, dans l'avenir, à décréter de journée ou d'année du handicap, il va bien falloir finir par l'intégrer dans la pensée politique. C'est-à-dire, penser handicap à chaque réforme, à chaque construction, à chaque rédaction d'un texte de loi. Pour véritablement faire des personnes handicapées des citoyens comme les autres. Une fois pour toutes.

1- Elle se poursuit par deux derniers colloques régionaux, le 3 octobre à Marseille sur le thème de l'enfance et de l'intégration scolaire, et le 7 novembre à Lille sur le thème de l'emploi et de l'intégration dans le travail. Le colloque de clôture, autour de la réforme de la loi de 1975, se tiendra en décembre 2003 à Paris.

2- Dans une interview aux ASH du 27 décembre 2002.

3- Contact : Association Antoine, Nubia, Aline et les autres (http://www.aanaa.fr.st). Tél. : 05 56 76 16 06.

4- Association Accueil pluriel, Maison des herbiers, rue du Tourniquet, 85500 Les Herbiers.

DÉFINITION

Qu'est-ce qu'un handicap ?

En langage courant, le handicap est souvent confondu avec les déficiences ou les incapacités dont il est le résultat. Ces trois termes sont repris dans la définition élaborée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) :

> la déficience est l'altération ou la perte d'une structure ou d'une fonction anatomique, physiologique, psychologique. Elle peut être motrice, sensorielle, cognitive, mentale, psychique ;

> conséquence le plus souvent d'une ou plusieurs déficiences, l'incapacité est la réduction complète ou partielle de la capacité à réaliser une activité considérée comme normale ;

> le handicap, ou désavantage, résulte d'une déficience et/ou d'une incapacité qui limitent ou interdisent l'accomplissement d'un rôle social normal pour la personne. Il n'apparaît donc, au sens strict du terme, et même s'il est employé plus largement, que lorsqu'il implique pour la personne une limitation de sa participation à la vie sociale.

Le handicap en chiffres

> 5,5 millions de personnes déclarent un handicap ou une gêne dans la vie quotidienne, soit 7,4 % de la population.

> 650 000 à 700 000 personnes handicapées vivent en institution.

> Un enfant d'ouvrier est deux fois plus souvent atteint d'une déficience qu'un enfant de cadre.

> Souffrant d'un vieillissement plus précoce que l'ensemble de la population, les personnes handicapées vieillissantes de plus de 40 ans sont 635 000 en France.

> Une personne sur dix est en situation de handicap en Europe.

Source : enquête HID, Insee et ministère de la Santé.

Le temps de l'annonce

« Soyons clairs : personne ne rêve d'accoucher d'un enfant handicapé. L'annonce du handicap est donc toujours un moment traumatique, qui génère des sentiments contradictoires : déni, doute, colère, rejet... Et une immense solitude. Le besoin d'écoute est alors immense. Car devenir mère n'est déjà pas rien quand tout va bien. D'où l'importance pour les parents de savoir qu'ils ne sont pas seuls : cela devient moins lourd en termes de culpabilité. Trouver des interlocuteurs permet de se dire qu'on n'est pas marqué du sceau de l'infamie. »

Jocelyne Goût, infirmière et cofondatrice de l'association La Lune d'eau.

JURIDIQUE

Un principe : la non-discrimination

Les premières orientations du futur texte(1) qui doit réformer la loi de 1975 - le projet devrait être discuté à partir de l'automne à l'Assemblée et voté au plus tard en juin 2004 - énoncent un principe général : la non-discrimination. La nouvelle loi devra « garantir l'égalité des droits et des chances ». Pour y parvenir, trois axes de réforme sont définis :

> le principe d'accessibilité : il s'applique à tous les domaines de la vie en société, éducation, emploi, culture... La loi pourrait ainsi réaffirmer une obligation d'accessibilité pour tous bâtiments publics et les transports, et créer des incitations à l'accessibilité des logements privés ;

> le droit à compensation : il s'agit de garantir des ressources suffisantes aux personnes handicapées, de « créer les conditions financières d'une vie autonome digne pour toute personne handicapée ». La création d'une prestation de compensation « destinée à répondre à un besoin déterminé d'aide », avec une participation de la personne en fonction de ses revenus, est envisagée. Mais sans précision, pour l'instant, sur son financement ;

> la participation aux décisions : le texte énonce le principe d'une participation des intéressés, de leur famille et de leurs associations aux décisions les concernant.

1- Une « note d'orientation de la loi relative à l'égalité des chances des personnes handicapées » a été présentée le 24 avril dernier au Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Maisons du handicap

Disséminées sur tous le territoire et coordonnées au plan national par une Agence nationale du handicap, les Maisons du handicap pourraient devenir, dans chaque département, le guichet unique des personnes handicapées et de leur famille. Celles-ci y trouveront toute l'information nécessaire à leurs démarches de demande d'aides matérielles, humaines ou financières. Une équipe pluridisciplinaire sera chargée, sur le modèle des actuels sites pour la vie autonome, d'évaluer la situation de chaque personne afin d'établir avec elle un projet individualisé tenant compte de leurs besoins spécifiques et de leur parcours de vie.