L'hémorragie digestive haute | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 184 du 01/07/2003

 

Gastro-entérologie

Conduites a tenir

Les hémorragies digestives hautes représentent plus de 80 % des hémorragies digestives. L'hémorragie se manifeste par une hématémèse et un méléna, mais peut aussi être révélée par un méléna isolé. Toute hémorragie digestive impose l'hospitalisation d'urgence.

Les principales causes d'hémorragies digestives sont :

- les ulcères gastroduodénaux ;

- les hémorragies non liées à l'hypertension portale (HTP) : gastrites, ectasies vasculaires antrales (angiomes), ulcération de la jonction oesogastrique après des efforts de vomissements, un cancer ou une oesophagite ;

- les hémorragies liées à l'HTP, souvent dues à la rupture de varices oesophagiennes ou à une forme sévère de gastropathie hypertensive, avec une mortalité préhospitalière d'environ un tiers.

Elles peuvent se révéler par :

- une hématémèse et/ou un méléna isolé ;

- une lipothymie ou un collapsus précédant l'extériorisation de l'hémorragie.

Une rectorragie peut révéler une hémorragie haute abondante postbulbaire. Dans la grande majorité des cas, l'hémorragie va céder spontanément, mais une récidive peut survenir, ce qui est un signe de gravité.

PERSONNEL REQUIS

La prise en charge nécessite souvent deux ou trois personnes, en collaboration avec le médecin. Mais une seule infirmière aguerrie peut prendre en charge une hémorragie.

PRISE EN CHARGE

- Allonger le patient en décubitus dorsal dans une pièce calme et le réchauffer ;

- Le calmer et le rassurer ;

- Recueillir le saignement afin d'en évaluer la quantité en mettant en place le plus tôt possible une sonde nasogastrique, ce qui permet de laver ;

- Noter les caractéristiques du saignement ;

- Poser une perfusion périphérique dans une veine de bon calibre de manière à permettre un éventuel remplissage rapide ;

- Oxygéner le patient par sonde nasale ;

- Prélever un bilan biologique standard ainsi qu'un bilan hépatique ;

- Noter sur une feuille de surveillance le pouls (souvent accéléré et filant), la tension artérielle, la couleur des téguments. Il faut éventuellement rechercher un ictère qui peut orienter vers un problème d'HTP.

Certains signes traduisent l'importance de l'hémorragie (état de choc hypovolémique) :

- angoisse, agitation ou prostration, vertiges, sueurs, soif ;

- tachycardie, hypotension artérielle avec différentielle pincée ;

- tachypnée.

Les patients présentant des troubles de la conscience seront en principe intubés.

Éléments de gravité :

- l'âge, le terrain ;

- un volume estimé de l'hémorragie supérieur à un litre se traduisant par une anémie profonde ;

- un délai long avant la prise en charge médicale ;

- un traitement par AINS, anticoagulants ou aspirine.

TRAITEMENT

Après les premiers gestes d'urgence, la réanimation du malade est entreprise pour rétablir la volémie et compenser les pertes de sang. Le remplissage est assuré par des solutés macromoléculaires et des transfusions sanguines. On transfuse très rapidement si cela est nécessaire. L'interrogatoire du patient et/ou de l'entourage permet de rechercher des antécédents éventuels d'ulcères, des signes d'insuffisance hépatocellulaire, la prise de médicaments gastrotoxiques.

Les anticoagulants ne sont pas aussi gastrotoxiques que les AINS : ils peuvent surtout faire saigner une lésion préexistante comme un ulcère, un angiome, un polype gastrique, ou un cancer. L'endoscopie gastrique (désormais nommée vidéo-endoscopie) est l'examen capital pour préciser le diagnostic. Elle doit être la plus précoce possible mais seulement une fois l'hémodynamique stabilisée. Outre le diagnostic, elle permet, selon l'étiologie, le traitement endoscopique d'un ulcère, la ligature ou la sclérose de varices oesophagiennes.

Hémorragie ulcéreuse. Parmi les techniques d'hémostase endoscopique, on utilise surtout la sclérothérapie. On dispose actuellement de nombreuses techniques pour traiter les hémorragies digestives comme l'électrocoagulation au Bicap, les clips, le plasma Argon, etc. Les traitements médicamenteux préviennent surtout les récidives et favorisent la cicatrisation de l'ulcère (les IPP type oméprazole, lansoprazole sont d'abord donnés en IV sur 24-48 heures puis per os, les antisécrétoires par voie IV). Si besoin, on associera un traitement d'éradication d'Helicobacter pylori.

Hémorragies liées à l'HTP. Si l'hémorragie est abondante, une sonde de tamponnement (Blakemore ou Linton) peut être mise en place. Le traitement endoscopique repose sur une sclérothérapie (nous utilisons plutôt la ligature). Le traitement des varices fundiques se fait soit par ligature, soit par injection de colle biologique. Les traitements médicamenteux vasoactifs sont en principe associés au traitement endoscopique (vasopressine, terlipressine, somatostatine en perfusion IV continue). Une antibiothérapie prophylactique peut être instaurée dans certains cas (endoscopie). La surveillance ultérieure du malade doit se faire de manière régulière, toutes les heures dans les premiers temps. L'infirmière note :

- le pouls, la TA, l'état de conscience, le rythme respiratoire ;

- la couleur des selles et du liquide recueilli par la sonde gastrique.

Souvent, l'hémorragie s'arrête spontanément. Les facteurs de récidives à court terme sont surtout liés à l'état des patients : varices de grandes tailles (plutôt un problème d'HTP importante), saignement initial sévère, intoxication alcoolique importante, insuffisance rénale... La gravité des hémorragies étant plus liée au terrain qu'à leur abondance, celles-ci peuvent amener à une sanction chirurgicale en fonction de l'état général du patient et de l'étiologie de l'hémorragie.