Des progrès de Taï - L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003

 

ALZHEIMER

Actualités

À l'hôpital Bretonneau, une trentaine de patients atteints d'Alzheimer sont pris en charge plusieurs fois par semaine par une équipe pluridisciplinaire. Parmi les activités d'éveil, la pratique du Taï Chi permet de stimuler la mémoire.

Depuis deux ans, l'hôpital Bretonneau, hôpital de jour parisien, propose aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer une alternative au maintien à domicile. Ici, une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d'infirmières, d'aides-soignantes, de kinésithérapeutes, d'assistants sociaux et de rééducateurs les prend en charge. Au total, ils sont une trentaine de patients divisés en deux groupes, à passer deux ou trois jours par semaine ici.

« Quand ils arrivent la première fois, ils passent un bilan diagnostique pour évaluer leur degré d'autonomie », explique Vilan Nyeck, infirmière clinicienne. Toutes ces échelles permettent de fixer l'objectif des soins pluridisciplinaires. Il s'agit avant tout d'un suivi thérapeutique. « Les patients ont les mêmes activités de rééducation : kinésithérapie, ergothérapie, psychothérapie, ainsi que des activités de théâtre et de Taï-Chi-Chuan, ajoute l'infirmière. En plus, nous avons un atelier de réminiscence, de souvenirs. On s'est aperçu que le seul fait d'évoquer le passé est une source de bien-être pour eux. »

Concentration et précision.

Aujourd'hui, dans une salle de l'hôpital de jour, une dizaine de personnes âgées, assises en rang d'oignons dans leurs fauteuils, s'impatientent. Le cours de Taï Chi va commencer. Une initiative que l'on doit à Isabelle Sanglier, la « kiné » de service. « Je me suis demandé ce que je pouvais proposer, et je savais que le Taï Chi était déjà utilisé avec des personnes âgées. » Vêtu de noir, Lionel, le professeur de cette technique de relaxation, vient d'arriver. « Gardez le dos bien droit et les pieds posés en parallèle sur le sol », lance-t-il à l'assistance. Ensuite, pendant une demi-heure, les gestes s'enchaînent dans le silence. « Cela leur fait travailler la concentration, la précision et la lenteur. Cela les apaise. Au niveau du comportement, ils sont plus sociables. Je peux voir la différence entre le début et la fin des cours. Ils doivent décrypter, observer, différencier la droite de la gauche. C'est un gros travail d'intériorité associé à l'écoute », estime le professeur. Pour Isabelle Sanglier, qui participe toujours au cours, « les personnes en perte d'estime de soi retrouvent une harmonie de corps. Même si elles ne se souviennent pas du terme Taï Chi, elles sont quand même capables de se souvenir de petits enchaînements. »

Les objectifs de cette prise en charge sont divers. Resocialiser les patients qui rencontrent ainsi d'autres personnes, éviter le « désapprentissage » (perte d'actes de la vie courante comme de beurrer une tartine par exemple) et alléger le fardeau pour la famille.

La prise en charge des familles est fondamentale. Un « carnet de mémoire », sorte d'agent de liaison entre le domicile et l'hôpital, est essentiel. « C'est là où tout le monde se retrouve, insiste Vilna Nyeck, c'est très structurant pour les patients. » Les proches laissent des mots dans ce carnet, le personnel soignant informe des programmes de la journée, et le patient lui-même peut raconter une journée.

Famille déculpabilisée.

Une fois par mois, une rencontre est organisée avec la famille. « C'est une vraie prise en charge globale du patient. La place de la famille est vraiment primordiale et c'est assez nouveau. Elle attend beaucoup de nous, il faut la faire déculpabiliser. » Pour Marie Sarazin, neurologue, « les infirmières et les aides-soignantes ont un rôle essentiel ici, c'est un projet de soins à long terme. Cela n'a rien à voir avec des soins en salle. Il y a beaucoup d'évaluation, d'entretiens et de coups de fils avec les proches ». C'est un travail sur la durée. « Et nous assistons à des petits changements. Les proches nous racontent que le patient regarde la télé ou qu'il se lave (un geste que beaucoup "désapprennent"). Ils sont moins irritables ou moins apathiques. Les réactions des familles sont très positives », conclut la neurologue.