Les grossesses multiples - L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003

 

Obstétrique

Conduites a tenir

Les grossesses multiples présentent de hauts risques obstétricaux, d'autant plus importants que le nombre de foetus est élevé. Fait nouveau, les traitements d'aide médicale à la procréation ont provoqué une nette augmentation de ces grossesses.

LES GROSSESSES GÉMELLAIRES

Ce sont de loin les plus fréquentes et les moins pathologiques des grossesses multiples. On les classifie selon deux critères : la zygotie et la chorionicité.

Zygotie. Si deux ovules ont été fécondés par deux spermatozoïdes différents, on parle d'une grossesse gémellaire dizygote. Ce mécanisme est retrouvé dans 75 % des gémellaires. Les enfants sont alors des « faux jumeaux ». Les « vrais jumeaux » résultent d'un dédoublement d'un même ovule fécondé. On parle alors d'une grossesse gémellaire monozygote.

Chorionicité. On étudie la manière dont sont constituées les annexes, c'est-à-dire le ou les placentas, et leurs membranes. Dans une grossesse simple, il y a superposition de deux feuillets membranaires appelés l'amnios et le chorion, constituant la poche de liquide amniotique.

Trois possibilités. Pour les grossesses gémellaires, on aura trois possibilités :

- deux placentas + deux poches amniotiques : c'est une grossesse bichoriale, biamniotique. C'est le cas de figure le plus simple, car les deux foetus sont autonomes. Toutes les grossesses gémellaires dizygotes ainsi que les monozygotes dont le dédoublement de l'ovule a été très précoce (30 % des monozygotes), se retrouvent dans ces caractéristiques anatomiques ;

- un placenta + deux poches amniotiques : c'est une grossesse monochoriale, biamniotique (70 % des monozygotes) ;

- un placenta + une poche amniotique : c'est une grossesse monochoriale, monoamniotique (moins de 1 % des monozygotes).

La fréquence d'une grossesse gémellaire est de 13 pour mille environ. Mais elle varie selon certains critères épidémiologiques : rare avant 30 ans, elle est sept fois plus importante chez les Africaines que chez les Asiatiques.

La grossesse gémellaire doit en tout cas être surveillée correctement, tant sur le plan clinique qu'échographique.

TROIS ET PLUS

Depuis ces 25 dernières années, les naissances de triplés sont quatre fois plus nombreuses dans les pays industrialisés qu'auparavant. Cette tendance est due principalement aux traitements d'aide à la procréation, ainsi qu'à l'augmentation de l'âge maternel. Au-delà de trois, les risques deviennent considérables, notamment ceux liés au risque majeur de grande prématurité. Actuellement, ces constatations amènent les équipes à proposer une réduction embryonnaire, c'est-à-dire une lyse des foetus surnuméraires au-delà de trois, voire de deux.

DES GROSSESSES À HAUT RISQUE

Prématurité. Le taux de prématurité, bien plus élevé qu'en cas de foetus unique, engendre une augmentation notable de la mortalité périnatale, et des séquelles à long terme, surtout en cas de grande prématurité.

Retard de croissance intra-utérin (RCIU). Ce phénomène, très fréquent et souvent sévère dans le cadre des grossesses multiples, est lié à différents mécanismes : manque de place entravant le bon développement foetal, risque majoré d'hypertension maternelle gravidique et ses conséquences vasculaires sur les foetus, augmentation des anomalies placentaires et funiculaires (ou du cordon), ainsi que vasculaires entre les foetus.

Les foetus, mal nutris, sont alors bien plus fragiles in utero. De lourdes séquelles peuvent grever leur pronostic, surtout lorsque le RCIU s'ajoute à une naissance prématurée.

Malformations. Les malformations sont plus fréquentes que lors d'une grossesse simple : hydrocéphalie, malformation cardiaque ou pulmonaire, fente labiopalatine, omphalocèle, anomalies des membres ou de l'appareil urinaire, troubles de fermeture du tube neural. Plus rarement, on retrouvera un des foetus acardiaques, vivant alors in utero totalement sur la vascularisation de son jumeau, ou encore des foetus conjoints, appelés siamois ou monstres doubles.

Syndrome transfuseur-transfusé. Ce syndrome est dû à la présence d'anastomoses vasculaires entre deux foetus, lorsque s'établit un flux vasculaire non compensé de l'un à l'autre, véritable transfusion inter-foetale. Selon l'âge d'installation et l'importance du flux vasculaire, l'expression de ce syndrome sera variable : RCIU, mort foetale in utero, souffrance foetale chronique, anémie majeure, hypovolémie chez le transfuseur, et conjointement aspect pléthorique avec polyglobulie, insuffisance cardiaque, excès de liquide amniotique chez le transfusé. Dépisté précocement, ce syndrome est pris en charge dans certains centres spécialisés qui vont effectuer in utero une intervention afin de neutraliser ces anastomoses vasculaires, et permettre aux deux foetus de se développer normalement et non plus l'un aux dépens de l'autre.

APRÈS LA GROSSESSE

Si l'accouchement par voie basse est possible dans certains cas pour une naissance de jumeaux, la césarienne devient systématique pour des triplés. Après la naissance, même si tout s'est médicalement bien passé, les parents sont confrontés à certaines difficultés logistiques, mais aussi psychologiques. On dénombre chez ces couples trois fois plus de dépressions maternelles cinq ans après l'accouchement que chez les mères d'enfant unique... et un nombre plus élevé de divorces.

Il est essentiel d'entourer ces femmes et de leur proposer une aide familiale, une écoute, un soutien psychologique, ou encore de les mettre en contact avec une association de parents d'enfants multiples afin qu'elles puissent partager leurs expériences.