Les infirmières, ces oiseaux migrateurs... - L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003

 

INTERNATIONAL

Actualités

Les résultats d'une enquête internationale sur les flux migratoires infirmiers, réalisée sous l'égide de l'OMS, du CII (Conseil international des infirmières) et du RCN (Royal College of Nursing)(1) confirme ce que l'on savait déjà : les infirmières ont la bougeotte, surtout les Philippines !

Les flux migratoires infirmiers se sont renforcés à un niveau international. Cette tendance de fond est étroitement liée au problème de la pénurie de personnel infirmier que connaissent les pays industrialisés, et qui s'est aggravée depuis la deuxième moitié des années 90. L'augmentation de la demande de soins, le vieillissement de la population infirmière et la moindre attractivité de la profession par rapport à l'émergence de nouvelles carrières, sont les principaux facteurs explicatifs de la pénurie structurelle que connaissent certains pays. Dans ce contexte, le recrutement international est apparu comme une solution, au moins à court terme, pour gérer la pénurie. Le problème est cependant plus complexe. Les flux migratoires partant de pays en voie de développement (PVD) vers des pays industrialisés peuvent déstabiliser les structures de soins du pays d'origine...

De manière générale, les flux migratoires internationaux ont doublé entre 1965 et 2000. Récemment, cette tendance s'est accompagnée de la fuite des cerveaux et des travailleurs qualifiés. L'augmentation de la migration féminine ne pouvait manquer également de toucher la population infirmière.

Informations lacunaires.

La lutte contre ce problème d'envergure se heurte à plusieurs écueils. Le premier, et non le moindre, est le manque d'informations et de données sur les flux migratoires infirmiers internationaux. Les politiques suivies dans les pays sont donc souvent « aveugles » puisqu'il n'existe pas à ce jour de moyen de comptabiliser de manière sûre les flux entrants et sortants d'infirmières à un niveau mondial. Il serait intéressant de pouvoir catégoriser la nature des flux migratoires - temporaires ou définitifs - que connaissent les différents pays pris en compte dans l'étude. Hélas, une telle évaluation est à ce jour très difficile à établir.

Manque d'anticipation.

Le deuxième frein concerne l'absence de prise en compte des raisons structurelles de la pénurie infirmière. Les principaux facteurs cités sont le manque d'anticipation des fluctuations de la population infirmière en activité, le peu d'attractivité des salaires et des évolutions de carrière, et enfin les départs à la retraite anticipée. Les politiques pourraient évaluer l'incidence de chacun de ces facteurs et les prendre en considération dans les recommandations faites à un niveau national.

Ces flux migratoires devraient persister tant que le déséquilibre structurel de la main d'oeuvre infirmière existera entre les pays. Les principaux facteurs motivant l'immigration sont la recherche d'un emploi qualifié et mieux rémunéré que dans le pays d'origine. Il existe cependant des barrières à l'immigration infirmière : la langue et le manque de reconnaissance des compétences et du diplôme du pays de provenance.

Flux compensatoires.

Le recrutement d'infirmières à l'international ne peut constituer une solution en soi au problème de la pénurie mondiale de personnel infirmier. Le développement de plans de ressources humaines est incontournable pour mettre en place des politiques de gestion du personnel adaptées sur un long terme. Ces plans devraient permettre de prévoir et prévenir les pénuries de main d'oeuvre infirmière. Le manque d'une systématisation d'un plan de gestion des ressources humaines constitue une perte dans nombre de pays développés et en voie de développement.

De plus, les pays qui n'ont pas réussi à former assez d'infirmières et à les garder en exercice doivent engager une réelle dynamique de changement pour que pénurie et flux migratoires puissent se résorber. Trois options sont possibles. La première est de soutenir une politique de salaires plus attractifs, de meilleures conditions de travail et de prestige du métier d'infirmière dans leur pays. La deuxième est d'encourager et de faciliter les flux bilatéraux entre deux pays. La troisième serait d'instituer des flux compensatoires du pays receveur au pays de départ. Ces compensations pourraient être financières ou porter sur la formation des personnels migrants.

1- L'étude porte sur les flux migratoires infirmiers entre l'Australie, l'Irlande, la Norvège, la Grande-Bretagne, et les États-Unis.

TENDANCE

Pourquoi immigrer ?

Une partie importante du personnel travaillant dans la santé est sous-payé, dispose de ressources inappropriées pour remplir ses fonctions, connaît des surcharges de travail et doit parfois faire face à la menace de la violence. Ce type de situations est plus courant dans les pays en voie de développement.

Enfin, il ne faut pas négliger le rôle stimulant que peuvent avoir les agences de recrutement dans le processus de recrutement international d'infirmières.

AUSTRALIE

Une tentative de recrutement « éthique »

L'Australie a mis en place un système de reconnaissance de compétences avec quelques pays anglophones (le Canada, Hong-Kong, l'Irlande, Singapour, l'Afrique du Sud, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Zimbabwe). Les sources de comptabilisation de l'émigration infirmière étant diverses, il est difficile d'avoir une base de données unique et fiable. Le Conseil australien des infirmières a publié un document sur le recrutement éthique dont les piliers sont, entre autres, la transparence, l'équité et les bénéfices réciproques des pays « exportateurs » d'infirmières.

IRLANDE

Les migrants augmentent

L'Irlande a un système unique permettant de répertorier les infirmières. Depuis quelques années, le flux migratoire infirmier provenant des Philippines, de Grande-Bretagne, d'Afrique du Sud et d'Inde a augmenté. Le gouvernement irlandais a publié un guide pour le recrutement international.

NORVÈGE

Ces chers voisins...

La Norvège possède aussi un système unique pour répertorier les infirmières. La majorité du flux migratoire provient des autres pays scandinaves (Suède, Danemark, Finlande) et d'Allemagne. Récemment, une partie du recrutement international provenait des Philippines et de la Pologne. L'association des infirmières norvégiennes pratique une politique forte sur l'éthique et le recrutement international.

GRANDE-BRETAGNE

Un vivier hors d'Europe

La Grande-Bretagne souffre d'une pénurie infirmière depuis déjà quelques années. Le gouvernement a réagi en fixant de nouveaux objectifs de personnel infirmier : 35 000 infirmières devraient être embauchées d'ici 2008. Cette nouvelle politique a induit des accords intergouvernementaux, notamment avec l'Espagne, l'Inde et les Philippines. Récemment, on note une augmentation plus importante du recrutement infirmier en provenance des Philippines, de l'Australie, de l'Afrique du Sud et de l'Inde que des pays européens. Le secteur public suit un code éthique de recrutement international depuis 1999.

ÉTATS-UNIS

Forte pénurie

Les États-Unis connaissent le même type de situation que la Grande-Bretagne : selon une étude datant de 2002, la pénurie d'infirmières enregistrée officiellement est évaluée à 111 000 et devrait atteindre 800 000 en 2020.

PHILIPPINES

Exilez-vous !

Les Philippines sont devenus un pays largement « exportateur » d'infirmières. Une politique encourageant les infirmières à partir travailler à l'étranger et à renvoyer une partie de leur salaire dans leur pays est en partie responsable de cette tendance. Une récente estimation évalue à 85 % le nombre d'infirmières des Philippines travaillant à l'étranger.