Quels sont les actes ou soins d'urgence qu'une infirmière peut dispenser, alors qu'elle se retrouve toute seule dans un service, et dans quelles conditions au regard de notre décret de compétence ? - L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 185 du 01/09/2003

 

Notre expert vous répond...

Juridique

Traditionnellement, les textes et la jurisprudence définissent comme urgent « l'acte qui, s'il n'est pas réalisé dans les meilleurs délais, ferait perdre au patient une chance de survivre ou de guérir ».

Les devoirs déontologiques de l'infirmière comportent l'obligation de porter ou de provoquer un secours à toute personne en péril. En effet, et dans ce cas seulement, l'infirmière sera tenue de dispenser les actes d'urgence et de sauvegarde qu'elle connaît, même si ces actes ne rentrent pas dans sa spécialité ou sont sans rapport avec ses attributions. Ne pas agir, face à une situation d'urgence, exposerait l'infirmière à des sanctions pénales pour non-assistance à personne en péril. L'infirmière prendra alors soin de tout consigner dans le dossier de soins : notamment heure et numéro de téléphone du médecin appelé en préférant le standard à la ligne directe.

PROTOCOLES D'URGENCE

L'article 13 du décret de février 2002 prévoit qu'en l'absence d'un médecin, l'infirmière est habilitée, après avoir reconnu une situation comme relevant de l'urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en oeuvre des protocoles de soins d'urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Rappelons qu'un protocole médical constitue une forme de prescription, c'est-à-dire qu'il répond aux mêmes conditions d'écrit, de date et de signature. Dans ce cas, l'infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu'à l'intervention d'un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l'objet de sa part d'un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient. En cas d'urgence mais en l'absence de protocole, l'infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Elle doit alors prendre toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état.

OBLIGATION JURIDIQUE

L'obligation déontologique, en matière d'urgence, constitue aussi une obligation juridique générale s'appliquant à quiconque qui risque, en s'abstenant volontairement de porter secours à personne en péril, de voir sa responsabilité pénale engagée.

Cette obligation s'applique encore plus particulièrement aux infirmières, qui de par leurs compétences, sont plus aptes que quiconque à porter assistance, à secourir une personne en danger. Les tribunaux se montrent ainsi très sévères à leur encontre, vis-à-vis de tout manquement volontaire à l'obligation morale de soins et de surveillance. Et c'est sur la base du délit de non-assistance (après celui d'atteintes involontaires à l'intégrité corporelle) que les procès en responsabilité sont les plus fréquents.

Dans le délit de non-assistance (articles L. 223-6 et 223-7 du Code pénal), l'élément moral de l'infraction est prépondérant. Il s'agit d'un comportement personnel volontaire. La loi punit celui qui s'abstient consciemment, en toute connaissance de cause. C'est à travers cet élément moral que l'erreur d'appréciation peut être fatale pour l'infirmière. Avant de refuser de répondre à l'appel d'un malade, elle doit se demander s'il y a vraiment péril imminent, c'est-à-dire urgence, et si le soin réclamé relève bien de sa compétence. Pour cela, il convient d'avoir un maximum de renseignements sur le péril qui menace le malade, ce qui n'est pas toujours possible.

La règle de prudence est l'intervention immédiate. Et même si l'assistance fournie par l'infirmière se révèle inefficace ou inadéquate, sa responsabilité ne saurait être engagée, sauf faute grave de sa part dans la dispense des soins. Le péril doit être réel et certain, et il doit s'agir d'une menace pour la vie, la santé ou l'intégrité corporelle d'une personne et non ses biens. Peu importe la cause ou l'origine du péril : même si par exemple, la personne en péril est à l'origine de son état (c'est le cas de la tentative de suicide), l'infirmière doit lui porter secours. L'assistance doit être possible et réalisée soit par une action sur place, soit à distance, en provoquant les secours nécessaires lorsque le déplacement n'est pas possible. Enfin, l'infirmière doit pouvoir agir en l'absence de tout risque réel pour elle ou pour des tiers. L'abstention de l'infirmière de porter secours ne saurait être punissable que si elle est injustifiée. Le refus d'une infirmière de se rendre au chevet d'un malade parce qu'elle est simplement « fatiguée » est injustifié ; pas celui de l'infirmière gravement malade, dont le déplacement lui ferait courir un risque important. Reste la situation délicate de l'infirmière sollicitée par deux malades « en péril », au même moment. Elle devra être capable de procéder à une évaluation rapide des deux situations afin d'intervenir en priorité dans la situation qu'elle aura jugée la plus périlleuse.

Rappelons enfin que la possibilité offerte par les textes aux infirmières d'un dépassement exceptionnel de compétences ne concerne évidemment que les situations d'urgence.

L'infirmière qui appliquerait, de manière habituelle et sans que l'urgence le justifie, des actes dépassant sa compétence, même sur prescription, s'exposerait à des sanctions pour exercice illégal de la médecine, en cas de faute à l'origine d'un dommage par exemple.

Les pressions hiérarchiques peuvent parfois inciter l'infirmière à un dépassement systématique des compétences. Mieux vaut alors exprimer son refus, ou tout au moins ses réserves, par écrit, afin de se prémunir en cas de litige.

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