L'ulcère artériel - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Pathologie

Conduites a tenir

L'ulcère de jambe est fréquent (1 à 2 % de la population). Il s'agit d'ulcère artériel dans 30 % des cas. Sa prévalence augmente avec l'âge. Le traitement de l'ulcère vise, entre autres, à diriger sa cicatrisation et à prévenir la survenue d'une infection.

DÉFINITION

Il s'agit d'une perte de substance de la peau, sous forme de plaie qui ne cicatrise pas normalement et à évolution chronique, en raison d'une anoxie tissulaire liée à une insuffisance artérielle. L'ulcère artériel peut être associé à une insuffisance veineuse (ulcère mixte).

MANIFESTATIONS

L'ulcère artériel se situe généralement dans des zones peu vascularisées (orteils) ou soumises à des traumatismes (milieu de la jambe, talon).

Il s'agit d'une plaie petite et profonde, à l'emporte-pièce, aux bords nécrotiques. Il est très douloureux, et souvent multiple. La peau qui l'entoure est pâle, atone, sèche ou au contraire érythémateuse, cyanosée par hyperhémie réactionnelle. Les signes cliniques habituels de l'artérite l'accompagnent : claudication intermittente, douleurs de décubitus qui empêchent le repos et obligent les jambes à adopter une position pendante. Non soigné, il évolue vers la surinfection et/ou la gangrène, dont les conséquences peuvent aller jusqu'à l'amputation.

ÉTIOLOGIE

L'insuffisance artérielle (artériopathie des membres inférieurs) est responsable d'une anoxie cutanée et la fragilité associée de la peau (traumatisme, vieillissement) conduit à l'ulcère artériel.

Les facteurs de risque sont l'hypertension artérielle (HTA), l'hyperlipidémie, le diabète, l'hyperuricémie, l'obésité, la sédentarité et le tabagisme. Les complications sont favorisées par un traitement inadéquat, l'existence d'une autre affection, l'anémie et la dénutrition.

OBJECTIFS

Les soins de l'ulcère artériel ont pour but d'assurer une détersion efficace de la plaie, de diriger sa cicatrisation, et de prévenir la survenue d'une infection. Simultanément, il convient de traiter la douleur, les maladies causales et la dénutrition éventuelle.

ACTIONS

Diagnostic de l'ulcère. Il est habituellement accessible au simple examen clinique.

Explorations paracliniques. Elles confortent le diagnostic d'artériopathie décompensée et recherchent les cofacteurs pathogènes, quantifient le déficit artériel (mesure distale de pression artérielle systolique, etc.).

Soins de la plaie. Son nettoyage s'effectue avec de l'eau du robinet, avec ou sans savon, de l'eau stérile ou du sérum physiologique. La colonisation de la plaie par des germes est un phénomène physiologique qu'il faut respecter. L'utilisation systématique d'antiseptique doit donc être évitée car elle risque de provoquer une sélection des germes résistants. Les antiseptiques peuvent aussi être responsables de dermite de contact, voire de cytotoxicité.

Le traitement repose sur le schéma classique détersion-granulation-réépithélialisation. Le pansement idéal assure les conditions favorables pour la plaie d'humidité, de température, de PO2, de pH et de limitation de la croissance bactérienne. Son choix dépend du stade de la plaie, de sa localisation, de sa taille, de sa profondeur, de l'aspect de la peau périlésionnelle :

- hydrocolloïdes : plaie spontanément humide, à tous les stades de la cicatrisation, en application directe, avec un débord de 2 à 3 cm sur la peau saine, changement au bout de quelques jours, voire une semaine, contre-indiqués sur ulcère infecté ;

- alginates : ulcère exsudatif, infecté, hémorragique, à tous les stades de la cicatrisation, en dehors de la nécrose sèche ; éventuellement recouvrable d'un film de polyuréthane ;

- hydrofibres : à tous les stades de l'ulcère exsudatif, sans pansement occlusif en cas de surinfection de la plaie ;

- hydrocellullaires : ulcère exsudatif en partie détergé ;

- hydrogels : ulcère sec (pas de pouvoir absorbant) ;

- interfaces : en fin de cicatrisation ou dans les plaies peu exsudatives, nécessitent un pansement secondaire ;

- films de polyuréthane : au stade d'épidermisation ou comme pansement secondaire, permettent un contrôle visuel ;

- pansements d'acide hyaluronique : ulcère bourgeonnant, peuvent être associés aux alginates ;

- charbons : en phase de détersion des plaies infectées ou nauséabondes. En cas de peau périlésionnelle sèche, on peut utiliser un émollient type cold cream.

Douleurs. On débute par un antalgique du palier 1 (paracétamol seul) ou d'emblée en palier 2 avec l'association paracétamol/dextropropoxyphène ou paracétamol/codéine. Le tramadol peut être administré (adapter la posologie en fonction de la clairance de la créatinine). Il faut anticiper toute douleur à la réfection du pansement, notamment en phase de détersion.

Si la douleur persiste, au moment du pansement ou en continu, on envisage un palier 3 de type morphinique en prévenant les effets secondaires comme la constipation (+ laxatifs). L'association à des douleurs de désafférentation est fréquente. Elle est soulagée par des psychotropes de type Laroxyl®.

L'Emla® peut être utilisée ponctuellement pour la détersion, appliquée une demi-heure à trois quarts d'heure avant le geste.

Traitements des facteurs de risque. Il est important de procéder au sevrage tabagique, de traiter les facteurs de risque et d'aggravation : HTA, diabète, anomalies lipidiques, hypertension artérielle. Il faut aussi lutter contre la dénutrition : supplémentation hypercalorique et/ou hyperprotidique.