La police à votre service - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Horizons

Des policiers mobilisables 24 heures sur 24, un responsable de sécurité embauché... L'hôpital Louise-Michel d'Évry, gangrené par la violence, joue la carte sécuritaire. Et prouve que la présence policière, avant tout préventive, n'est pas incompatible avec le respect du patient.

Des familles très nombreuses se réunissaient en maternité et refusaient de quitter le service aux heures réglementaires, n'hésitant pas à prendre les équipes de soins à partie lorsqu'elles insistaient. Des jeunes squattaient le hall et la cafétéria à n'importe quelle heure et sans respect des autres personnes. Des bandes rivales, dont certains membres étaient soignés aux urgences à la suite de rixes, terminaient de régler leurs comptes dans la salle d'attente du service.

De l'incivisme au désordre ou à la peur et la violence caractérisée, du simple incident à l'accident, un climat général d'insécurité régnait au centre hospitalier sud-francilien Louise-Michel d'Évry, jusqu'à ce que la police et les équipes de soins y instituent un partenariat original et efficace. « Le centre hospitalier est au coeur de la cité et sa structure même en fait un lieu de passage, explique Didier Mazoyer, commissaire principal d'Évry. On y retrouvait une nombreuse population désoeuvrée venant des quartiers difficiles adjacents comme Le Canal ou Les Pyramides. » Il y a deux ans, à son arrivée, le nombre des interventions policières dans l'établissement conduit la direction des soins à envisager avec lui la mise en place d'un nouveau mode de fonctionnement.

« Vous ne nous dérangez jamais ! »

« Nous avons défini ensemble les rondes nécessaires dans les services "chauds", présenté les équipes policières à nos propres équipes et instauré un système de communication simplifié en cas d'urgence », note Henriette Lair, coordinatrice générale des soins. « Nous avons pu échanger de manière très constructive avec les responsables de soins des différents services sur les contraintes de nos métiers respectifs, confirme Didier Mazoyer. De cette façon, les hospitaliers comprennent que nous ne nous déplaçons pas forcément pour un vol de sac à main dans un service mais que nous serons immédiatement en mouvement si un individu dangereux ou armé entre dans l'hôpital. »

L'expérience menée depuis deux ans au centre hospitalier sud-francilien Louise-Michel d'Évry prouve qu'il est parfaitement possible d'établir des relations de partenariat avec la police de proximité sans, pour autant, mettre en péril le secret professionnel ou le respect du patient. Au contraire. Des procédures formalisées et écrites ont également été mises en place avec la participation du parquet et des équipes afin de guider le comportement du personnel.

« Le message essentiel que nous avons voulu faire passer est : "vous ne nous dérangez jamais", ajoute le commissaire principal, également attentif à corriger les éventuels malentendus qui peuvent survenir entre les deux institutions. Des petits accrocs surviennent parfois. Récemment, par exemple, la jeune fille qui était au filtrage de nuit a refusé l'accès à notre patrouille. Les agents ont simplement signalé l'incident et nous avons pu en parler sans tension avec le directeur de soins qui a corrigé le tir. »

Respect mutuel.

Henriette Lair y voit une preuve supplémentaire du respect mutuel instauré par la mise en place de cette collaboration. Autre caractéristique de l'établissement, sa fonction d'accueil permanente d'un nombre important de détenus du centre pénitentiaire Fleury-Mérogis. « D'ailleurs, de nombreuses infirmières de l'hôpital ont été amenées à travailler à la prison à un moment ou un autre, indique Henriette Lair. Elles portent donc un regard différent du reste de la population sur ces malades un peu particuliers. » Cependant, tant pour la police qui doit déployer des moyens importants, que pour les autres patients, leurs familles et le personnel, la présence de ces détenus est parfois une source de tension.

Les détenus à l'écart.

« Il faut deux agents en permanence auprès d'un détenu hospitalisé. Il s'agit parfois de personnes dangereuses, de terroristes ou de criminels », remarque le commissaire principal. Une situation peu propice à la sérénité des services, on le comprendra aisément. Il a donc été prévu de créer, en partenariat, une nouvelle aile pour accueillir spécifiquement les détenus en attente de soins, en observation simple ou en post-soins. « Évidemment, les personnes en soins lourds ou nécessitant un plateau technique resteront dans les services, précise la coordinatrice générale des soins. Il n'est pas question de soins au rabais mais d'une organisation spécifique adaptée aux cas. » Sans compter que, comme l'observe Pascale Picaud, cadre de santé du service des urgences qui a travaillé plusieurs années au centre pénitentiaire, « c'est souvent très difficile de trouver un lit pour un détenu. Grâce à ce nouveau système, on peut penser qu'ils seront plus facilement transférés en milieu hospitalier quand ils en auront besoin ».

Peu d'interpellations dans l'établissement.

« Nous procédons à très peu d'interpellations à la suite de nos interventions dans l'établissement. Il s'agit surtout de rétablir le calme », note Didier Mazoyer.

Un partenariat au long terme qui semble fonctionner, aux dires de tous les protagonistes interrogés. Parmi eux, Pascale Picaud, qui travaille à Louise-Michel depuis vingt ans : « Nous n'avons pas eu à appeler la police depuis que je suis aux urgences. Mais nous savons que, quoi qu'il arrive, ils apporteront la réponse adaptée à notre problème, affirme-t-elle sans hésitation. De nombreux progrès ont été faits pour la sécurité du personnel hospitalier ces dernières années. » Parmi les autres actions engagées, la modification architecturale du service dont elle a la responsabilité, a engendré également une amélioration notable du climat.

Responsable de sécurité.

« Précédemment, tout le monde se retrouvait dans une grande salle d'attente centrale. Nous avions à subir des invectives, la présence de très nombreux accompagnants, des réactions d'impatience parfois violentes. Depuis le mois de mai, l'accueil se fait à l'entrée du service par une infirmière et une aide-soignante. Nous avons une salle pour les patients et une autre pour les familles et nous n'acceptons d'accompagnants que dans des cas bien particuliers. »

« Le dispositif général a été complété depuis six mois par l'embauche d'un responsable de sécurité qui sait, avec son équipe, allier un grand professionnalisme à un vrai sens de la discrétion et du tact », ajoute Martine Schachtel, cadre supérieur de santé à la direction des soins de l'établissement, et auteur de plusieurs ouvrages sur le malaise en prison. « Tout n'est pas toujours rose, mais nous estimons avoir énormément progressé pour que chacun trouve à l'hôpital la sérénité nécessaire aux soins », conclut Henriette Lair.

En porte-à-faux

Un rapport présenté en 2002 par le docteur Jacques Lebas à la demande du gouvernement de l'époque traduit les inquiétudes des professionnels de santé travaillant dans certains « quartiers devenus répulsifs » : « Ayant pour mission de prendre en charge la santé de la population et pour rôle de la soigner, les professionnels de santé confrontés à des situations de violence se trouvent en porte-à-faux vis-à-vis de leur propre exercice dans la mesure où ils sont face à la violence de personnes dont ils peuvent être amenés à s'occuper en tant que soignants. »

Pour en savoir plus sur Internet : http://www.ville.gouv.fr/pdf/editions/sante.pdf

POLICE DE PROXIMITÉ

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La rousse, poulaga, la maison poulemane, la maison parapluie, la flicaille, la poulaille, la renifle, les emballeurs, les poulets, les bignolons, les flics, les keufs... Lorsqu'il s'agit de mots doux pour qualifier les représentants des forces de l'ordre, le français n'est pas en reste. Les expériences comme celle du centre hospitalier sud-francilien prouvent que l'hostilité naît souvent de la méconnaissance. C'est une des raisons qui avaient présidé à la mise en place de la « police de proximité » à partir de 1999 sur tout le territoire. Sur le site Internet du ministère de l'Intérieur(1), on trouve les missions principales de ces équipes destinées à être des « interlocuteurs privilégiés » de la population, particulièrement attentives à leurs objectifs de prévention autant que de dissuasion ou de répression, si nécessaire.

1- http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/b/b1_votre_secu/pol_prox