La réduction embryonnaire - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Obstétrique

Conduites a tenir

La réduction embryonnaire est l'avortement sélectif de certains embryons en cas de grossesse multiple, afin d'améliorer le pronostic des embryons restants. Cette technique « du moindre mal » doit se placer dans un cadre préventif et ne constitue pas une fin en soi.

PROBLÉMATIQUE

Le principal pourvoyeur de grossesses triples et plus est l'aide médicale à la procréation. Depuis quelques années déjà, les équipes pluridisciplinaires sont sensibilisées à ce problème et une véritable politique de prévention est mise en place. Le nombre d'embryons replacés après Fiv (fécondation in vitro) est aujourd'hui strictement limité dans la plupart des centres.

Les stimulations ovariennes sont davantage contrôlées et régulées. Néanmoins, si l'on peut diminuer le taux de grossesses multiples, il reste bien plus élevé que pour les grossesses spontanées.

Le pronostic des grossesses triples et plus, est marqué par un taux de prématurité évalué à près de 90 %, avec une mortalité périnatale autour de 8 %, ainsi que des handicaps séquellaires parfois très lourds, notamment en cas de grande prématurité. Ces chiffres sont encore plus dramatiques si l'on s'intéresse aux grossesses quadruples et plus, avec une mortalité périnatale avoisinant les 30 %, et des séquelles psychomotrices encore plus fréquentes.

Les risques de complications maternelles lors de ces grossesses multiples sont également notables : rupture utérine, hémorragie cataclysmique, complication cardiovasculaire... Certains éléments contre-indiquent la poursuite d'une grossesse multiple : malformation utérine, utérus cicatriciel, béance cervico-isthmique.

Les répercussions parentales, enfin, sont aussi très importantes, puisqu'on évalue à 50 % le taux de dépression maternelle dans les mois et les années suivant un accouchement de triplés et plus, ainsi qu'une très nette augmentation des divorces.

ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE

La réduction embryonnaire est généralement envisagée en cas de grossesse multiple d'un rang supérieur à trois. Son but est d'améliorer le pronostic des embryons restants, en provoquant l'avortement sélectif des embryons surnuméraires.

Il faudra tenir compte des bénéfices/ risques selon le contexte médical, familial, socioéconomique, religieux, ainsi que l'histoire du couple. La décision est forcément difficile à prendre. Proposée par une équipe pluridisciplinaire compétente, elle est douloureuse psychologiquement pour le couple, particulièrement dans un contexte d'infertilité, d'autant plus que le risque de fausse couche lié à l'acte est non négligeable, et toujours dramatique.

Une prise en charge adaptée, un accompagnement psychologique, une information objective, un temps de réflexion, et un consentement éclairé, écrit et signé, constituent les précautions indispensables à ce geste.

TECHNIQUE

Une échographie préalable et approfondie devra déterminer, en fonction d'éventuelles anomalies morphologiques existantes ou de problème d'accessibilité, quels seront le ou les embryons à lyser.

Les techniques opératoires décrites sont effectuées sous contrôle échographique en respectant une asepsie rigoureuse.

Il existe deux voies d'abord possibles.

La technique transcervicale. Avant dix semaines d'aménorrhée, par aspiration ou suppression du ou des embryons les plus bas situés.

La technique transabdominale. Entre 8 et 12 semaines d'aménorrhée, par injection intracardiaque (chlorure de sodium +/- hypnotique) jusqu'à l'arrêt complet de l'activité cardiaque du ou des embryons concernés.

Un traitement antibiotique, ainsi que des progestatifs +/- des tocolytiques seront prescrits à la patiente, ainsi que le repos afin de diminuer autant que possible le risque de fausse couche induit par le geste. Une échographie de contrôle 24 heures après confirmera l'arrêt de l'activité cardiaque chez les embryons lysés, qui involueront alors spontanément. Elle permettra aussi de vérifier la bonne évolution de la grossesse pour le ou les embryons restants.

PRÉVENTION

Face aux difficultés de ce geste, le véritable travail de prévention doit être le contrôle rigoureux des inductions de l'ovulation et des pratiques d'AMP (aide médicale à la procréation).

Les dérives thérapeutiques visant à réimplanter un nombre trop important d'embryons afin de multiplier les chances de grossesse doivent être strictement proscrites. Mais surtout, les traitements médicamenteux de stimulation ovarienne doivent absolument être contrôlés et arrêtés en cas de réponse massive.

PROBLÈMES JURIDIQUE ET ÉTHIQUE

Il existe aujourd'hui un vide juridique par rapport à la réduction embryonnaire. Ce n'est pas un avortement à proprement parler, puisque son but n'est pas l'arrêt de la grossesse. Néanmoins, il paraît souhaitable d'encadrer juridiquement ce geste tant pour protéger les professionnels de possibles recours que les patients d'éventuelles dérives. Il n'existe pas de consensus vis-à-vis du nombre d'embryons à laisser en place, et les attitudes thérapeutiques des différents centres seraient sans doute à harmoniser.

Éthiquement, cet ultime recours ne doit en aucun cas se substituer aux efforts de prévention visant à limiter au maximum les grossesses multiples. Enfin, entre acte de vie et acte de mort, il faut souligner la difficulté éthique soulevée par ce geste donnant la mort pour tenter de protéger la vie.