Le dépôt de plainte - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Juridique

Les actes de violence contre les professionnels de santé sont plus lourdement condamnés depuis 2003. Une simple « menace de commettre un crime ou un délit » est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Jusqu'en 2002, en cas d'actes de violence ou d'agressivité à l'encontre du personnel infirmier, la qualité de professionnel de santé n'intervenait pas dans la détermination de la peine encourue. Seule la qualité de « personne chargée d'une mission de service public », c'est-à-dire intéressant les agents hospitaliers ou de certaines cliniques privées, pouvait être retenue par les juges et conduire à un durcissement de la peine. Cette lacune a été comblée en 2003. Le nouvel article 433-3 du Code pénal prévoit, notamment en matière de menaces, des peines plus lourdes lorsque les victimes ont la qualité de « professionnels de santé » et que cette qualité est « apparente ou connue de l'auteur ». En l'occurrence, les « menaces de commettre un crime ou un délit » à l'encontre d'un professionnel de santé, sont passibles de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende « lorsqu'il s'agit d'une menace de mort ou d'atteinte aux biens, dangereuse pour les personnes ». Enfin, les peines sont encore alourdies lorsque « la menace », « la violence », ou encore « l'acte d'intimidation » sont destinés à obtenir un acte ou un avantage directement liés à la fonction du « professionnel de santé » : délivrance ou injection d'un produit sous la contrainte, par exemple. Porter plainte consiste à engager des poursuites pénales afin que le responsable soit sanctionné par une peine d'amende (au profit de la société), voire de prison. La plainte peut être déposée dans n'importe quel commissariat ou gendarmerie. Elle peut aussi être directement adressée, par courrier recommandé, au parquet près du tribunal de grande instance. La plainte peut viser précisément l'auteur des faits ou un suspect possible. Néanmoins, il s'agit d'une plainte simple, c'est-à-dire sans constitution de partie civile, et rien n'oblige alors les autorités judiciaires à engager des poursuites si la gravité des faits est jugée relative.

PARTIE CIVILE

Avant tout, rappelons que l'établissement employeur de l'agent agressé ne saurait empêcher ce dernier d'engager des poursuites. Déposer plainte est un droit réservé à tout citoyen. La répression d'un acte contraire à la loi pénale est exercée au nom de la société par le ministère public, en la personne du procureur de la République. Il s'agit de l'action « publique ». Mais l'infirmière victime de violences, quelles qu'elles soient, doit pouvoir faire valoir son préjudice et en obtenir réparation. La constitution de partie civile n'est possible qu'au tribunal, jamais au commissariat.

C'est la victime qui doit chiffrer son préjudice avant d'en demander la réparation au juge saisi de l'action pénale. Le juge apprécie alors les demandes de l'infirmière victime de l'agression et fixe souverainement le montant des dommages et intérêts. Il conviendra alors pour l'infirmière de rassembler le maximum de preuves. À la demande du juge ou de la victime, un expert peut être désigné pour évaluer le préjudice, notamment lorsqu'il s'agit d'un préjudice corporel. En pareil cas, le juge peut même condamner l'auteur de l'infraction sur un plan pénal, en lui infligeant une peine, et différer sa décision relative au préjudice. L'expert peut aussi apprécier l'évolution de l'état de santé de la victime.

BUREAUX D'AIDE

Si l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire lorsqu'on se constitue partie civile, il n'est pas toujours aisé de chiffrer son préjudice et de s'orienter dans le labyrinthe des tribunaux et procédures. Auprès de chaque tribunal de grande instance, il existe des bureaux d'aide aux victimes. De manière bénévole, leur rôle consiste à aider les victimes d'infractions à préparer leur dossier, à chiffrer précisément le montant des dommages-intérêts réclamés. Si l'auteur des dommages est insolvable, on peut être indemnisé par la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi). Il existe une Civi dans chaque tribunal de grande instance. En cas d'atteinte à la personne, le préjudice est en principe intégralement indemnisé (préjudices corporel, professionnel, moral et économique). Néanmoins, la victime doit avoir des ressources modestes et justifier de la gravité de son préjudice. L'indemnité accordée par la Civi est limitée à la réparation des préjudices matériels et ne saurait dépasser 3 660 euros. Rappelons que l'hôpital est tenu d'organiser une protection spécifique de ses agents contre les agressions physiques ou verbales(1).

1- Cf. L'Infirmière magazine, n° 182, mai 2003, p. 50.

Et si le patient agressif est pénalement irresponsable ?

L'irresponsabilité pénale n'implique pas automatiquement l'absence de réparation civile. Si, d'un point de vue pénal, les personnes ayant commis une infraction alors qu'elles étaient atteintes d'un trouble psychique ayant aboli leur discernement, ne peuvent être condamnées (article 122-1 du Code pénal), elles restent en revanche responsables sur le plan civil (article 489-2 du Code civil) et tenues à réparation du dommage causé. Se constituer partie civile après avoir été victime de violences de la part d'un malade atteint de troubles mentaux, voire d'un malade sous tutelle, n'est pas dénué d'intérêts si le préjudice subi est important, et que le majeur incapable dispose de ressources.

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