Les urgences du diabète - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Cours

La maladie diabétique peut être à l'origine de complications métaboliques aiguës relevant d'une prise en charge en urgence. Des complications qu'il convient de connaître pour favoriser leur prévention et permettre un diagnostic précoce et un traitement efficace.

Conséquences d'un diabète instable et mal équilibré, les complications métaboliques aiguës du diabète peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Qu'elles aient pour origine une hypoglycémie ou une hyperglycémie, elles ont toutes en commun d'atteindre, à leur paroxysme, un état de coma relevant d'une prise en charge spécialisée en urgence.

COMA HYPOGLYCÉMIQUE

L'hypoglycémie (HG) est la complication métabolique aiguë la plus fréquente. Elle survient lorsque la glycémie est inférieure à 0,50 g/l (2,8 mmol/l) et concerne les diabétiques de type 1 (DID traités par insuline) ou de type 2 (DNID traités par sulfamides ou glinides). Toutefois, les accidents hypoglycémiques surviennent beaucoup plus souvent et plus rapidement chez les patients DID. Tant qu'elles restent isolées et modérées, les crises d'HG symptomatiques sont sans conséquence notable. En revanche, leur répétition ou la présence d'une neuropathie végétative peut entraîner un émoussement des symptômes d'alerte neurovégétatifs conduisant à des crises sévères non perçues par le malade pouvant aboutir à des comas répétés. C'est pourquoi la prise en charge des diabétiques doit être accompagnée d'une éducation sur l'HG.

Facteurs déclenchants. L'HG peut être liée chez les patients de type 1 à un surdosage d'insuline ou à une mauvaise technique d'injection responsable de lipodystrophies. Dans ce cas, c'est la résorption sous-cutanée de l'insuline qui est altérée et ralentie, le pic d'action de l'insuline survenant bien après l'absorption intestinale des nutriments. Chez les diabétiques de type 2, elle ne survient qu'en cas de traitement par sulfamides hypoglycémiants et glinides. Dans ce type de diabète comme dans le type 1, le coma hypoglycémique peut être la conséquence d'un effort physique inhabituel, d'une diminution importante et non prévue des apports caloriques, de l'ingestion d'alcool ou de la prise de médicaments perturbant les mécanismes de contre-régulation glycémique. C'est notamment le cas des bêtabloquants non cardiosélectifs. En s'opposant à l'action hyperglycémiante de l'adrénaline, qui intervient pour compenser l'hypoglycémie, ces médicaments masquent les manifestations cliniques de l'HG et peuvent favoriser la survenue d'un malaise, voire d'un coma hypoglycémique. « Dans le type 2, indique le Dr Abderrahmane Bouallouche, diabétologue à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), une autre cause d'HG est le non-respect des contre-indications habituelles telles que l'insuffisance rénale ou hépatocellulaire qui entraînent une accumulation des substances hypoglycémiantes. » « Les causes de l'HG sous sulfamides sont systématiquement abordées avec tous les patients diabétiques de type 2, indique Isabelle Floch, infirmière d'éducation, service de diabétologie du centre hospitalier Yves-Le-Foll à Saint-Brieuc. Nous insistons en particulier sur l'effet hypoglycémiant de l'alcool et leur conseillons d'éviter de prendre leur médicament avant la prise d'un apéritif mais plutôt de prendre l'apéritif en mangeant quelque chose et de prendre ensuite leur médicament au début du repas. Lorsque ces patients redeviennent attentifs à leur alimentation, ils favorisent une meilleure assimilation du sucre par l'organisme qui, associée au traitement initial, peut provoquer des HG. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous leur demandons de contrôler leur glycémie et de répercuter l'information auprès de leur médecin ou de l'équipe éducative qui les suit afin d'ajuster leur traitement. »

Manifestations cliniques. Les signes cliniques de l'HG sont très variés. Ils sont pour l'essentiel l'expression de manifestations adrénergiques. Les autres signes sont la traduction d'une souffrance cérébrale : ralentissement intellectuel, difficultés de concentration, troubles de la vue (diplopie, perte de la vision des couleurs, de la profondeur du champ...), difficultés à parler, troubles de l'équilibre avec démarche « ébrieuse », mouvements anormaux, convulsions, syndrome confusionnel.

Réagir vite. Dès l'apparition des symptômes d'HG, le patient doit contrôler sa glycémie capillaire (GC). Ce test est suffisant pour confirmer le diagnostic. En cas de perte de connaissance, une intervention urgente de l'entourage s'impose.

Prise en charge de l'hypoglycémie. « Lorsqu'il s'agit d'un simple malaise, indique Isabelle Floch, il convient de prendre immédiatement 15 g de sucre simple, soit l'équivalent de trois morceaux de sucre (ou 15 cc de coca, trois cuillères à café de confiture ou trois à quatre tablettes de dextrose). » Ce resucrage (il sera renouvelé après 15 à 20 minutes si les manifestations persistent et si la GC reste < à 0,45 g/l) entraîne généralement la disparition rapide des signes. Il doit être suivi, dès que possible, d'un vrai repas ou d'une collation comportant essentiellement des sucres lents. Le retour à la normoglycémie doit être vérifié 15 minutes après cette prise alimentaire, ce qui permet d'éviter les excès de resucrage. « Lorsque l'HG coïncide avec la prise d'un repas, ajoute Isabelle Floch, nous conseillons aux patients qui présentent des signes cliniques de prendre une dose de sucre rapide avant le repas, et de différer l'injection de la dose normalement prévue soit au milieu, soit à la fin du repas lorsque le patient a totalement récupéré. Lorsque l'HG, objectivée par la GC, ne s'accompagne d'aucun signe, nous conseillons de diminuer la dose d'insuline rapide ou ultra-rapide et de prendre un repas normal pour faire remonter le taux de sucre. Enfin, lorsque l'hypoglycémie survient à distance d'un repas, nous demandons aux patients d'absorber en plus du sucre rapide, un sucre lent (30 g de pain ou une pomme par exemple) pour éviter une rechute de l'HG. Dans les deux cas, une glycémie de contrôle doit être réalisée. » Lorsque le resucrage per os est impossible (perte de connaissance, voire coma), il est indispensable que l'entourage sache réagir. Chaque année, entre 20 et 30 % des diabétiques de type 1 présentent une HG nécessitant l'aide d'une tierce personne, et 10 % un coma hypoglycémique ou une crise comitiale provoquée par l'HG. Il est donc indispensable d'identifier les diabétiques à haut risque d'HG sévère(2) et de les informer, ainsi que leur entourage, de la conduite à tenir dans ce cas.

Si les troubles de la conscience sont modérés, l'injection IM de 1 mg de glucagon (Glucagen®)(3) dans la fesse ou à défaut en SC, suffit généralement à « réveiller » le patient. Il faut donc toujours avoir à disposition du Glucagen® d'avance non périmé dans son réfrigérateur (ou celui de l'infirmerie). Il est important de préciser que si l'on n'a pas les moyens de tester la cause exacte du coma, l'injection de Glucagen® ne risque pas d'aggraver le pronostic, au cas où il s'agirait d'un coma hyperglycémique. En l'absence de réaction après la première injection de Glucagen®, si la GC confirme un coma hypoglycémique, une deuxième injection de 1 mg de Glucagen® peut être administrée au bout de dix minutes. Toutefois, il est important de savoir que le Glucagen® est inefficace lorsque les réserves en glycogène hépatique sont épuisées par l'alcool ou un effort physique intense. Lorsque le coma hypoglycémique est lié à l'utilisation de sulfamides hypoglycémiants ou de glinides, l'injection de Glucagen® permet une élévation momentanée de la glycémie, et un réveil qui peut être suivi d'une récurrence de l'événement hypoglycémique ; l'élévation de la glycémie entraîne en effet une potentialisation de l'action stimulatrice de la substance hypoglycémiante en cause. Lorsqu'une deuxième injection reste inefficace, le transfert du patient à l'hôpital s'impose. Il convient alors de lui administrer une à deux ampoules de sérum glucosé hypertonique à 30 % en IV, relayées par une perfusion de sérum glucosé à 10 %, jusqu'à ce que le patient soit capable de se resucrer per os. Il est en effet nécessaire de poursuivre le resucrage per os (sucre rapide + sucre lent toutes les 30 mn) jusqu'à l'obtention d'une glycémie stable. « En cas de coma lié aux sulfamides hypoglycémiants, il convient de maintenir la perfusion de G 10 % jusqu'à ce que le délai d'action du médicament (environ 24 heures) soit couvert, précise le Dr Bouallouche. Cette précaution permet d'éviter une rechute de l'HG. »

Prévenir la récidive. Une fois la crise jugulée, la mise en évidence du facteur déclenchant est indispensable pour prévenir une récidive. Si la cause du malaise est directement liée à la dose d'insuline précédente, il conviendra d'ajuster la dose correspondante du lendemain à la même heure. En revanche, il ne faut pas diminuer les doses dans les heures qui suivent le malaise hypoglycémique : le resucrage et la contre-régulation hormonale sont souvent responsables d'un rebond hyperglycémique et d'une insulinorésistance prolongée. Si la cause est liée à un effort physique non anticipé, le patient doit diminuer l'injection d'insuline avant l'effort (de 30 à 50 % en fonction de l'intensité et de la durée de l'effort), mais aussi celle qui suit l'effort. Car le muscle continue à « pomper du glucose » pour reconstituer ses stocks en glycogène. En cas d'oubli, ou si l'effort n'a pas été prévu, il convient d'assurer un apport compensatoire en glucides avant et pendant l'effort et/ou de diminuer la dose d'insuline rapide suivante. Lorsque l'HG est consécutive à des troubles nutritionnels, il est indispensable de revenir sur le principe à observer dans ces circonstances : « Si les troubles sont passagers et causés par des excès mais que le patient est en mesure de s'alimenter, indique Isabelle Floch, il conviendra de diminuer l'insuline rapide. En revanche, si les troubles sont consécutifs à une infection et que le patient ne parvient pas à se nourrir, il est indispensable qu'il maintienne ses injections d'insuline lente car l'infection entraîne une élévation du taux de sucre qu'il faut compenser par l'insuline. Quand la situation perdure, l'hospitalisation peut s'imposer pour mettre le patient sous perfusion, voire sous pompe à insuline. » Une fois l'équilibre recouvré, la prévention de l'HG repose sur différents paramètres :

- l'adéquation des doses d'insuline retard qui permettent de jeûner sans provoquer ni hypoglycémie, ni hyperglycémie ;

- l'adaptation des doses d'insuline rapide en fonction de la glycémie instantanée, de l'alimentation et des activités physiques ;

- la gestion des collations glucidiques, notamment lorsqu'il existe une tendance à l'HG préprandiale ou au coucher (glycémie < ou = à 1,60 g/l) ;

- le contrôle glycémique régulier et suivi, clé d'un diabète bien équilibré.

COMA ACIDOCÉTOSIQUE

Beaucoup plus fréquent dans le diabète de type 1 (DT1), le coma acidocétosique peut également émailler l'évolution des diabétiques de type 2 (DT2). Il résulte d'un déficit sévère en insuline qui empêche l'utilisation du glucose par les cellules.

Mécanismes conduisant au coma. Le glucose est le substrat énergétique essentiel des cellules de l'organisme. Ne pouvant plus être assimilé par les cellules, le glucose est déversé dans les urines et provoque une glycosurie. Chaque molécule de glucose filtrée par les reins entraîne alors 18 molécules d'eau, ce qui explique l'importance de la déshydratation associée au coma acidocétosique. Par ailleurs, l'organisme qui ne dispose plus de sa principale source d'énergie glucidique, va utiliser ses importantes réserves en graisses. Le catabolisme de ces graisses est à l'origine des déchets acides (corps cétoniques). Ces corps cétoniques (acide acéto-acétique et hydroxybutyrique) vont s'accumuler dans le sang et entraîner une cétose puis une acidose métabolique (trouble de l'équilibre acidobasique de l'organisme). L'organisme va tenter de limiter l'acidose en favorisant la fuite urinaire des corps cétoniques (cétonurie), ainsi que leur transformation et leur rejet par les poumons sous forme d'acide carbonique. Ce qui explique la polypnée et l'odeur « pomme de reinette » de l'haleine des patients en acidocétose.

Étiologie. « Cette complication est causée par une infection dans 40 % des cas, indique le Dr Bouallouche. Un sous-dosage prolongé en insuline, voire l'arrêt intempestif du traitement, sont aussi fréquemment en cause. De même, une augmentation transitoire des besoins en insuline non anticipée, qu'elle soit consécutive à la grossesse, à des maladies intercurrentes (cardiovasculaires) ou à une exposition à un stress aigu, est souvent à l'origine d'une décompensation acidocétosique. » Dans ces circonstances, les diabétiques ont tendance à adapter leur traitement par rapport au risque d'HG. Ils partent du principe que mangeant moins du fait de la maladie ou du stress, ils doivent réduire leur dose d'insuline pour éviter l'accident hypoglycémique. Cette attitude favorise l'hyperglycémie et la survenue d'une cétose qui elle-même génère des nausées qui entretiennent la dénutrition. Quand le malade réduit, voire cesse le traitement d'insuline, il se retrouve à l'hôpital en état de coma acidocétosique. Dans 20 % des cas, cette complication constitue le mode de révélation du diabète.

Conduite à tenir. Lorsque le diabète est connu, lors de situations à risque, les diabétiques de type 1 doivent impérativement poursuivre leur traitement en surveillant la GC et la glycosurie, tout en contrôlant la cétonurie dès que la glycémie dépasse 3 g/l ou que des symptômes cliniques surviennent. Lorsqu'il existe une cétonurie et une glycosurie importante, il est possible d'éviter la décompensation en injectant en SC des suppléments d'insuline ou d'analogue de l'insuline rapide (5 à 10 UI), associés à une réhydratation per os (eau, bouillon de légumes puis jus de fruits pressés). Les injections doivent être répétées toutes les trois à quatre heures tant que persistent la cétonurie et la glycosurie, ce qui suppose de réaliser à cette même fréquence une GC et un contrôle urinaire. Si la glycosurie est importante et la cétonurie à l'état de trace, il convient de les recontrôler avant de refaire une injection d'insuline. Lorsqu'elles atteignent une croix, on fait en SC 5UI d'insuline rapide (Actrapid®, Umuline® rapide, Insuman® rapide) toutes les quatre heures ou 5UI d'analogue de l'insuline (Lispro®, Aspart®) toutes les trois heures ; au-delà de deux croix, il faut faire 10 UI d'insuline rapide toutes les quatre heures ou 10 UI d'analogue de l'insuline toutes les trois heures. Le même protocole sera reconduit tant que la cétonurie et la glycosurie persistent. Ce qui suppose de s'assurer que les patients dont le traitement habituel ne comprend pas d'insuline rapide, ont en réserve de l'insuline ou un analogue rapide non périmé et qu'ils en connaissent les modalités d'utilisation. Il est aussi nécessaire de leur préciser qu'ils doivent continuer à s'alimenter. En cas de difficultés passagères, il faut boire des jus de fruits sucrés. Si malgré trois ou quatre injections d'insuline rapide, la cétonurie persiste, il est préférable d'en référer au médecin ou de se rendre à l'hôpital. De même, l'hospitalisation s'impose si le patient est sujet à des vomissements qui interdisent toute alimentation.

Prise en charge du coma acidocétosique. Lorsque le coma survient, il est objectivé par une hyperglycémie dépassant le plus souvent 3 g/l (22 mmol/l), une glycosurie massive et une cétonurie signant la décompensation cétosique. Sur le plan biologique, le diagnostic repose sur un pH < 7,3 et un taux de bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/l. S'il est difficile d'effectuer la recherche de cétonurie dans les urines, il est important de savoir qu'il existe aujourd'hui un lecteur permettant de doser avec le même appareil la glycémie et les corps cétoniques à partir d'une gouttelette de sang(4).

Le coma acidocétosique est caractérisé par des signes de déshydratation (peau sèche, pli cutané persistant, chute de tension, sécheresse des muqueuses) et des signes respiratoires qui frappent l'ouïe et l'odorat : polypnée bruyante rapide et ample (> 20 cycles par minutes), odeur acétonique de l'haleine. Il ne s'accompagne d'aucun signe neurologique spécifique. Le pronostic dépend essentiellement du terrain et peut être assombri par des complications (collapsus, insuffisance rénale, troubles du rythme cardiaque, accidents vasculaires) généralement observées chez des patients âgés ou en mauvais état général. En cas de grossesse, il peut entraîner l'avortement spontané ou la mort foetale. La prise en charge repose sur un protocole de réhydratation et de correction ionique (cf. encadré p. V), une insulinothérapie IV à la seringue électrique adaptée à la GC, contrôlée toutes les deux heures, et la mise en place d'une antibiothérapie en cas d'infection. Elle doit être systématiquement associée à un traitement anticoagulant préventif des thromboses veineuses et de l'embolie pulmonaire par HBPM en SC.

COMA HYPEROSMOLAIRE

Le coma hyperosmolaire survient principalement chez les sujets âgés DNID ayant une fonction rénale déficiente et traités par antidiabétiques oraux. Son développement est progressif et s'accompagne de signes généraux (fièvre, polyurie), de troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs), d'une déshydratation massive et de signes neurologiques parfois au premier plan (convulsions, aphasie, hémiplégie). C'est un coma grave associé à une importante mortalité. Les infections virales fébriles, la prise de médicaments s'opposant à l'action de l'insuline (corticoïdes) ou aggravant l'IR (diurétiques)(5), le stress responsable de sécrétion d'hormones hyperglycémiantes (adrénaline, glucagon...) sont généralement en cause dans la survenue de ce coma. En dépit d'une hyperglycémie majeure (> 6 g/l - 33 mmol/l - et dépassant parfois 10 g/l), il n'existe ni cétose, ni acidose. L'urée et la créatininémie sont élevées en raison de l'IR ; paradoxalement, malgré les pertes hydriques massives (jusqu'à 10 l), le taux de sodium reste élevé. « En fait, explique le Dr Bouallouche, il s'agit d'une hypernatrémie de déshydratation et de contraction avec déplétion sodée importante. L'eau s'évacuant, le taux de sodium s'élève. Ces anomalies biologiques sont responsables d'une élévation du pouvoir osmolaire de ces substances qui vont perturber les échanges hydriques entre les milieux cellulaires et sanguins. La réhydratation vise d'abord à corriger la déshydratation extracellulaire en faisant appel à des apports massifs de sérum salé physiologique à 0,9 %. Secondairement, il faut apporter des substances hypo-osmolaires (sérum salé hypotonique à 0,45 % ou sérum salé physiologique dilué à parties égales avec de l'eau distillée) pour réduire l'hyperosmolarité et ne pas aggraver la déshydratation intracellulaire. La réhydratation massive (10 à 12 l/24 heures dont 50 % dans les six premières heures), doit également être associée à une insulinothérapie rigoureusement surveillée, une héparinothérapie préventive du risque de thrombose (immobilisation) et une antibiothérapie efficace à large spectre en cas d'infection sous-jacente. Le retour à la normoglycémie doit être progressif, car une glycémie trop brutalement équilibrée peut, chez des sujets âgés fragiles, être à l'origine d'un oedème cérébral mortel. Il est habituel d'utiliser de l'insuline rapide en IV à la seringue électrique à doses initiales réduites, selon un algorithme adapté toutes les deux heures aux GC. Il est également admis de substituer le sérum physiologique par du B 26 (G 5 % + 4 g/l de Nacl + 2 g/l de Kcl) dès que la glycémie s'abaisse en dessous de 2,5 g/l. Le risque de décès et de complications impose une surveillance clinique horaire de la conscience, de l'état cardiovasculaire, de la diurèse, du pouls, de la TA et de la température. De même, il convient d'assurer une surveillance de la GC toutes les heures, et de réaliser un ionogramme sanguin (sodium, potassium, osmolarité) à la 2e heure, puis toutes les quatre heures pendant les 24 premières heures. Une fois la phase aiguë passée, il est rare que l'on maintienne le traitement par voie orale. Nous préconisons la poursuite de l'insulinothérapie à une ou deux injections aidée si nécessaire par le passage d'une infirmière à domicile. Si le malade renâcle, un compromis lui est proposé, associant une insuline le soir avant le dîner ou le coucher, et la prise d'un traitement par sulfamides doux dans la journée. »

COMA AVEC ACIDOSE LACTIQUE

Rare, depuis que les indications des biguanides (Glucophage®, Stagid®, Glucinan®)(6) sont mieux respectées, le Cal (coma avec acidose lactique) concerne principalement des sujets âgés présentant une hypoxie cellulaire qui favorise l'accumulation d'acide lactique dans les tissus. Cette hypoxie est généralement causée par une insuffisance rénale, cardiaque, respiratoire ou hépatique.

Si le risque est actuellement mineur avec la metformine (incidence égale à 9/100 000 patients chaque année), les comas avec acidose lactique restent mortels dans 50 % des cas. Raison pour laquelle les biguanides ne peuvent être prescrits qu'en l'absence de toute atteinte rénale, et sont formellement contre-indiqués en cas d'insuffisance cardiaque, respiratoire ou hépatique. Ils doivent également être interrompus 48 heures avant tout acte susceptible de provoquer une anoxie tissulaire (anesthésie générale, urographie intraveineuse).

D'apparition progressive ou brutale, l'acidose lactique se manifeste d'emblée par des douleurs musculaires, auxquelles succèdent des signes digestifs, nerveux, cardiovasculaires et respiratoires. La prise en charge repose sur la ventilation du patient pour oxygéner les tissus, la réhydratation, la correction des facteurs infectieux et l'insulinothérapie continue IV par seringue électrique à raison de 10 U/h maximum. En cas d'IR grave, l'épuration rénale par hémodialyse est réalisée. Dans tous les cas, le traitement par biguanides est remplacé par l'insulinothérapie.

PRÉVENIR PAR L'ÉDUCATION

« L'éducation est la clé de la prévention, affirme Isabelle Floch. Elle doit amener le diabétique à gérer de façon autonome la surveillance de son diabète, de manière à maîtriser les facteurs susceptibles de perturber la glycémie et maintenir durablement un bon équilibre glycémique. Cela passe par l'apprentissage du contrôle glycémique (GC, cétonurie, glycosurie) et l'acquisition d'un savoir (signes d'alerte d'hypoglycémie ou d'hyperglycémie, erreurs à ne pas commettre, conduite appropriée à chaque situation) qu'il incombe aux infirmières d'enseigner et d'entretenir au long cours. »

Les consultations infirmières se sont imposées car elles permettent d'installer et d'entretenir les bonnes conduites et assurent la continuité du lien avec les patients.

1- L'hypoglycémie liée à l'IR se rencontre généralement chez des diabétiques insulinodépendants et peut survenir au cours ou au décours de la dialyse.

2- Diabétiques à haut risque d'HG sévère : patients ayant un total d'insuline > à 1 U/kg/j ou des doses basales > à 0,40 U/kg/j, récidivistes d'HG sévère, enfants de moins de sept ans, personnes âgées de plus de 70 ans, alcooliques, malades atteints de pancréatite chronique calcifiante, patients ne percevant pas les signes d'alerte, patientes enceintes surtout dans les premiers mois de grossesse, patients ayant un déficit hormonal hypophysaire ou surrénalien associé, malades traités par bêtabloquants.

3- Le Glucagen® (hormone hyperglycémiante) présente une durée de validité de trois ans au lieu d'un an pour le glucagon.

4- Medisense Optium®.

5- Lorsque les diurétiques sont indispensables, il faut impérativement veiller à ce que le malade s'hydrate convenablement.

6- Antidiabétiques oraux améliorant la sensibilité périphérique à l'insuline.

Réhydratation et correction des troubles ioniques chez un patient en coma acidocétosique

Réhydratation

La réhydratation doit être massive (entre six et huit litres en moyenne sur 24 heures dont la moitié dans les six premières heures) mais doit être adaptée à l'âge et à l'état du malade (attention aux personnes âgées cardiaques en particulier). Elle est le plus souvent réalisée avec du sérum salé physiologique à 9 ä à raison de 1 000 cc la première heure (voire éventuellement la deuxième) et de 500 cc ensuite, de telle sorte qu'environ trois litres soient perfusés dans les six premières heures. On peut aussi utiliser du sérum bicarbonaté isotonique à 14 ä si les bicarbonates plasmatiques sont au-dessous de 10 mmol/l et le pH sanguin < 7. Dès que le sucre commence à baisser (à partir de la 3e heure environ), la réhydratation est poursuivie avec du G5 afin d'assurer l'apport calorique et glucidique indispensable et d'éviter une hypoglycémie. Elle est poursuivie par voie orale, dès que le patient peut boire, en favorisant les boissons riches en ions telles que les bouillons et les jus de fruits frais.

Correction

« Les mouvements de potassium suivant ceux du sucre, il est fréquent d'être confronté à une hyperkaliémie d'emblée qui, sous l'effet de l'insulinothérapie et de la normalisation de la glycémie, peut se transformer secondairement en hypokaliémie grave», indique le Dr Bouallouche. Il est donc très important de réaliser un ionogramme sanguin de référence au tout début de la prise en charge, et d'effectuer un contrôle dans les deux heures qui suivent. Des apports en potassium viennent s'ajouter au sérum physiologique dès la deuxième heure à raison de 1,5 g/500 ml ajustés à partir de la 3e heure du traitement. La surveillance de la kaliémie doit être poursuivie au-delà de la 6e heure car des désordres importants présentent un risque cardiaque. Un contrôle électrocardiographique est souhaitable car les variations de la kaliémie entraînent des anomalies de l'ECG.

Interprétation des examens d'urines

Glycosurie : elle peut se substituer à la glycémie capillaire en cas d'oubli du lecteur de glycémie ou lorsque les patients souhaitent limiter les glycémies au doigt. Sur urines fraîches, elle ne renseigne qu'en cas de glycémie > à 1,8 g/l ; sur urines ayant stagné dans la vessie, elle renseigne sur la période écoulée depuis le dernier contrôle. Par exemple, si la GC est normale et la glycosurie +, on saura que le patient s'est trouvé en hyperglycémie dans l'intervalle compris entre les deux derniers contrôles glycémiques.

Cétonurie : la cétonurie est très importante car la présence de corps cétoniques dans les urines constitue un signal d'alarme d'une possible évolution vers l'acidocétose, mais aussi parce qu'elle peut témoigner d'une hypoglycémie liée à un mauvais équilibre alimentaire (cétose de jeûne) ; dans le premier cas, la glycosurie est importante ; dans le second, elle est absente.