Recrutement, le filon étranger - L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 188 du 01/12/2003

 

Dossier

Sollicitées, les infirmières étrangères sont de plus en plus nombreuses dans nos établissements Les Espagnoles, premières recrutées, prouvent par l'exemple que l'intégration n'est pas un vain mot En manque de personnel européen, des cliniques s'intéressent à la « filière » libanaise.

Le manque d'infirmières en France est mal évalué : 10 000, 8 000, moins peut-être depuis quelque temps ? Il est plus criant dans certaines régions (l'Île-de-France, en particulier) et à certaines époques de l'année. Mais la pénurie générale de personnel soignant, aggravée par la mise en place des 35 heures, a conduit ces dernières années les établissements hospitaliers à rechercher des solutions nouvelles. Le gouvernement a tenté de faire revenir sur le marché du travail les infirmières qui avaient quitté leurs fonctions, augmenté les quotas d'entrée dans les Ifsi, favorisé l'embauche d'infirmières étrangères, espagnoles notamment.

Le recrutement de personnels soignants étrangers est facilité aujourd'hui par la reconnaissance de l'équivalence des diplômes infirmiers obtenus dans les pays de l'Union européenne. La réglementation(1) précise en effet les conditions de reconnaissance des titres obtenus dans d'autres pays (cf. encadré p. 36).

PROXIMITÉ

Les infirmières étrangères qui travaillent aujourd'hui dans les établissements hospitaliers français, secteurs public et privé confondus(2), sont originaires, d'une part, des pays limitrophes (Espagne, Belgique, Allemagne), où elles continuent parfois de résider, mais aussi, dans une moindre proportion, de pays liés culturellement à la France comme la Pologne, le Vietnam ou le Liban. Difficile de connaître leur nombre : elles ne sont enregistrées qu'auprès des Ddass de leur lieu de travail... Le ministère estime juste que les Espagnoles forment aujourd'hui le groupe d'infirmières étrangères le plus nombreux. À titre d'exemple, du 18 mars 2002 au 13 octobre 2003, selon l'Office des migrations internationales, 430 infirmières espagnoles ont été recrutées, principalement en Île-de-France (50 %), mais aussi dans les régions Rhône-Alpes (9,2 %), Paca (7 %) et Alsace (6,1 %).

Le recrutement d'infirmières étrangères a pris en effet une dimension nouvelle lorsque certaines cliniques privées ont entrepris en 2001 d'aller recruter en Espagne, où le marché de l'emploi laisse sur le carreau de nombreuses infirmières. Avant de tenter sa chance en France, Ana Gonzalez Palacios, 25 ans, a travaillé cinq mois dans un hôpital madrilène mais ensuite, « c'était très difficile de retrouver un travail stable », raconte-t-elle. Afin d'acquérir le nombre de points suffisant pour obtenir un poste à l'hôpital, les infirmières espagnoles n'ont en effet d'autre choix que d'accepter de petits contrats : une semaine par ci, trois jours par là et entre deux, le chômage, pour des milliers d'entre elles.

INITIATIVE PRIVÉ

C'est le secteur privé qui a ouvert ses portes le plus tôt aux infirmières espagnoles. Aux prises avec une pénurie de personnel soignant aggravée par une récente extension, la clinique Ambroise-Paré de Neuilly-sur-Seine fait partie des établissements qui se sont tournés vers l'Espagne. Le groupe Hexagone, auquel la clinique appartient, a en effet chargé un cabinet de recrutement privé de lui trouver des perles rares. Une fois recrutées, elles ont passé trois semaines dans un centre de formation, l'Institut européen de la santé, créé à Lavaur (Tarn) par l'ex-président de l'ancienne Union hospitalière privée (UHP), le Dr André Talazac, afin de se perfectionner en langue française et se familiariser avec les termes médicaux français(3). Elles ont rejoint ensuite les établissements qui les avaient embauchées dès le premier jour de leur formation. Depuis deux ans, la clinique Ambroise-Paré a ainsi embauché 25 infirmières espagnoles, en trois fois.

LOGEMENT A LA CLÉ

« La première semaine, elles ont toutes passé un jour dans chaque service, explique Sylvie Tourret, directrice de l'hospitalisation de l'établissement. Puis nous leur avons présenté les postes à pourvoir et nous les avons réparties en fonction de l'expérience et des souhaits des infirmières. » Elles ont dû ensuite se faire enregistrer à la Ddass des Hauts-de-Seine, où leur niveau en français a été vérifié (une démarche qui n'est pas systématique dans les autres départements), et elles ont travaillé en binôme pendant le temps nécessaire à leur intégration professionnelle. Pour faciliter les choses, « nous leur avons trouvé des logements, précise Sylvie Tourret, et nous avons embauché deux professeurs afin de leur faire suivre deux heures de cours de français par jour ». En retour, certains personnels français ont pris des cours d'espagnol... « Cela crée une atmosphère plutôt sympathique, souligne la directrice de l'hospitalisation de la clinique. Certains soignants se retrouvent même parfois l'été en Espagne ! »

RECRUTEMENT ENCADRÉ

Inspirées par cette expérience de recrutement, les autres fédérations hospitalières ont souhaité elles aussi tenter l'expérience. L'Espagne, de son côté, échaudée par l'expatriation ratée de certaines de ses infirmières vers le Royaume-Uni, a alors demandé que le recrutement soit particulièrement encadré. La Fédération hospitalière de France (FHF), la Fédération des établissements d'hébergement et d'assistance privés à but non lucratif (Fehap) et la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), avec la nouvelle FHP et la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), ont alors travaillé à la mise au point d'un dispositif original de recrutement d'infirmières espagnoles, en lien avec l'Office des migrations internationales (OMI). Un large partenariat souvent considéré comme exemplaire, qui s'est inscrit dans le plan « emploi-formation » destiné à relancer l'emploi dans le domaine infirmier. Au départ, les partenaires du dispositif tablaient sur le recrutement de quatre à cinq mille infirmières grâce à cette filière... Un an et demi après son ouverture, plus de 500 personnels infirmiers ont été recrutés par son intermédiaire, et 40 nouvelles entament leur carrière française chaque mois via ce dispositif.

« Nous avons commencé à travailler sur ce projet en septembre 2001 et les premières infirmières sont arrivées en mars 2002, souligne Emmanuelle Quillet, adjointe au délégué général de la FHF et chargée des ressources humaines dans cette fédération. Entre-temps, il a fallu trouver un lieu de formation, engager un formateur et une coordinatrice », mettre au point la charte de recrutement (cf. encadré ci-contre) et formaliser les relations avec l'OMI, qui a ouvert un bureau spécial à Madrid. Un VVF situé à Dourdan, dans l'Essonne, a été choisi pour accueillir les promotions successives de candidates. Le programme de formation d'un mois a été mis au point et le personnel nécessaire au fonctionnement de cet organe vital du dispositif a été engagé, dans un laps de temps relativement court, avant que les premiers candidats n'arrivent. Par ailleurs, les fédérations ont recensé les postes proposés par les hôpitaux et les cliniques. Le recrutement pouvait commencer.

CANDIDATES POUR L'AVENTURE

Son déroulement fait l'objet d'une procédure précise destinée à en « sécuriser » toutes les étapes, du premier contact des candidats avec les établissements demandeurs jusqu'à leur éventuel retour en Espagne. La cellule de recrutement de Madrid reçoit les offres de postes des hôpitaux et des cliniques et les candidatures espagnoles. En fonction des besoins des uns et du profil des autres, il met en relation infirmières et établissements. Avec une collègue hispanophone ou l'une des infirmières espagnoles déjà recrutées, Nicole Bernhard, cadre supérieur de santé à l'hôpital Max-Fourestier de Nanterre (Hauts-de-Seine), prend ainsi contact directement avec les candidates, par téléphone. Histoire de leur présenter notamment la dimension sociale spécifique de l'établissement, historiquement couplé à l'ancienne Maison de Nanterre, qui accueille encore aujourd'hui beaucoup de personnes en détresse. Les toutes premières candidates, peu préparées, avaient en effet préféré tourner les talons en découvrant les lieux... Le contact téléphonique permet donc de mettre les choses au point et de rassurer les infirmières : une fois embauchées, elles jouiront du même statut que les infirmières françaises, et de la même carrière si elles restent suffisamment longtemps.

Le contrat de travail des infirmières débute dès leur arrivée au centre de formation de Dourdan, où elles rencontrent les représentants de leur établissement pour la première fois. Leur formation d'un mois mise sur l'apprentissage accéléré du français, notamment le vocabulaire des soins, et sur l'enseignement ou le rappel des gestes techniques tels qu'ils sont pratiqués en France. Une fois arrivées dans leur établissement, une formation d'adaptation à l'emploi leur est souvent proposée, ainsi qu'un approfondissement de leurs connaissances en français. À l'hôpital Max-Fourestier, cette formation linguistique s'est prolongée pendant un an pour les premières arrivées, à raison de deux cours par semaine pris sur les heures de travail et organisés avec le Greta local. Par ailleurs, certains hôpitaux les font d'abord travailler en binôme pendant quelques semaines, d'autres s'arrangent pour qu'elles puissent toujours se référer à une collègue expérimentée ou à un supérieur direct.

NÉCESSAIRE INTÉGRATION

La question de l'intégration de ces soignantes est essentielle. Son succès conditionne la réussite de la « greffe » de ces personnels venus d'ailleurs. « Si toutes les dimensions professionnelles, personnelles, linguistiques et culturelles ne sont pas prises en compte, l'expatriation peut se solder par un échec douloureux, à la fois pour le candidat, les pays d'origine et d'accueil et pour les structures hospitalières », avait souligné Édouard Couty, directeur de la DHOS, lors du premier bilan du dispositif un an après son démarrage, en février dernier.

À l'hôpital Max-Fourestier, comme dans la plupart des autres établissements concernés, l'intégration des nouvelles venues d'Espagne fait l'objet d'une grande attention. Comme le stipule la charte, l'établissement d'accueil doit notamment leur fournir un logement à titre gratuit pendant deux à trois mois. Un avantage non négligeable pour celles qui sont recrutées en région parisienne, où les loyers sont élevés. La direction de l'hôpital de Nanterre met ainsi à leur disposition dix logements (gratuits pendant trois mois) situés dans un vaste appartement ancien rénové, ou une petite résidence sociale récemment construite dans l'enceinte de l'établissement.

À Nanterre, les infirmières espagnoles ont été affectées en médecine interne, pneumologie, cardiologie, bloc opératoire, psychiatrie, diabétologie, etc. Elles n'intègrent la réanimation ou les urgences que dans un second temps, quand la barrière de la langue est définitivement tombée.

Ana est arrivée le 6 mai 2003 à l'hôpital Max-Fourestier, pendant les grèves contre le plan Fillon sur les retraites ! Elle travaille aujourd'hui dans le service de diabétologie en hospitalisation de semaine où sa mission d'éducation du patient, qui n'est pas menée à l'hôpital en Espagne, l'occupe beaucoup. Si son Andalousie natale et ses proches lui manquent encore, son adaptation professionnelle ne semble pas lui avoir posé de problème. Elle-même s'estime bien préparée par sa formation à une rapide autonomie. De plus, « le système hospitalier est identique sur le plan professionnel, sauf pour ce qui concerne la Sécurité sociale », souligne-t-elle. La complexité administrative française, pour elles-mêmes comme pour les patients, est en effet souvent opaque aux yeux des Espagnoles, comme Cristina, 32 ans, qui travaille aux urgences. « Il y a beaucoup de papiers à remplir, d'actes à coder », remarque-t-elle. Sur le plan des soins, peu de différences, à part en matière de suture ou de plâtrage. Ana comme Cristina s'estiment bien accueillies par leurs collègues français, même si Cristina ressent davantage le mal du pays.

Pour faciliter l'intégration, mais aussi réduire les frais de recrutement, certaines cliniques préfèrent procéder à des recrutement collectifs, via des cabinets privés. Une procédure que Didier Heim, consultant en recrutement pour un cabinet aquitain, juge plus efficace que le dispositif national (mais aucune évaluation ou comparaison de ce genre n'a encore été publiée). Ce cabinet a tissé des liens avec des écoles d'infirmières espagnoles et fait connaître les besoins des établissements français sur Internet. Le cabinet travaille avec chaque clinique à l'intégration des nouvelles recrues sur le plan administratif et du logement notamment, et les « suit » pendant six mois après l'arrivée des infirmières dans les établissements.

MOINS DE 5 % DE RETOUR EN ESPAGNE

Lorsque ces soignantes recrutées en Espagne repartent dans leur pays ou quittent l'établissement « recruteur » pour travailler dans un autre, l'hôpital ou la clinique qui les avait embauchées perçoit souvent ces départs comme un échec. Pourtant, moins de 5 % des infirmières espagnoles recrutées via le dispositif organisé renoncent à leur poste en France pour revenir dans leur pays, indique le ministère. Un taux d'échec que les partenaires jugent très satisfaisant.

Aucune étude plus qualitative sur le séjour de ces infirmières en France n'a été menée récemment. Mais pour Florence Guillon, responsable du personnel à la FHP, « les retours sont plus liés à la mauvaise appréhension de l'expatriation par les infirmières » qu'à d'autres facteurs, comme les conditions d'embauche, par exemple. Le recrutement est en effet particulièrement balisé et sécurisé. À Nanterre, seules deux infirmières sur les 16 recrutées ont quitté l'hôpital. La soif d'expérience des infirmières étrangères, dont certaines n'hésitent pas à changer d'établissement, pose d'autres problèmes, car un contrat moral les lie pourtant à celui qui les a recrutées. Pour renforcer ce lien et prévenir les départs précoces, une dizaine des premières Espagnoles recrutées par la clinique Ambroise-Paré l'ayant quittée après seulement quelques mois, la direction de l'établissement de Neuilly a renforcé certaines clauses de ses contrats d'embauche de soignantes étrangères : les infirmières s'engagent ainsi désormais sur une durée variable (un an et demi, deux ou trois ans) en fonction des facilités de logement qui leur ont été offertes. Pour Jérôme Perrin, consultant chargé du recrutement infirmier pour plusieurs cliniques privées, l'accompagnement assez long de ces soignantes en termes de formation, de travail en binôme et d'aide au logement « est très lourd pour les établissements, qui n'ont aucune aide pour cela et qui doivent payer les infirmières dès le début alors qu'elles ne sont pas opérationnelles tout de suite ». Par ailleurs, il indique avoir « reçu des remarques des organisations représentatives sur le fait qu'une partie importante du budget de formation risquait d'être mobilisée par ces opérations de recrutement, ajoute le consultant. Nous les avons rassurées, même si cela correspond en effet à un alourdissement du budget formation. »

BON NIVEAU TECHNIQUE

Certaines organisations professionnelles n'ont pas vu d'un bon oeil la coordination d'une filière proprement dite, perçue comme une façon de contourner le problème du manque d'attractivité de la profession infirmière. On a reproché aussi au dispositif d'attirer sur le terrain professionnel des infirmières qui ne parlaient pas assez bien français, même à l'issue de leur (courte) formation, et dont le tutorat, en l'état actuel de la démographie professionnelle, ne pouvait pas être assuré dans de bonnes conditions...

Malgré tout, les infirmières espagnoles ont, semble-t-il, été assez bien accueillies sur le terrain. « Sur le plan technique, elle sont au même niveau que les infirmières françaises, souligne Danièle Garrouste. Mais on les sent plus matures, plus solides sur le plan de la formation, alors que la formation dispensée en France est archaïque, notamment par rapport à l'initiative personnelle et à l'autonomie. Cette démarche [d'expatriation] signe aussi leur motivation. » À la clinique Ambroise-Paré, Sylvie Tourret loue aussi l'enthousiasme, la disponibilité et la « jovialité » de ses recrues espagnoles. Florence Guillon, pour la FHP, estime pour sa part que même si le recrutement à l'étranger « n'est pas la panacée », ces infirmières apportent « une bouffée d'oxygène à l'hospitalisation privée et un enrichissement culturel aux établissements : nos infirmières sont ainsi en contact avec d'autres pratiques et une vision différente du métier. Les infirmières espagnoles ont une relation au patient encore très forte, très riche. »

LOURDEURS ADMINISTRATIVES

Outre l'Espagne, les établissements explorent d'autres pistes, moins balisées. À la demande des autorités libanaises, qui ne « souhaitent pas voir partir leurs meilleures infirmières », la FHP se refuse à se lancer dans une éventuelle filière de recrutement d'infirmières en provenance du Liban ou de pays qui souffrent de la même pénurie de soignants que la France, note Florence Guillon.

Certaines cliniques se tournent néanmoins vers la faculté de sciences infirmières de l'université Saint-Joseph, à Beyrouth, dont la formation est calquée sur celle dispensée en France et qui délivre le diplôme d'État français. Elles y voient également un autre avantage de taille : ces soignantes sont parfaitement francophones.

La clinique Ambroise-Paré de Neuilly a ainsi recruté une vingtaine d'infirmières libanaises depuis janvier 2002. « Nous sommes allés au Liban rencontrer les candidates prérecrutées à distance et nous leur avons présenté notre institution », souligne Sylvie Tourret, qui regrette la lourdeur des démarches administratives relatives à leur entrée sur le territoire français (six mois). Sur le plan technique, les pratiques acquises au Liban ne diffèrent pas sensiblement, mais le « nursing » leur est un peu moins familier. Restent à gérer les différences culturelles inhérentes à ce type de recrutement pour faire en sorte que toutes, soignantes françaises, espagnoles, libanaises, etc., puissent travailler ensemble.

Rosy-Wardé Chamchoum, 23 ans, est arrivée il y a un an à la clinique Ambroise-Paré après avoir travaillé à l'Hôtel-Dieu de France, à Beyrouth, un hôpital très coté au Liban. Même si les salaires sont effectivement plus élevés en France, elle a quitté son pays avant tout pour acquérir une expérience professionnelle différente, travailler sur d'autres plateaux techniques et étoffer sa formation. « Au Liban, il faut attendre jusqu'à 30 ou 40 ans pour avoir accès à certaines formations », remarque-t-elle.

Comme elle le souhaitait, elle travaille dans le service de chirurgie cardiaque.

À l'instar des infirmières espagnoles, elle a tout d'abord été logée et aidée dans ses démarches administratives par la clinique (notamment via une assistante sociale de l'établissement). Et sur le plan professionnel, elle a rencontré le même embarras que ses collègues espagnoles vis-à-vis des formulaires à remplir. Quelques difficultés à s'adapter aussi. Les relations soignantes-médecins, par exemple, sont différentes de celles qui ont cours au Liban, où les infirmières sont davantage associées aux stratégies thérapeutiques visant les patients.

MEILLEURE QUALITÉ DES SOINS

Bien que ces recrutements coûtent de l'argent aux établissements (ils sont désormais payants pour les adhérents de la FHF), Sylvie Tourret estime que grâce à ces renforts en soignantes, la clinique Ambroise-Paré a aujourd'hui « les moyens d'assurer une qualité des soins plus satisfaisante. Ceux qui établissent les plannings sont plus sereins ». L'hôpital Max-Fourestier, étant donné le nombre de postes toujours vacants dans l'établissement, ne pourrait pas non plus se passer de ses infirmières étrangères.

1- Articles L4311-3 et 4311-4 du Code de la santé publique.

2- À titre indicatif, 50 à 60 % des infirmières espagnoles recrutées via la filière organisée travaillent dans le secteur public, 30 % dans le secteur privé à but lucratif, les autres dans le secteur privé non lucratif et dans les centres de lutte contre le cancer.

3- Cf. L'Infirmière magazine, n° 163, septembre 2001, p. 10.

Un « modèle » espagnol ?

Bien que la surpopulation paramédicale de l'Espagne ne soit pas partagée par d'autres pays européens, l'extension du dispositif de recrutement infirmier à d'autres pays est à l'étude. Avec la Pologne, notamment, car l'équivalence de ses diplômes sera rapidement acquise dès qu'elle aura intégré l'Union européenne, indique le ministère de la Santé. Mais aussi peut-être avec le Maroc, d'où émanent des demandes de partenariat. Cependant, la question de l'équivalence des diplômes n'a pas encore trouvé de réponse.

Charte

La plupart des établissements qui souhaitent recruter des soignantes venues d'Espagne adhèrent à une charte. Ce document stipule que les infirmières espagnoles ont les mêmes droits et obligations que leurs collègues françaises en termes de recrutement, de rémunération, d'évolution de carrière, de formation, d'avantages locaux ou de services d'affectation. Leur contrat peut être un CDI ou une « stagiarisation sur un poste vacant ». Un hébergement doit leur être assuré pendant les trois premiers mois, gratuitement pendant la formation. De plus, « un tutorat personnalisé ou collectif est mis en place » ainsi qu'un accueil, un suivi et un accompagnement global dès le premier jour de leur arrivée en France. En cas de difficultés d'intégration ou d'échec, l'établissement doit veiller à ce que le retour du salarié au pays se déroule dans de bonnes conditions.

ESPAGNE

Peut-on faire valider son expérience française ?

Les infirmières qui exercent en France ne peuvent pas systématiquement faire valider leur carrière française auprès des autorités de leur pays. La question se pose particulièrement avec les infirmières espagnoles, qui seraient les plus nombreuses en France. Les fédérations hospitalières et le ministère ont donc demandé il y a plusieurs mois à toutes les communautés autonomes espagnoles d'exprimer leur position sur la validation des carrières effectuées en France. Leur traduction en points est en effet essentielle dans l'attribution de postes de titulaires dans les hôpitaux espagnols. « Certaines communautés assimilent le travail dans les cliniques privées au travail dans le privé espagnol non subventionné, souligne Florence Guillon, à la FHP. D'autres ne reconnaissent aucune expérience à l'étranger ou ne valident que le travail dans le secteur public... » Trois communautés n'ont pas encore répondu mais les infirmières originaires des autres, au moins, savent maintenant comment leur carrière française sera validée.

IMMIGRATION

Qui peut exercer en France ?

En vertu du principe de libre circulation des travailleurs, les infirmières ressortissantes de pays membres de l'Union européenne (ou participant à l'Espace économique européen) et ayant obtenu leur diplôme au sein de l'un de ces États, peuvent exercer en France si elles ont obtenu leur diplôme avant le 29 juin 1979, et si elles ont travaillé au moins trois ans au cours des cinq dernières années ou occupé un poste de cadre infirmier (art L4311-3 et L4311-4 du Code de la santé publique), ou bien si elles obtiennent l'autorisation d'exercer auprès des autorités administratives (Ddass). En revanche, les spécialités (bloc, anesthésie, etc.) ne sont pas reconnues. Les infirmières originaires de pays extérieurs à l'Union (ou à l'EEE) doivent passer par un Ifsi où le directeur examine leur expérience professionnelle, avant de les orienter vers la deuxième ou la troisième année d'études afin qu'elles passent les examens du DE. Selon Anne-Marie Balgairies, la commission paramédicale interprofessionnelle planche, à la demande du ministre de la Santé, sur un projet destiné à faciliter l'admission de ces soignantes hors UE. La commission va ainsi proposer un contrôle préalable du niveau de langue, une mise en situation professionnelle, l'étude du dossier de compétence des candidats et l'obligation de suivre la troisième année d'études avant de passer le DE (ce dont les titulaires d'un diplôme de médecin sont aujourd'hui dispensés).