La prise en charge des usagers de drogues injectables aux urgences - L'Infirmière Magazine n° 189 du 01/01/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 189 du 01/01/2004

 

Toxicomanie

Conduites a tenir

La prise en charge des usagers de drogues aux urgences doit être comprise dans sa globalité. Il s'agit avant tout d'un soin psychologique. Désamorcer les peurs et les préjugés qu'inspirent les patients toxicomaniaques est une priorité.

PROFIL

Il est très difficile d'établir le portrait type d'une personnalité toxicomaniaque. Certains présentent des personnalités pathologiques (narcissiques, borderline) mais cela ne justifie pas leur passage à la dépendance. C'est l'état de manque vécu au quotidien qui tend à unifier les comportements : asociabilité, impulsivité, intolérance à la frustration, refus des contraintes, instabilité de l'humeur... Certains traits de comportements peuvent être dégagés mais il faut se dire qu'avant d'être un toxicomane, l'usager est une personne à part entière.

PRODUITS UTILISÉS

Dans le milieu toxicomane, « tout peut s'injecter » : méthadone, benzodiazépine pilée, ecstasy, héroïne et cocaïne. Ces deux dernières drogues étant les plus couramment utilisées par voie injectable. Les patients accueillis aux urgences peuvent avoir absorbé de la drogue sous différents modes : inhalation, ingestion per os ou injection par intraveineuse. Ils peuvent vouloir du matériel d'injection, une consultation psychiatrique ou une prise en charge d'un problème somatique. Dans ce dernier cas, l'affection peut être liée (overdose, abcès...) ou non (fractures, problèmes pulmonaires...) à l'usage des drogues. Peut-être ne reconnaîtront-ils pas leur état de dépendance. Comme ces patients risquent de passer plusieurs heures aux urgences, il faudra tenter d'établir une relation de confiance.

Héroïne. Dérivé de la morphine, l'héroïne est, à poids égal, deux fois plus puissante que la morphine. C'est une poudre blanche ou brune. Elle est toujours coupée avec d'autres substances très variées : caféine, sucre, talc, paracétamol, plâtre, bicarbonate, aspirine... Elle peut également être fumée. De nombreux signes cliniques traduisent l'intoxication à l'héroïne : myosis serré, yeux brillants, vigilance labile, pâleur et sensation de chaleur, repli sur soi... Le syndrome de manque intervient quatre à six heures après la dernière injection. Il est évolutif pendant quatre à cinq jours pour régresser totalement. Douze heures après l'injection, on remarque l'apparition de pilo-érection et de douleurs musculaires. Ensuite, des nausées, insomnies, diarrhées, asthénie et anorexie apparaissent. L'injection de cette drogue entraîne des risques comme l'embolie pulmonaire, les phlébites, les abcès, les septicémies ainsi que la transmission de différents virus. Les angoisses, la dépression et l'insomnie sont les conséquences chroniques psychiques de l'héroïne.

Cocaïne. Extraite de la feuille de coca, la cocaïne contient de 40 à 90 % d'alcaloïdes. C'est un psychostimulant. Les signes cliniques d'une intoxication sont une mydriase, une élévation de la tension artérielle, une hyperthermie et une tachycardie. Des troubles du comportement de type persécutoire ou paranoïaque peuvent suivre. Son effet brutal et bref peut entraîner son usager à se l'injecter 20 à 30 fois par jour. Cette drogue présente une toxicité propre, notamment cardiovasculaire, pouvant entraîner une ischémie myocardique, une toxicité neurologique, car la cocaïne abaisse le seuil épileptogène.

SOINS SPÉCIFIQUES

Aucun sevrage ne peut être initié aux urgences. Le cadre ne le permet pas. Le personnel soignant s'assure que le patient suivant une cure de méthadone respecte les doses prescrites. Si ce n'est pas le cas, il se voit administrer une substitution par morphine per os afin qu'il puisse rester à l'hôpital le temps nécessaire à son rétablissement.

Gestion du manque. L'angoisse du manque est la crainte la plus importante des toxicomaniaques. Il est essentiel d'établir un protocole en fonction des différents types d'usagers rencontrés. Les patients qui n'ont pas de produits de substitution doivent bénéficier de morphine per os pendant la durée de l'hospitalisation. Les patients sous Subutex® ou sous méthadone suivront leur traitement. Les dosages devront être vérifiés auprès des médecins prescripteurs.

Aspects relationnels. Il est essentiel de se présenter à l'usager de drogues à son arrivée aux urgences, et de savoir donner les explications utiles concernant le service. Les patients toxicomanes, d'après les études réalisées, se plaignent souvent de problèmes relationnels avec les soignants. Il faut accepter la toxicomanie et la considérer comme une maladie. Prendre garde à ne jamais tutoyer le patient car il risque d'entrer dans une relation de « copinage » avec le soignant.

Il ne faut pas hésiter à demander au patient quelles sont les veines encore piquables. En outre, il convient de bien connaître les messages de prévention liés à l'hygiène. Parler de l'injection, c'est entrer en relation avec le patient. Il est important également de guider le patient auprès des différents services sociaux existants, afin de le maintenir au sein d'un réseau.

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