Efficacité et tolérance du casque réfrigérant - L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004

 

Cours

Le casque réfrigérant permet de prévenir la chute de cheveux chez des femmes atteintes de cancer du sein traitées par chimiothérapie adjuvante, effet secondaire très redouté des patientes. Analyse de son efficacité et de sa tolérance.

Parmi les effets secondaires de la chimiothérapie, les nausées, les vomissements et la chute de cheveux sont les plus redoutés par les patients. Si l'utilisation des sétrons a permis de réduire fortement les nausées et les vomissements, le problème de l'alopécie reste entier.

La chute de cheveux entraîne des conséquences psychologiques délétères (altération de l'image corporelle, de l'estime de soi, sentiment de différence aux yeux des autres, problèmes liés à l'impossibilité de cacher la maladie...). Elle induit aussi d'autres problèmes physiques ou psychologiques (gêne causée par le port de la perruque, irritabilité, anxiété...). Enfin, la crainte de l'alopécie peut induire certains malades, les femmes en particulier, à refuser totalement un traitement potentiellement curatif.

Aussi, la chute de cheveux est un problème qui préoccupe les cliniciens impliqués dans le traitement du cancer du sein. Dans le contexte du cancer du sein à risque standard, pour lequel une chimiothérapie adjuvante est très souvent offerte, le protocole le plus souvent utilisé est une association de cyclophosphamide, méthotréxate et 5-fluoro-uracile (CMF). Une autre drogue à l'activité bien établie est la doxorubicine ; elle est largement utilisée en combinaison avec d'autres agents cytotoxiques.

Cependant, ces produits ont des effets secondaires sévères (chute de cheveux, nausées et vomissements, mucites, cardiomyopathie et myélosuppression). Pour cette raison, d'autres drogues ont été développées avec des effets moins toxiques et une efficacité similaire. Ces drogues, auxquelles appartient la mitoxantrone, devraient être logiquement mieux acceptées par les patientes.

Ceci a conduit les cliniciens à introduire la mitoxantrone dans les protocoles de chimiothérapie adjuvante pour cancer du sein à risque standard. En effet, la mitoxantrone est généralement considérée comme bien tolérée : elle a pour réputation de ne causer qu'une chute de cheveux modérée. Plus encore, il a été rapporté que la mitoxantrone induisait une chute sélective des cheveux blancs. Cependant, sa toxicité, en association avec le cyclophosphamide, connu comme un produit très alopéciant, méritait d'être plus amplement explorée. Une étude de qualité de vie réalisée à l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille chez 109 patientes atteintes de cancer du sein recevant une chimiothérapie à base de mitoxantrone et de cyclophosphamide (protocole NC) en quatre cycles de 21 jours montrait que la chute de cheveux (mesurée par les patientes) était notée dans environ 74 % des cycles, ce qui restait relativement élevé.

À la suite de ces résultats, il a été décidé de proposer l'utilisation du casque réfrigérant aux futures patientes incluses dans le protocole NC. Le concept de prévention de la chute de cheveux, liée aux antimitotiques, remonte à environ 30 ans. Il est basé sur la théorie selon laquelle la réduction de la circulation sanguine au niveau du cuir chevelu induit une vasoconstriction des vaisseaux sanguins, et, en conséquence, réduit la quantité d'antimitotiques perfusant les follicules capillaires. La première méthode décrite utilisait la compression avec un système de tourniquet. Par la suite, la préférence a été donnée aux méthodes de refroidissement (glaçons, cryogels, air froid pulsé et casque réfrigéré).

Le but de cet article est de rapporter l'applicabilité et l'efficacité d'un système de refroidissement (casque réfrigérant) chez des patientes atteintes de cancer du sein recevant une chimiothérapie adjuvante associant mitoxantrone et cyclophosphamide.

La chute de cheveux des femmes acceptant le casque réfrigérant, mesurée par les infirmières, était comparée à celle des femmes qui refusaient de porter le casque. Par ailleurs, pour un sous-échantillon de femmes acceptant de porter le casque, la chute de cheveux mesurée par les patientes était comparée à celle des patientes incluses dans l'étude citée plus haut.

PATIENTES ET MÉTHODES

Patientes incluses dans l'étude.

L'étude a été réalisée chez 105 patientes atteintes de cancer du sein, sans métastase et moins de neuf ganglions axillaires envahis, traitées par chimiothérapie adjuvante et radiothérapie séquentielle ou concomitante. Ces patientes ont été recrutées à l'Institut Paoli-Calmettes (IPC) à Marseille entre le 10 février 1997 et le 4 mai 1999.

Le protocole de chimiothérapie (protocole NC) comprenait de la mitoxantrone (12 mg/m2) et du cyclophosphamide (600 mg/m2) administrés en quatre cycles de 21 jours à l'hôpital de jour de l'Institut Paoli-Calmettes. La mitoxantrone (Novantrone®) était administrée en perfusion intraveineuse de 15 minutes et le cyclophosphamide (Endoxan®) en perfusion intraveineuse de 30 minutes sur un jour. La prophylaxie antiémétique était représentée par du granisétron (Kytril®) administré sous la forme de tablette de 1 mg, une heure avant chaque cycle de chimiothérapie et 12 heures après.

Les médecins proposaient aux patientes le port du casque réfrigérant après les avoir informées de la technique, des inconvénients, des risques potentiels (principalement métastases du cuir chevelu) et des effets attendus. Un consentement oral, informé, était demandé pour toutes les patientes de l'étude. Le port du casque débutait avec le premier cycle de chimiothérapie et il était proposé ensuite à tous les cycles suivants.

Groupe historique de patientes.

Le groupe historique de patientes (n = 109) était représenté par des patientes qui avaient été recrutées à l'Institut Paoli-Calmettes entre le 12 mai 1995 et le 4 février 1997 avec le même protocole de traitement (à l'exception de la radiothérapie administrée en même temps que la chimiothérapie) et les mêmes critères d'inclusion que ceux des patientes de l'étude. Le casque réfrigérant n'était pas proposé mais les patientes auto-évaluaient leur chute de cheveux dans le contexte d'une étude prospective sur les effets secondaires de la chimiothérapie.

Présentation du casque réfrigérant

Le matériel utilisé était le casque réfrigérant Frigecap® (Péters surgical). Avant utilisation, la tête de la patiente était humectée et protégée par un bonnet. Le casque était porté 15 minutes avant et 45 minutes après le traitement. Sa température était vérifiée après 45 minutes de port, et il était remplacé en cas de réchauffement. Après utilisation, le casque était désinfecté, décontaminé, séché, puis maintenu à - 25 °C pendant au moins 48 heures.

Efficacité et tolérance du casque réfrigérant.

Mesurées par les infirmières. L'efficacité et la tolérance du casque réfrigérant étaient évaluées par les infirmières en utilisant une fiche standardisée. Cette fiche était remplie par les infirmières à chaque cycle de chimiothérapie après consultation des patientes. La chute de cheveux était mesurée en utilisant les critères OMS (grade 0 : aucune chute de cheveux ; grade 1 : chute de cheveux minime ; grade 2 : chute de cheveux modérée, alopécie par plaques ; grade 3 : chute de cheveux complète, réversible ; grade 4 : chute de cheveux complète, irréversible). La tolérance du casque était mesurée par les infirmières appliquant le casque.

La patiente était interrogée durant la perfusion et sept jours après. La mesure effectuée au 7e jour quantifiait les changements intervenus chez la patiente durant le cycle précédent. La tolérance était codée « très bonne », « bonne », « modérée » et « mauvaise ». Tous les effets secondaires liés au port du casque et rapportés par la patiente (poids du casque, sensation trop grande de froid, mal de tête, cervicalgie) étaient systématiquement notés par l'infirmière.

Mesurées par les patientes. La chute de cheveux était mesurée par les patientes grâce à un autoquestionnaire à trois items mesurant la fréquence, la sévérité et la gêne associées à ce symptôme. Cet instrument de mesure est une partie d'un autoquestionnaire à 19 items utilisé pour mesurer les symptômes liés à la chimiothérapie NC dans le groupe historique de 109 patientes. Les patientes étaient interrogées sur leur chute de cheveux durant le cycle précédent.

La sévérité et la gêne associées à la chute de cheveux étaient codées sur une échelle en 4 points de 1 (« un peu ») à 4 (« totalement ») pour la sévérité et de 1 (« pas du tout ») à 4 (« beaucoup ») pour la gêne. L'autoquestionnaire à 3 items était rempli par les patientes au début de chaque cycle de chimiothérapie, à partir du deuxième cycle et lors de la visite faite à la fin de la chimiothérapie (prévue un mois après le dernier cycle de chimiothérapie). Ce schéma d'administration était le même que celui du groupe historique de patientes.

Analyse statistique.

L'analyse statistique a été réalisée en utilisant le logiciel SPSS. Les variables qualitatives ont été analysées par le test du Chi2 de Pearson (ou le test exact de Fisher, si nécessaire). Les variables quantitatives ont été comparées par des méthodes paramétriques (test t de Student) ou non paramétriques (test de Mann-Whitney).

À chaque cycle de chimiothérapie, les patientes de l'étude acceptant de porter le casque réfrigérant (n = 77) ont été comparées pour la chute de cheveux aux patientes qui le refusaient (n = 28). Par ailleurs, un sous-échantillon des patientes de l'étude (n = 27) qui acceptaient le casque réfrigérant et auto-évaluaient leur chute de cheveux a été comparé à un groupe historique de 109 patientes traitées par chimiothérapie et qui avaient mesuré de façon similaire leur chute de cheveux. Le coefficient Kappa de Cohen(1) a été utilisé comme mesure d'agrément entre la fréquence de la chute de cheveux mesurée par les patientes et celle notée en parallèle par les infirmières (en utilisant les critères OMS). Selon les recommandations de Landis & Koch(2), la force de l'agrément a été interprétée comme suit : ≤ 0,40, mauvaise à faible ; 0,41-0,60, moyenne ; 0,61-0,80, bonne ; 0,81-1, excellente. Enfin, la tolérance du casque réfrigérant a été analysée de façon descriptive. Tous les tests statistiques étaient bilatéraux. Le taux de signification a été fixé à 5 %.

RÉSULTATS

Caractéristiques des patientes.

Cent-cinq patientes ont été incluses dans l'étude. Parmi les 105 patientes sollicitées au départ du premier cycle de chimiothérapie, 77 acceptaient d'utiliser le casque réfrigérant et 28 le refusaient. Parmi les 77 patientes acceptant de porter le casque, quatre l'abandonnaient définitivement après le cycle 1, cinq après le cycle 2 et deux après le cycle 3 (cf. tableau p. IV).

Les caractéristiques cliniques des patientes sont présentées dans le tableau p. IV. Il n'y avait aucune différence statistiquement significative pour toutes les caractéristiques listées dans ce tableau entre les femmes qui acceptaient de porter le casque réfrigérant (n = 77) et celles qui refusaient pour toute la durée de la chimiothérapie (n = 28). Par ailleurs, il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les caractéristiques des 105 patientes de l'étude et celles des 109 patientes du groupe historique, sauf pour l'administration de la radiothérapie. Toutes les patientes du groupe historique recevaient la radiothérapie en même temps que la chimiothérapie.

Efficacité du casque réfrigérant mesurée par les infirmières (n = 105).

Le tableau ci-dessous montre la fréquence de la chute de cheveux, mesurée par les infirmières selon les critères OMS à chaque cycle de chimiothérapie chez les patientes qui acceptaient de porter le casque réfrigérant (n = 77) et chez celles qui le refusaient (n = 28). Dans ce tableau, les patientes sont classées comme suit : pas de chute de cheveux (grade OMS 0) et chute de cheveux (grades OMS de 1 à 4).

Après le premier cycle de chimiothérapie, la fréquence de la chute de cheveux était de 13 % chez les patientes avec casque réfrigérant vs 32,1 % des patientes sans casque. On observe, sans surprise, une augmentation progressive de la chute de cheveux dans les deux groupes de patientes aux cycles suivants. Les différences entre les deux groupes étaient statistiquement significatives aux cycles 1 (p = 0,024) et 3 (p = 0,038). À la fin du 4e cycle, les infirmières notaient une chute de cheveux chez 56,1 % des patientes qui portaient le casque réfrigérant vs 69,2 % chez les patientes qui ne le portaient pas (non significatif).

Efficacité du casque réfrigérant mesurée par les patientes (n = 27).

Le tableau en haut de la p. VI montre la fréquence de la chute de cheveux mesurée, à chaque cycle de chimiothérapie, par un sous-groupe de 27 patientes qui acceptaient de porter le casque réfrigérant pour toute la durée du traitement. Leurs évaluations étaient comparées à celles fournies par les 109 patientes appartenant au groupe historique (pas d'utilisation du casque réfrigérant). Il y avait une différence statistiquement significative entre les deux groupes de patientes pour chaque cycle de chimiothérapie (p < 0,01 pour les trois premiers cycles et p < 0,05 pour le dernier cycle).

La fréquence de la chute de cheveux, évaluée par ces 27 patientes à chaque cycle de chimiothérapie, était comparée avec celle notée en parallèle par les infirmières. Selon les critères de Landis & Koch, la concordance entre les patientes et les infirmières était bonne pour les cycles 1, 2 et 3 (coefficients Kappa = 0,72, 0,74 et 0,75, respectivement) et excellente pour le 4e cycle (coefficient Kappa = 0,91).

Le tableau ci-dessous liste les scores sévérité et gêne (étendue : 1-4), notés à la fois par les 27 patientes de l'étude ayant accepté de porter le casque et les 129 patientes du groupe historique auxquelles les médecins n'avaient pas proposé le casque.

Ce tableau montre que les scores sévérité et gêne sont inférieurs à chaque cycle de chimiothérapie chez les patientes avec casque réfrigérant à ceux notés par les patientes sans casque réfrigérant. Les différences entre les deux groupes de patientes étaient statistiquement significatives pour les scores sévérité (p < 0,01) et gêne (p < 0,05) au 2e cycle, pour le score sévérité (p < 0,05) seul au 3e cycle ainsi que pour le score gêne (p < 0,05) seul au 4e cycle.

Tolérance du casque réfrigérant (n = 48).

La tolérance du casque réfrigérant a été évaluée chez 48 patientes parmi les 77 ayant accepté de porter le casque. Le tableau p. VII liste les scores à chaque cycle de chimiothérapie pendant et après la perfusion. Ce tableau montre des scores de tolérance élevés aussi bien pendant qu'après la perfusion.

Dans cet échantillon de 48 patientes, quatre arrêtaient d'utiliser le casque réfrigérant après le premier cycle de chimiothérapie. Les raisons invoquées étaient les suivantes : cervicalgie, crainte de métastases au niveau du cuir chevelu, sinusite, syndrome fébrile. Trois patientes refusaient le casque après le second cycle en raison de maux de tête, de sensations trop fortes de froid ou pour des raisons personnelles. Deux patientes le refusaient après le troisième cycle par rejet psychologique et intolérance générale du casque réfrigérant.

Durant la perfusion de chimiothérapie, les commentaires spontanés des patientes portaient essentiellement sur le poids du casque, la sensation prononcée de froid durant cinq à dix minutes ou la sensation de brûlure et les maux de tête. Après perfusion, les symptômes suivants étaient le plus fréquemment décrits : maux de tête, cervicalgie, et difficultés psychologiques (aversion violente au froid en particulier).

Suivi des patientes.

Après un suivi moyen de 145 mois à partir du début de la chimiothérapie et jusqu'à sa fin, aucune patiente parmi celles qui ont accepté de porter le casque réfrigérant (n = 77) n'a rapporté de métastases du cuir chevelu.

DISCUSSION

Le but de cette étude était de tester l'efficacité d'un système de refroidissement du cuir chevelu dans la prévention de la chute de cheveux, chez des femmes présentant un cancer du sein traitées par un protocole de chimiothérapie, associant de la mitoxantrone et du cyclophosphamide (protocole NC).

Parmi les méthodes de prévention de l'alopécie, l'hypothermie, utilisée depuis 1978, est devenue la plus largement répandue. Deux études ont montré que l'efficacité des méthodes d'hypothermie est inversement corrélée aux températures épicutanées et sous-cutanées du cuir chevelu. Basés sur ces deux études, des systèmes de refroidissement du cuir chevelu ont été utilisés pour maintenir des températures stables et basses au niveau du cuir chevelu.

Cependant, le degré de température à atteindre est un sujet de discussion pour les investigateurs. Gregory(3) a rapporté que la préservation des cheveux était obtenue seulement quand la température du cuir chevelu était abaissée en dessous de 22 °C alors que pour Cooke et al.(4), cette préservation était obtenue à une température 24 °C. Un autre sujet de discussion est le temps de refroidissement du cuir chevelu requis à la fois avant et après chimiothérapie. Selon Tollonear et al.(5), une hypothermie d'au moins 15 minutes avant la chimiothérapie est indiquée avec un temps de refroidissement d'au moins trente minutes après la chimiothérapie, quand une anthracycline est utilisée comme seule drogue induisant une chute de cheveux.

Dans l'étude récente de Katsimbri et al.(6), le temps d'application du système de refroidissement du cuir chevelu ajoutait approximativement trois heures à la durée de la chimiothérapie. Après une réfrigération à - 25 °C durant 24 heures, le système de refroidissement utilisé dans notre étude pouvait maintenir le cuir chevelu à une température en dessous de 25 °C pendant soixante minutes.

Les temps de pré et postrefroidissement de 15 et 45 minutes respectivement sont en accord avec ceux recommandés par Tollonear et al. Par ailleurs, il doit être noté que, dans cette étude, le remplacement du casque en cas de réchauffement, concernait seulement 5 % des patients, ce qui est très bas.

Certaines caractéristiques pharmacocinétiques de la mitoxantrone peuvent expliquer l'efficacité du système de refroidissement. En effet, on a démontré dans des études pharmacocinétiques antérieures, que les phases de distribution initiales de cette drogue étaient très courtes (T1/2a et T1/2b : 2,5 et 16 minutes, respectivement)(7). En conséquence, dans notre étude, la durée de refroidissement excédait la longueur d'exposition aux concentrations plasmatiques élevées de mitoxantrone, ce qui contribuait à réduire potentiellement la toxicité du produit au niveau du cuir chevelu.

L'atteinte d'un consensus sur l'efficacité du refroidissement du cuir chevelu a été entravée par la grande variété d'agents cytotoxiques et de doses utilisées, la petitesse des effectifs et l'absence de randomisation ou d'inclusion de groupes comparatifs. Une autre limite était l'utilisation de méthodes non standard de critères d'évaluation de la chute de cheveux (principalement, photographies du cuir chevelu, échelle gradée, utilisation ou non d'une perruque). Par ailleurs, ces études ne prenaient pas en compte le point de vue direct des patients, en parallèle des évaluations des médecins et/ou des infirmières.

Cette étude a l'avantage de comparer les patientes de l'étude acceptant de porter le casque réfrigérant à celles qui refusaient de le porter et à un groupe historique de 109 patientes précédemment traitées avec le même protocole de chimiothérapie, mais sans utilisation du casque. Le nombre de patientes incluses était relativement important (n = 105) et la chute de cheveux était évaluée par les infirmières pour toutes les patientes et aussi par les femmes elles-mêmes pour un sous-échantillon de 27 patientes.

Cependant, certaines limites de cette étude méritent discussion. En premier lieu, les patientes n'ont pas été randomisées. Toute procédure de randomisation pour raisons éthiques a, en effet, été écartée. De toute façon, les malades étaient parfaitement au courant de la possibilité de réclamer à l'équipe médicale le recours à un casque réfrigérant. En plus, un groupe conséquent de patientes traitées par chimiothérapie NC mais sans utilisation de casque réfrigérant était déjà à disposition.

L'analyse statistique a montré que les patientes incluses dans l'étude présente avaient des caractéristiques cliniques similaires à celles des patientes du groupe historique. En second lieu, la tolérance du casque réfrigérant a été étudiée chez seulement 48 des patientes acceptant de le porter et l'auto-évaluation de la chute de cheveux a été réalisée sur un petit sous-échantillon (n = 27) de ces mêmes patientes.

Les raisons en étaient uniquement logistiques. En particulier, il n'a pas été facile de soumettre les patientes de l'étude à une double évaluation de leur chute de cheveux dans le contexte de l'hôpital de jour. Il est possible aussi que les nombres inégaux dans les différents groupes de patientes aient pu induire des résultats faussés des analyses comparatives. Enfin, l'étude aurait dû être complétée par une évaluation des coûts de la procédure en termes de temps d'investissement pour les infirmières et de temps d'occupation de place par les patientes à l'hôpital de jour. Cette évaluation aurait permis de justifier ou non une méthode qui peut induire une diminution globale de la fréquence de la chute de cheveux d'environ 22 %-31 % (selon que la mesure était réalisée par les infirmières ou les malades) à la fin de la chimiothérapie.

Le poids pour la patiente aurait dû être aussi considéré. Il doit être noté cependant que, dans cette étude, la majorité des patientes était très satisfaite de la procédure. En dépit de certaines critiques, les données de cette étude sont utiles et elles auront certainement des implications importantes pour le bien-être des malades.

Cette étude démontre clairement l'efficacité du casque réfrigérant dans la prévention de la chute de cheveux induite par la chimiothérapie NC. Au 4e cycle, les infirmières notaient une chute de cheveux chez 56,1 % des femmes acceptant de porter le casque réfrigérant vs 69,2 % chez les femmes qui le refusaient. Pour un sous-échantillon de 27 patientes qui auto-évaluaient leur chute de cheveux et qui étaient comparées au groupe historique de 109 patientes sans utilisation du casque réfrigérant, les résultats étaient même plus marqués : au 4e cycle, la chute de cheveux était notée chez 59,1 % des patientes qui utilisaient le casque réfrigérant vs 83,9 % des patientes qui ne l'utilisaient pas (p = 0,017). Contrairement à notre expérience précédente avec les médecins, la concordance entre les évaluations des patientes et des infirmières était élevée(8).

Nos résultats peuvent être favorablement comparés à ceux de Ron et al.(9) qui mettaient en évidence 47 % de chute de cheveux chez les patientes traitées par hypothermie vs 81 % chez les patientes non traitées (p = 0,014). Leur groupe de 35 patientes atteintes de cancer du sein consistait en 19 patientes traitées par hypothermie et 16 patientes témoins appariées sur l'âge traitées à température ambiante. Toutes recevaient le même protocole de chimiothérapie CMF (cyclophosphamide, méthotréxate and 5-fluoro-uracile), hautement inducteur d'alopécie.

Comparées à celles du groupe historique de 109 patientes, la sévérité et la gêne associées à la chute de cheveux étaient toujours plus basses à chaque cycle de chimiothérapie dans le sous-échantillon de 27 patientes qui utilisaient le casque et auto-évaluaient leur chute de cheveux.

Ces résultats confirment l'efficacité du casque réfrigérant et démontrent le bénéfice additionnel dans la réduction du stress.

Bien qu'il y ait eu quatre cas d'arrêt du port du casque en cours de chimiothérapie chez les 48 patientes évaluées pour la tolérance, l'acceptabilité était élevée. Les remarques formulées par les patientes étaient en accord avec celles notées par d'autres investigateurs. En dépit des problèmes rencontrés, les femmes étaient en général très satisfaites de leur choix et ne regrettaient pas leur décision d'avoir accepté de porter le casque. En fait, la majorité considérait que le confort psychologique lié à son utilisation outrepassait les difficultés physiques mineures.

En dépit des doutes subsistant sur l'efficacité de l'hypothermie du cuir chevelu pour certaines drogues et les questions sans réponse sur le risque de métastases au niveau du cuir chevelu, l'hypothermie apparaît comme une méthode simple, relativement facile à mettre en oeuvre pour les infirmières, de coût peu élevé et à faible risque. Puisque la qualité de vie des patients est devenue une priorité, l'utilisation en routine du casque réfrigérant comme faisant partie intégrante de la chimiothérapie, tout particulièrement dans les cancers avec faible prévalence de métastases du cuir chevelu, devrait être sérieusement considérée. Cette procédure peut aider à maintenir l'image de soi des patientes, et ainsi réduire les effets psychologiques dévastateurs associés au cancer, et à son traitement, qui est parfois des plus pénibles.

Nous souhaitons remercier Péters surgical qui a fourni le casque réfrigérant Frigecap® utilisé dans cette étude. Nous remercions aussi les patientes et le personnel du département d'oncologie médicale de l'Institut Paoli-Calmettes pour leur contribution à ce travail

Bibliographie

1- Cohen J. (1968), Weighted kappa : nominal scale agreement with provision for scaled disagreement or partial credit, Psychol. Bull., n° 70, pp 213-220.

2- Landis R.J., Koch G.G. (1977), The measurement of observer agreement for categorical data, Biometrics, n° 33, pp. 159-174.

3- Gregory R.P., Cooke T., Middleton J., Buchanan R.B., Williams C.J. (1982), Prevention of doxorubicin-induced alopedia by scalp hypothermia : relation to degree of cooling, Br. Med. J. 284, p. 1674.

4- Cooke T., Gregory R.P., Middleton J., Williams C. (1981), Prevention of doxorubicin-induced alopecia, BMJ, n° 282 pp. 734-735.

5- Tollenear RAEM, Liefers G.J., Repelaer Van Driel O.J., Van de Helde CJH (1994), Prevention of chemotherapy-induced alopecia using an effective scalp cooling system, Eur. J. Cancer, n° 30A, pp. 1448-1453.

6- Katsimbri P., Bamias A., Pavlidis N. (2000), Prevention of chemotherapy-induced alopecia using an effective scalp cooling system, Eur. J. Cancer, n° 36, pp. 766-771.

7- Lenk H., Muller U., Tanneberger S. (1987), Mitoxantrone : mechanism of action, antitumor activity, pharmacokinetics, efficacy in the treatment of solid tumors and lymphomas, and toxicity, Anticancer Res., n° 7, pp. 1257-1264.

8- Macquart-Moulin G., Viens P., Genre D., et al (1997), Discordance between physicians' estimations and breast cancer patients' self assessments of side-effects of chemotherapy : an issue for quality of care, Br. J. Cancer, n° 76, pp. 1640-1645.

9- Ron I., Kalmus Y., Kalmus Z., Inbar M., Chaitchik S. (1997), Scalp cooling in the prevention of alopecia in patients receiving depilating chemotherapy, Support Care Cancer, n° 5, pp. 136-138.