La fissure anale - L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004

 

Proctologie

Conduites a tenir

La fissure anale est une ulcération superficielle de la marge anale. Cette lésion suit les plis radiés de l'anus, et siège plus volontiers au niveau postérieur. Les deux principaux facteurs favorisants sont les hémorroïdes et la constipation chronique.

CAS CLINIQUE

Sujette à une constipation chronique modérée, Mme L., 68 ans, se plaint depuis quelques semaines d'une sensation douloureuse lors de la défécation, à type de brûlure au passage des selles. Un léger saignotement est présent lorsqu'elle s'essuie. Elle décrit ensuite une phase d'accalmie, avant une reprise amplifiée de la douleur, qui devient alors paroxystique, accompagnée de spasmes. Ces manifestations sont si douloureuses et invalidantes que Mme L. consulte : le diagnostic de fissure anale est alors posé.

ÉTIOLOGIE

La fissure anale est une pathologie fréquente. Son étiopathogénie reste encore hypothétique. Une théorie vasculaire évoque son apparition dans une zone ischémique, où les tissus sont fragilisés par l'hypovascularisation; les phénomènes de cicatrisation y sont alors ralentis. Une théorie mécanique décrit une zone de fragilité, de faiblesse anatomique. Lors d'un effort de défécation, il peut se produire une contraction paradoxale du sphincter anal, notamment au passage d'une selle dure. Cette contraction entraîne la rupture tissulaire aux points de faiblesse anatomique ou de zones cicatricielles préexistantes. Il existe également des formes iatrogènes : cela peut être le cas après nécrose dans les suites d'une injection sclérosante ou d'une ligature hémorroïdaire trop bas située, mais aussi après une lésion traumatique. Pendant la grossesse et le post-partum, particulièrement lorsqu'il existe une constipation associée, apparaissent ces troubles, parfois associés à une thrombose hémorroïdaire externe.

SYMPTOMATOLOGIE

La douleur défécatoire de la fissure anale est rythmée en trois temps distincts :

- douleur brutale au passage de la selle, à type de brûlure, de cuisson ;

- accalmie durant dix à trente minutes ;

- réapparition progressive d'une contracture douloureuse, de plus en plus intense, durant plusieurs heures.

De minimes rectorragies sont souvent décrites après le passage de la selle. Un prurit et des démangeaisons accompagnent parfois la phase de cicatrisation.

EXAMEN CLINIQUE

L'examen clinique du patient s'effectue en position genupectorale, mettant en évidence l'ulcération au niveau des plis de l'anus. Cette fissure est superficielle, mais si douloureuse pendant les crises, que le toucher rectal est généralement impossible sans une anesthésie locale à la Xylocaïne® 1 %. Lors du déplissement des plis radiés, associé à une anuscopie, on met en évidence la lésion.

Les formes jeunes présentent des bords minces, souples. La fissure est superficielle et étroite.

Les formes plus anciennes, souvent moins douloureuses, ont un aspect un peu différent : les bords de la lésion sont épais, indurés, parfois décollés, la fissure est plus large, creusante, et parfois accompagnée d'un polype et d'une papille hypertrophiée. Enfin, dans certains cas, la fissure peut être surinfectée et suinter. La palpation des adénopathies éventuellement associées doit alerter en faveur d'une surinfection ou d'un diagnostic différentiel.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Selon le contexte clinique, en cas de doute, une biopsie sera effectuée ainsi que tout examen complémentaire nécessaire à la recherche d'une des pathologies suivantes :

- un cancer épidermoïde, avec une lésion irrégulière et indurée ;

- une maladie de Crohn, avec le plus souvent des fissures multiples et inflammatoires et des formations hypertrophiques ;

- des lésions infectieuses, notamment dues à des maladies sexuellement transmissibles (MST) comme la syphilis, mais aussi à des mycoses péri-anales, une amibiase, une tuberculose anale ;

- une lésion traumatique, un abcès de la marge anale.

TRAITEMENTS

La cicatrisation est parfois complète et spontanée. Néanmoins, le risque de récidive ou d'évolution vers la chronicité est possible, en particulier lorsque l'on ne traite pas correctement une constipation associée.

Traitement médical. Régulateurs du transit non irritants : mucilages, laxatifs osmotiques ou huileux.

- Conseils hygiénodiététiques : consommation suffisante de fibres alimentaires (pain au son) + ration hydrique journalière suffisante (minimum 1,5 l d'eau par jour en plus de l'alimentation).

- Lubrificateurs du canal anal, topiques locaux (suppositoires, pommade...).

- Antalgiques et anti-inflammatoires.

- Une à deux injections sclérosantes sous-fissuraires de 0,5 ml de Kinuréa H®.

- Une piste explorée à l'étranger mais n'ayant pas encore l'AMM dans cette indication en France est l'application locale de dérivés nitrés ou l'injection intrasphinctérienne de toxine botulique (20 à 40 U Botox®). Ces médications réduisent transitoirement le tonus de base du sphincter et diminuent ainsi les tensions au point de fragilité. Les résultats semblent très encourageants mais doivent encore être validés.

Traitement chirurgical. Le but de cette chirurgie est, selon la technique employée, la résection de la fissure (avec biopsie), la consolidation des zones de fragilité, et le relâchement du sphincter anal. Les résultats sont généralement probants après un traitement chirurgical, mais il faut noter des difficultés de continence, particulièrement pour les gaz, dans 10 à 20 % des cas.