Les urgences hypertensives - L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 192 du 01/04/2004

 

Cardiologie

Conduites a tenir

Situations rares, les urgences hypertensives requièrent une réduction des chiffres tensionnels pour prévenir ou limiter les lésions viscérales. Elles justifient une prise en charge par le Samu et l'hospitalisation dans un service de soins intensifs spécialisés.

DÉFINITION

L'urgence hypertensive est définie par :

- une élévation de la pression artérielle (PA), généralement supérieure à 180 mmHg pour la pression systolique et/ou supérieure à 110 mmHg pour la pression diastolique, chez un sujet traité ou non par des antihypertenseurs ;

- associée à une complication concomitante grave, récente ou imminente, mettant en jeu le pronostic vital à court terme.

MANIFESTATIONS

L'hypertension est confirmée par deux mesures, après s'être assuré de l'absence de problème technique pour la mesure (brassard non adapté au bras, fonctionnement défectueux du sphygmomanomètre).

Les autres manifestations témoignant des complications mettant en jeu le pronostic vital peuvent être :

- un déficit neurologique focal : accident vasculaire cérébral (AVC) ;

- des céphalées intenses avec confusion et convulsions (encéphalopathie) ;

- une orthopnée, une dyspnée de repos et/ou des râles crépitants (insuffisance cardiaque) ;

- une douleur thoracique sans modification électrocardiographique (ECG) mais associée à la disparition du pouls périphérique (dissection aortique) ;

- une hyperréflexie et une protéinurie chez une femme au 3e trimestre de grossesse ;

- une altération récente de l'état général avec asthénie, amaigrissement, polyurie, soif avec ou sans trouble récent de la vision (hypertension maligne) ;

- des troubles de l'hydratation (atteinte rénale).

ÉTIOLOGIE

Ce peut être :

- l'arrêt d'un traitement antihypertenseur (antihypertenseur central prescrit à forte dose, en particulier) : la remontée des chiffres tensionnels peut survenir en quelques heures, quelques jours ou parfois quelques semaines ;

- la survenue d'une maladie aiguë non cardiovasculaire ou de toute situation d'agression : rétention d'urine aiguë, douleur aiguë ou chronique, prise de topiques sympathomimétiques (cocaïne, LSD, amphétamines), attaque de panique, prise d'un médicament limitant l'efficacité d'un antihypertenseur (anti-inflammatoires non stéroïdiens, pansements gastriques)...

OBJECTIFS

Il convient d'instaurer très rapidement un traitement efficace sous surveillance continue de l'état clinique, de la PA, de l'ECG, de la diurèse et des constantes biologiques. Le patient doit bénéficier sans délai des examens d'imagerie cardiaque, encéphalique ou aortique, justifiés par le type de souffrance viscérale constituant l'urgence hypertensive. Dès qu'une surveillance intensive est mise en place, le traitement est administré par voie veineuse. L'objectif est la réduction de 25 % de la PA moyenne en quelques minutes à deux heures, puis une réduction graduelle vers 160/100 mmHg en deux à six heures. Une baisse précipitée de la PA pourrait induire ou aggraver une ischémie rénale, cérébrale ou myocardique.

ACTIONS

Abaissement de la pression artérielle. Elle s'obtient par l'administration d'un hypotenseur, sous surveillance automatisée de la pression artérielle :

- nicardipine (Loxen®) par voie intraveineuse directe, sans dilution ou après dilution dans une solution glucosée à 5 %, à la vitesse de 1 mg/min, jusqu'à une dose cumulée de 10 mg ; en perfusion intraveineuse à un débit de 8 à 15 mg/h sur 30 minutes ; puis relais par voie orale (Loxen® 20 mg : 60 mg/j en trois prises ou Loxen LP® 50 mg : deux prises par jour) dès que l'élévation tensionnelle est contrôlée, débuté au moins une heure avant l'arrêt de la perfusion ;

- urapidil (Eupressyl® ampoule de 5 ml : 25 mg ou de 10 ml : 50 mg) : une ampoule de 25 mg en injection IV sur 20 secondes, éventuellement répétée cinq minutes plus tard à la même dose ; relais éventuel d'une perfusion à débit continu à la seringue électrique en bolus à la dose de 2 mg/min à adapter à la baisse tensionnelle observée ;

- en cas de signes de surcharge circulatoire, en particulier d'oedème pulmonaire : une ampoule de 20 mg de furosémide (Lasilix®) ou de 2 mg de bumétanide (Burinex®), renouvelée si besoin ;

- en cas d'oedème aigu du poumon (OAP) cardiogénique : trinitrine (Lénitral®) ou dinitrate d'isosorbide (Risordan®) en administration continue à la seringue électrique, 2 à 5 mg/h en l'absence d'insuffisance cardiaque, sinon 2 à 15 mg/h ;

- nitroprussiate de sodium (Nitriate®) en perfusion IV ;

- dihydralazine (Népressol®), réservé à la femme enceinte, dans certaines pré-éclampsies graves mettant en jeu le pronostic vital maternel, en association à un bêtabloquant ;

- labétalol (Trandate®) par voie veineuse (1 mg/kg) injecté sur une minute, éventuellement répété 10 minutes plus tard à la même dose ;

- esmolol (Brévibloc®) : réservé en milieu d'anesthésie : tachyarythmie supraventriculaire et hypertension en période péri-opératoire.

Prise en charge des complications associées. En cas d'AVC, des explorations complémentaires sont indispensables (scanner et/ou IRM). Dans l'attente de ces examens, il est recommandé de ne pas faire baisser rapidement et sans l'avis d'un neurologue la tension artérielle lors de la prise en charge initiale du patient, afin de ne pas aggraver les lésions cérébrales lorsque l'accident vasculaire est d'origine ischémique (cas le plus fréquent chez l'hypertendu).