La coopération des soignants EN EUROPE - L'Infirmière Magazine n° 193 du 01/05/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 193 du 01/05/2004

 

Dossier

- Il a fallu attendre le traité de Maastricht en 1992 pour que s'ébauche une Europe de la santé - Grâce à des financements européens, des coopérations sanitaires se mettent en place - Les initiatives citoyennes, mieux que les institutions, contribuent aux échanges européens.

L'Union européenne a changé de taille. Dix nouveaux pays y ont fait leur entrée le 1er mai dernier. Profitons-en pour effectuer un bilan de santé de ce corps européen. Voyons si les professionnels infirmiers participent à la constitution d'une « Europe de la santé »... La santé n'a pas été une priorité dans la construction de l'Union européenne. « Dans les traités initiaux, la santé était une préoccupation marginale », comme le rappelle Anastassia Makarouni dans son ouvrage, L'Hôpital public français et le droit communautaire(1).

TIMIDE EUROPE DE LA SANTÉ

Au départ, seules la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, la libre circulation des professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques étaient édictées. Après le traité de Maastricht (7 février 1992), l'action communautaire comporte « une contribution à la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé » (cf. art. 3), en promouvant la santé publique, notamment en termes de prévention. Mais aussi en prenant en compte les objectifs sanitaires par les autres politiques de l'Union (art.129 CE, titre X). Le traité d'Amsterdam (2 octobre 1997) attribue comme objectif à l'Union européenne « d'améliorer la santé publique, de prévenir les maladies, de favoriser la recherche et d'informer le public ».

L'inscription de la santé dans les compétences de l'Union devient encore plus lisible dans le projet de constitution européenne achevé en juin 2003. La Convention européenne présidée par Valéry Giscard d'Estaing chargée de cette mission, a inscrit dans les objectifs de l'Union « le bien-être de ses peuples ». La Convention européenne a aussi rédigé une charte des droits fondamentaux de l'Union qui comprend un article sur la protection de la santé. « Toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législateurs et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assurée dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de l'Union. » Le projet de Convention européenne n'a pas été adopté lors de la dernière conférence intergouvernementale (octobre à décembre 2003) pour cause de querelles à propos du système de vote au conseil des ministres européens, notamment entre la France et l'Espagne. Mais la chute du gouvernement Aznar devrait relancer le projet. Le Premier ministre irlandais, Bertie Ahern, qui exerce en ce moment la présidence de l'Union, a déclaré à la fin du Conseil européen des 24 et 25 mars derniers : « Nous sommes tombés d'accord pour finir les travaux de la constitution au plus tard au Conseil européen de juin. » Soit les 16 et 17 juin prochains, juste après les élections européennes du 13 juin.

Cependant, l'ensemble reste un peu léger comme cadre général pour une « Europe de la santé ». N'oublions pas qu'en vertu du principe de subsidiarité, le domaine de la santé publique, même s'il existe des programmes européens de prévention, relève toujours de la compétence des États membres. Chaque pays conserve son propre système médical et de protection sociale. Cependant, l'Union européenne n'existe pas seulement par le biais de ses textes (directives, normes) et de ses institutions. Elle contribue aussi à des échanges en finançant certaines initiatives par le biais de programmes (Leonardo da Vinci, Daphné, Erasmus...).

MOBILITÉ DES CADRES

Le 4 avril dernier, les responsables infirmiers français qui participent au groupe de travail européen rentraient de Szeged, sur les bords de la Tisza, en Hongrie. Il s'agissait du sixième séminaire de travail du projet pilote transnational sur le développement des compétences et la mobilité des cadres infirmiers. Ce deuxième projet (2001-2004), lancé par l'AP-HP, d'un budget global de 930 950 euros, est cofinancé par la Communauté européenne par le biais du programme Leonardo Da Vinci. Il regroupe la Belgique, la Bulgarie, l'Espagne, la France, la Hongrie, le Portugal, et la République tchèque. L'hôpital Trousseau (Paris, AP-HP) et l'hôpital La Timone (Marseille, AP-HM) sont les sites pilotes français du projet.

Mathias Nemo, interlocuteur du groupe de travail à l'agence Socrates-Leonardo da Vinci France, l'antenne qui gère les appels de projets et le suivi des programmes Socrates et Leonardo en France, pré- cise que « ce projet déposé par l'AP-HP s'intègre dans le cadre de "Leonardo-Projets pilotes" spécialement destiné au développement et la diffusion de l'innovation et de la qualité dans le domaine de la formation professionnelle ». Ainsi, le 21 octobre prochain, le groupe présentera à l'attention des cadres infirmiers un guide (brochures et CD-Rom) intitulé : « Recommandations pour la formation des cadres infirmiers en Europe. De l'élaboration d'un référentiel de compétences à la mise en oeuvre d'actions de formation continue. » Et le groupe aura permis de développer sur les huit sites pilotes des expérimentations spécifiques(2). D'où vient cette initiative ? « C'est en 1996 au niveau de l'ex-direction des affaires internationales de l'AP-HP que cela s'est joué, explique Jacqueline Serreau, cadre formatrice infirmière qui coordonne ces projets depuis les débuts à l'AP-HP. Grâce à un médecin qui était à l'écoute des professionnels infirmiers et qui a intégré la filière infirmière à cette ouverture européenne. Il nous a fallu ensuite trouver un thème de travail qui corresponde à une préoccupation de notre institution et des professionnels infirmiers, ainsi qu'à une priorité fixée par l'Union européenne. Ensuite, il faut trouver des partenaires, le programme Leonardo impose un minimum de trois pays. Pour le projet Leonardo 2, plus de six mois de préparation ont été nécessaires pour déposer un projet détaillé à l'agence Socrates-Leonardo. » Ceci dit, ce projet « Leonardo 2 » s'est inscrit dans la continuité d'un premier projet « Leonardo » mené entre 1997 et 2000 sur la gestion des soins infirmiers(3).

Notons que par le biais de Leonardo France, il existe d'autres projets concernant des professionnels du secteur de santé. Le programme Europhamili (European Management Training Courses for Health Service Professionnals), créé en 2001, est animé par le réseau Aesculapius qui regroupe les grandes écoles européennes de santé publique. En France, le pilotage d'Europhamili incombe à l'ENSP de Rennes. « Il existe aussi un projet sur la chimio anticancéreuse, un autre sur la qualité et la sécurité dans le maintien des soins à domicile, et un autre sur la professionnalisation de la prise en charge des personnes âgées », parmi la soixantaine de projets en cours, observe Mathias Nemo.

INITIATIVE BORDELAISE

Autre exemple d'utilisation d'un programme de financement européen, l'initiative prise par le centre d'aide d'urgence aux victimes d'agression (Cauva) du CHU de Bordeaux. Il a inauguré le 17 octobre 2003 un partenariat avec d'autres structures de prise en charge des victimes (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Luxembourg). Le service du professeur Sophie Gromb du Cauva a monté un projet et répondu à l'appel à propositions du programme Daphné, publié chaque année au mois de mars au Journal officiel des communautés européennes. Le programme d'action communautaire Daphné, qui existe depuis 1997, finance « des mesures préventives visant à lutter contre la violence envers les enfants, les jeunes gens et les femmes ». Le groupe de travail a reçu pour un an un financement de 105 000 euros. Le docteur Larbi Benali, coordonnateur du projet Daphné au Cauva, explique les cinq actions prévues dans le cahier des charges : « Nous allons dresser un état des lieux (profil des agressions, des agresseurs, des victimes) qui permettra de créer un logiciel "Cauva". Nous ferons des échanges de bonnes pratiques en instaurant des réunions trimestrielles entre tous les partenaires. Nous organisons pour le 22 octobre prochain la première journée européenne de victimologie. Nous prévoyons de diffuser des informations par le biais des revues de médecine légale et d'Internet, et nous nous sommes engagés à rédiger un guideline de bonnes pratiques. »

Pour Leonardo 2 et Daphné, la coordination et l'initiative sont françaises (la langue de travail est le français, même s'il y a obligation de produire ensuite des documents en français et en anglais), mais pour le groupe d'étude Migrant Friendly Hospitals (octobre 2002-mars 2005) c'est l'Autriche, le Ludwig-Boltzmann Institute for the Sociology of Health and Medicine à Vienne, qui organise (la langue de travail est alors l'anglais). L'objectif de Migrant Friendly Hospitals est de développer des modèles de bonnes pratiques dans les hôpitaux pour l'accueil des patients migrants, et de promouvoir des actions de santé publique auprès de ces personnes. C'est la Direction de la santé et de la protection du consommateur (DG Sanco) de la Commission européenne qui soutient Migrant Friendly Hospitals. Quinze hôpitaux sont concernés dans quatorze pays différents : Autriche, Angleterre, Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède. En France, l'hôpital Avicenne (AP-HP, Bobigny) est le site pilote. Outre les réunions transnationales avec les autres partenaires, le groupe « Euromigrants » d'Avicenne, qui regroupe des soignants de toutes catégories et des associations de patients, organise dans l'établissement chaque année depuis 2002 un colloque ouvert à tous(4). Quant aux débats transnationaux, ils s'achèveront par une conférence internationale à Amsterdam du 9 au 11 décembre prochains intitulée « Hospitals in a culturally diverse Europe », avant la publication de recommandations et la mise en place de mesures concrètes. « Car n'oubliez jamais que la méthodologie des programmes européens nous pousse à démarrer du terrain pour organiser des comparaisons entre les partenaires, et nous astreint ensuite à la concrétisation de mesures, à la réalisation d'outils, affirme avec conviction Jacqueline Serreau. Pour Leonardo 2, nous avons reçu le financement à hauteur de 70 %. Mais le reste ne nous sera alloué que si nous réalisons les publications promises dans le cahier des charges. »

Autre projet très concret, soutenu et financé par la Direction de la recherche de la Commission européenne, l'étude Next (ou Presst en français) dont nous avons beaucoup parlé dans nos colonnes(5). Rappelons simplement qu'il s'agit d'une vaste enquête (huit pays concernés) sur les conditions de travail des soignants, dont l'objectif est de lutter contre les causes de départ prématuré de l'hôpital. Les résultats de la première partie de l'enquête (qui dure jusqu'à la fin 2004) à laquelle près de 7 000 soignants français ont participé, ont été publiés en janvier dernier dans une brochure intitulé Santé, satisfaction au travail et abandon du métier de soignant.

RECHERCHE MÉDICALE

En matière de recherche médicale, il existe aussi des échanges. L'Union européenne coordonne des programmes-cadres. Un exemple tout récent : la Commission européenne a lancé le 12 février dernier « le réseau d'excellence européen en allergie et asthme » GA2LEN(6) auquel l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) contribuera de manière importante. GA2LEN est financé à hauteur de 14,4 millions d'euros sur cinq ans par le 6e programme-cadre pour la recherche de la Commission européenne (PCRC). Il a pour objectif de mieux comprendre l'allergie et l'asthme pour mieux les combattre. À travers GA2LEN, les différentes équipes en Europe qui étudient le même sujet pourront communiquer leurs résultats, échanger des outils de travail, se consulter pour avis et échanger leur personnel.

Tous ces projets transnationaux participent à la construction très pragmatique d'une « Europe de la santé ». À cela s'ajoute un autre instrument primordial : les coopérations transfrontalières. Un colloque organisé par l'ENSP, la FHF et la MOT à Lille en octobre 2002, l'a illustré en faisant le point sur deux cas concrets.

Premier exemple en Cerdagne, cas particulier d'une vallée isolée à cheval sur la frontière franco-espagnole, bassin de population de 28 000 habitants à plus de 100 km de Perpignan par le col de Perxa et à 140 km de Barcelone par le tunnel du Cadi. La Cerdagne française ne dispose pas d'hôpital, et côté espagnol, il n'existe qu'un seul hôpital, celui de Puigicerda (privé sans but lucratif). Depuis le 24 avril 2002, les hôpitaux de Saint-Jean de Perpignan et celui de Puigicerda ont signé une convention de collaboration. Cela devrait aboutir à la construction d'un hôpital transfrontalier avec des équipes soignantes franco-espagnoles.

Deuxième exemple, à la frontière franco-italienne. « Le 18 février 2002, a été signé entre le centre hospitalier de Menton et l'agence italienne sanitaire locale (n° 1 Imperiese), une convention de coopération sanitaire pour favoriser les soins de proximité aux résidents de ces deux bassins de vie, a expliqué lors du colloque Catherine Romanens, directrice du CH de Menton. Trois axes de réflexion sont menés par le comité de pilotage. Le premier concerne la mise à disposition du service de dialyse de Vintimille aux résidents du bassin de vie mentonnais. Le deuxième axe concerne la possibilité pour les parturientes de Vintimille et Bordighera d'utiliser les services du centre périnatal de proximité de Menton. Le troisième axe est relatif à la création d'un institut de formation en soins infirmiers transfrontalier, permettant aux étudiants infirmiers français ou italiens d'appréhender dans leur cursus professionnel et universitaire les spécificités des pratiques en soins infirmiers des deux bassins de population. »

IMPULSION CITOYENNE

À travers ces deux exemples, parmi d'autres (dans le nord et l'est de la France), on comprend en filigrane que la construction de l'Europe de la santé se fait aussi souvent sous l'impulsion des citoyens et des patients. Et notamment sur des questions de remboursement de frais médicaux.

Les arrêts Kohll et Decker en 1998 pris par la Cour de justice des communautés européennes ont brisé le monopole de la Sécurité sociale, en instaurant pour la première fois le principe de la liberté de circulation des biens et des prestations de services de santé au sein de l'Union. Le 12 juillet 2001, la Cour de justice a rendu deux arrêts importants (les arrêts Smits-Peerbooms et Vanbrackel) sur le remboursement de prestations hospitalières. Mme Smits-Garets, néerlandaise, demandait le remboursement à sa caisse d'assurance néerlandaise de frais engagés en Allemagne pour le traitement de la maladie de Parkinson, qu'elle estimait ne pouvoir obtenir aux Pays-Bas.

Même réclamation pour Mr Peerbooms mais pour des soins d'une autre nature reçus en Autriche. « La Cour de justice a donné raison aux deux plaignants, car si elle a reconnu le droit aux pays membres de soumettre le patient à une autorisation préalable pour une hospitalisation à l'extérieur du pays d'origine, la Cour affirme que l'autorisation doit être donnée si le traitement que le patient attend n'est pas disponible dans son État d'affiliation aux mêmes conditions de qualité et d'efficacité, explique Pascal Garel, directeur d'hôpital, responsable des relations européennes et internationales à la FHF. Cet arrêt a suscité l'inquiétude chez certains professionnels qui ont imaginé des milliers de patients traversant les frontières, exerçant leur libre choix et faisant courir à leur système de prise en charge des coûts financiers énormes. Ces craintes sont peu fondées : l'aspiration à des soins de proximité est profonde chez les patients. » Ceci dit, l'idée d'une carte européenne de santé, une carte électronique qui se substituerait à l'actuel formulaire d'assurance maladie E111, fait son chemin. Elle a été abordée lors du Conseil des ministres européens de la santé le 26 juin 2002 à Luxembourg. Mais l'élargissement récent complique l'harmonisation...

COMITÉ EUROPÉEN INFIRMIER

« Mêmes conditions de qualité et d'efficacité »... Voilà un enjeu pour les professionnels de santé ! Bien entendu, ils n'ont pas attendu la publication de l'arrêt Smits-Peerbooms, pour se pencher sur le sujet et organiser des congrès européens et des échanges de bonnes pratiques. C'est le cas notamment des associations de professionnels qui s'organisent à un niveau européen et tentent d'influencer les institutions de l'Union : au niveau des directions de la Commission, au niveau du Parlement européen.

Pour les établissements hospitaliers, les trois grandes fédérations Fehap, FHF, FHP se retrouvent au sein d'un comité permanent des hôpitaux de l'Union européenne, Hope, créé en 1966. Hope organise tous les ans des colloques sur des points précis en matière de santé. Ses représentants sont en contact avec la DG Sanco de la Commission européenne, participent aux discussions concernant différents projets européens : la carte de santé européenne, le comité européen de standardisation (CEN). Hope a aussi oeuvré en 1979 auprès du Parlement européen à la charte européenne des droits du patient hospitalisé. Tout récemment, Hope a participé aux discussions concernant la directive sur le temps de travail.

De même que pour les médecins (CPME), il existe pour les infirmières le comité permanent des infirmiers de l'Union européenne (PCN). Fondé en 1971, le PCN se compose des représentants des associations nationales membres du Conseil international des infirmières (CII). Pour la France, l'Anfiide a un représentant au PCN : Jean-François Negri en est le vice-président(7). D'autres associations infirmières spécialisées ont aussi pris depuis longtemps une envergure européenne, voire internationale... Un exemple parmi d'autres, la création officielle d'European Operating Room Nurses Association en 1992, qui regroupe à ce jour vingt-trois associations d'infirmières de bloc opératoire, dont l'Union nationale des infirmières de bloc opératoire diplômées d'État (Unaibode). L'association Fine Europe (European Federation of Nurse Educators), la Fédération européenne des enseignants en soins infirmiers, dont fait partie le Comité d'entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), a aussi été fondée dans les années quatre-vingt-dix. « Officiellement en 1995 », précise Anne Lekeux, présidente de Fine et responsable des relations internationales de la Haute École Mosane d'enseignement supérieur à Bruxelles (Hemes). Elle aussi s'est lancée dans l'aventure européenne, avec le soutien d'Hemes, en utilisant « les supports européens », en l'occurrence le programme Leonardo. « Nous avons lancé en 2001 avec neuf partenaires de six pays différents le projet Clinipass, dont l'objectif est de favoriser l'insertion des stagiaires, des jeunes diplômés et des infirmières reprenant une activité professionnelle » (cf. encadré p. 36).

La formation est un enjeu européen capital pour les infirmières, comme l'a clairement démontré le comité consultatif pour la formation dans le domaine des soins infirmiers, dans son rapport remis en octobre 1997 à la commission européenne. En effet, si depuis les directives sectorielles du 27 juin 1977(8), l'Europe instaure l'équivalence des diplômes pour les infirmières en soins généraux, il n'est toujours pas possible d'affirmer aujourd'hui que la reconnaissance de ces diplômes soit automatique sur le terrain et que la mobilité des infirmières soit simple.

HARMONISER LA FORMATION

L'exemple du recrutement des infirmières espagnoles en France et en Angleterre illustre bien le problème. En France (à Dourdan et à Lavaur), comme en Angleterre, un dispositif de formation complémentaire (langues, systèmes de soins) et d'encadrement a été instauré. D'autre part, l'élargissement pose de nouvelles questions. L'harmonisation des systèmes de formation sera-t-elle possible ? Les projets Leonardo 2 et Clinipass illustrent bien des points de conver- gence mais cela prendra du temps... Les infirmières polonaises qui exercent en France jusqu'à présent au titre d'aides-soignantes, peuvent-elles, du fait de l'entrée de la Pologne dans l'Union, exercer pleinement leur métier ? Pour l'instant, pas de réponse du ministère de la Santé, trop occupé par le déplacement des cartons... Et n'oublions pas la déclaration de Bologne en 1999 des ministres européens de l'Éducation qui annonce l'harmonisation des systèmes d'enseignement supérieur ! Le fameux système « licence, mastère, doctorat » composé de crédits (ECTS) et de semestres. Est-ce que l'élargissement ne compliquera pas trop les débats ? Quand on voit les difficultés mises à jour par la réforme de la première année commune en France...

La construction d'une « Europe de la santé » n'est pas finie (il faut d'ailleurs la mettre en parallèle avec la construction d'une Europe sociale). Et pour ceux qui souhaitent se lancer dans l'aventure, vous aurez besoin de volonté, de patience pour dénouer les rouages institutionnels, de soutiens institutionnels, et surtout d'un sens des relations humaines, ce qui constitue certainement l'aspect le plus enrichissant et le plus sympathique de l'entreprise. En espérant que les volontaires puissent profiter d'un effet boule de neige...

1- Éditions Economica, 1997. 2- Cf. L'Infirmière magazine, n° 189, janvier 2004, p. 15. 3- Cf. guide disponible sur le site http://www.ap-hp.fr. 4- Cf. L'Infirmière magazine, n° 192, avril 2004, p. 18. 5- Cf. « Tonnerre de Presst ! », L'Infirmière magazine, n° 186, pp. 6-7. 6- Global Allergy and Asthma European Network (http://www.ga2len.net). 7- Cf. p. 18 de ce même numéro. 8- 77/452/CEE et 77/453/CEE modifiées le 10 octobre 1989.

Leonardo en chiffres

Leonardo da Vinci est un programme d'action communautaire concernant la formation professionnelle. Pour la période 2000-2006, il est doté d'un budget de 1,15 milliard d'euros pour l'ensemble des pays participant au programme.

L'agence Socrates-Leonardo France a géré pour le programme Leonardo en 2001 un budget de 16 211 379 euros, dont 15 959 838 euros provenant de la caisse de la Commission européenne et 251 541 euros de crédits de l'État français et des conseils régionaux.

Dans le cadre d'un projet pilote Leonardo, il s'agit toujours d'un cofinancement, l'Union peut contribuer à hauteur de 75 % des dépenses avec un plafond à 200 000 euros par an.

FORMATION

Clinipass, un projet innovant

Conçu en 2001, à partir d'une initiative belge, le projet Clinipass est financé par le programme Leonardo. Le projet regroupe des centres de formation infirmiers de six pays : Belgique, Bulgarie, Espagne, France, Italie, Portugal. L'Ifsi de Saint-Malo est le partenaire français du projet. « Nous sommes aussi en lien avec les établissements hospitaliers, comme le Centre hospitalier chrétien à Bruxelles, explique Anne Lekeux qui est la coordinatrice du projet à la Haute École Mosane d'enseignement supérieur à Bruxelles. Car il est important d'être en contact avec le terrain pour tout projet touchant à la formation. » L'intitulé complet de Clinipass est le suivant : « De la théorie à la pratique infirmière, processus d'apprentissage clinique novateur et facilitateur d'intégration professionnelle. » Clinipass a trois objectifs : « Il doit favoriser l'insertion des stagiaires, des jeunes diplômés et des infirmières reprenant une activité, améliorer la qualité de la formation professionnelle continue en soins infirmiers, et accroître la capacité d'adaptation des infirmières aux changements technologiques et organisationnels. » Pour cela, des séminaires sont menés entre les partenaires pour rédiger un référentiel sur les compétences cliniques et les stratégies d'apprentissage, un site web a été mis en ligne (http://www.hemes.be/clinipass). Le groupe de travail en est actuellement à la création d'outils informatiques d'autoformation et d'enseignement continu à distance.

FORUM

Brainstorming en Autriche

Depuis 1998, plus de 400 décideurs du monde de la santé se réunissent chaque année en Autriche dans la vallée de Gastein pour des débats. Commissaire européen, membres de la Direction générale santé et protection des consommateurs, associations européennes oeuvrant dans le domaine de la santé (professionnels, institutions, patients), entreprises privées... Tout ce petit monde se remue les méninges pour « créer un meilleur futur pour la santé en Europe » (« Creating a better future for health in Europe »). Ainsi, du 1er au 4 octobre 2003, les esprits se sont agités au sujet « des dimensions économiques et sociales de la santé ». Le septième congrès a lieu du 6 au 9 octobre 2004 sur le thème suivant : « Approches et responsabilités européennes » en matière de santé évidemment.

http://www.ehfg.org

En savoir plus

> La Santé en Europe, édité par la Documentation française. 1994.

> L'Hôpital public français et le droit communautaire. Anastassia Makarouni. Éditions Economica. 1997.

> État des lieux de la coopération transfrontalière sanitaire, par la mission opérationnelle transfrontalière en 2001. Éditions ENSP.

> Travailler dans l'Union européenne, mode d'emploi pour les professionnels de santé. Les Guides de l'AP-HP. 2001.

> « Vers une Europe de la santé », L'Infirmière magazine, n° 156, janvier 2001, pp. 28-32.

> « Da Vinci et ses cadres », L'Infirmière Magazine, n° 189, janvier 2004, p. 15.

> « Europe cherche infirmières ! », L'Infirmière magazine, n° 182, mai 2003, pp. 36-40.

> « L'Espagne entre précarité et pénurie », L'Infirmière magazine, n° 164, pp. 35-37.

> « Europe, les agressions à l'index », supplément au n° 187 de L'Infirmière magazine, novembre 2003.

> Le Livre vert sur les services d'intérêt général. Commission des communautés européennes. 2003.

> Le comité européen de liaisons sur les services d'intérêt général (Celsig) publie une lettre d'information bilingue (français-anglais) Nouvelles-News-Europe. (http://www.celsig.org)

> La mission opérationnelle transfrontalière publie une lettre d'information, L'Actualité transfrontalière (http://www.espaces-transfrontaliers.org).

> http://www.europe.gouv.fr

> europa.eu.int

> http://www.europhamili.org