La maladie de Parkinson - L'Infirmière Magazine n° 193 du 01/05/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 193 du 01/05/2004

 

Neurologie

Cours

La maladie de Parkinson est la seconde maladie neurodégénérative la plus courante en France, après les démences de type Alzheimer. Le vieillissement de la population devrait entraîner un accroissement du phénomène. Conseils pour une prise en charge optimale.

On n'a toujours pas mis en lumière la cause initiale de survenue de la maladie de Parkinson idiopathique. Environ 6 000 à 9 000 nouveaux cas sont diagnostiqués par an en France, pour un total de personnes atteintes compris entre 100 000 et 125 000.

DONNÉES GÉNÉRALES

De nombreuses études ont néanmoins déterminé un type de personnalité prémorbide. Il s'agirait de sujets ayant une personnalité qu'on peut qualifier de rigide : plutôt introvertis, ayant une tendance à la sédentarité, travailleur acharné, perfectionniste, timoré, précautionneux, attaché à un grand conformisme social. Ces éléments sont néanmoins à prendre avec précautions. La maladie débutant longtemps avant l'apparition des premiers symptômes identifiables, il n'est pas impossible que ces traits de caractères soient liés à une carence en dopamine.

Ratios. Le début des symptômes identifiables apparaît en général entre 50 et 70 ans, avec une moyenne de 55 ans. Lorsque ces signes apparaissent avant 40 ans, on parle de forme précoce. Exceptionnellement, on observe des cas dits « juvéniles », survenus avant 20 ans. Les taux d'atteinte sont équivalents entre les hommes et les femmes.

Mortalité. La mortalité est estimée de 0,5 à 3,8 pour 100 000 habitants, données variables selon les pays. La durée moyenne de la maladie a considérablement augmenté depuis l'introduction de la L-dopa. Elle est passée de 9 à 10 ans avant l'utilisation de la L-dopa, à 14-15 ans à l'heure actuelle. Le risque de décès est passé dans le même temps de 3 à 1,5 %, soit une diminution de moitié.

MORT NEURONALE NATURELLE ?

À 75 ans, il est parfaitement normal de ne plus posséder que 40 % de son pool neuronal dopaminergique initial. Cela ne signifie pas qu'on soit atteint de la maladie de Parkinson. Ce syndrome n'apparaît que lorsque le sujet a perdu plus de 80 % de son pool neuronal. Il est donc la conséquence de la mort massive de certains neurones, en particulier les neurones dopaminergiques. Actuellement, on en recherche la cause dans des mécanismes toxiques et génétiques.

Mécanismes toxiques. Manganèse, monoxyde de carbone, disulfide de carbone, acide cyanhydrique et méthanol sont des substances toxiques entraînant des troubles neurologiques ; une exposition professionnelle au plomb, au cuivre, à l'acier et surtout au manganèse pendant plus de 20 ans, semble augmenter notablement le risque de survenue de maladie de Parkinson. Cela dit, aucune de ces substances n'a pu, encore, être directement mise en cause avec certitude.

Mécanismes génétiques. Il existe une susceptibilité génétique : dans 10 % des cas, on retrouve un antécédent familial chez les sujets atteints. Lors d'études faites sur des jumeaux, la concordance clinique est néanmoins faible. Chez les jumeaux monozygotes, on trouve une concordance de 8 à 15 %. Cependant, en cas de début avant 50 ans, le risque relatif augmente jusqu'à 6, ce qui amène la concordance à 100 %.

Si on utilise des moyens élaborés de diagnostic, type Pet Scan à la fluorodopa, la concordance entre les jumeaux augmente considérablement : elle est alors de 45 à 55 % pour les monozygotes et de 18 à 33 % pour les hétérozygotes.

Stress oxydant. La cause de mort neuronale la plus couramment retenue à l'heure actuelle est liée à l'hypothèse du stress oxydant, en raison de l'action délétère des radicaux libres : des substances chimiques possédant un électron libre qui réagit fortement avec les tissus, entraînant une destruction cellulaire. Il s'agit d'un dysfonctionnement des mécanismes de dégradation. Les neurones dopaminergiques et la substance noire semblent particulièrement sensibles à cette action.

DIAGNOSTIQUER

Divers éléments sont essentiels au diagnostic du syndrome parkinsonien.

- Akinésie et bradykinésie (retard et lenteur à l'exécution d'un mouvement volontaire avec réduction progressive en vitesse et amplitude des mouvements répétés).

Et, au moins, un des signes suivants :

- Rigidité musculaire ;

- Tremblement de repos, avec une fréquence de 4 à 6 hertz ;

- Instabilité posturale non expliquée par un trouble visuel, vestibulaire, cérébelleux ou proprioceptif.

Avec :

- Début unilatéral ;

- Présence d'un tremblement de repos ;

- Évolution progressive ;

- Asymétrie persistante.

AFFECTIONS INTERCURRENTES

L'état du patient, déjà fragilisé par la maladie de Parkinson, est encore altéré par la survenue d'une autre pathologie. Il est nécessaire, en particulier, d'être extrêmement attentif à l'apparition d'infections, quelles qu'elles soient. On pratiquera ainsi des fréquents examens de type ECBU, radiographies du thorax, radiographies des sinus, etc. En cas d'infection avérée, le patient sera systématiquement traité.

Complications du décubitus. De plus, le risque de complications de décubitus (phlébites, embolie pulmonaire, pneumopathies, infections urinaires, escarres) étant également plus élevé que sur la moyenne de la population, il est indispensable de mettre en place une politique active de prévention, dès l'alitement, dont on limitera la durée autant que possible.

Effets des traitements. Les glaucomes et adénomes prostatiques peuvent être décompensés par les traitements anticholinergiques. Dans ces cas, ceux-ci seront contre-indiqués. La prescription de L-dopa ou d'antagonistes dopaminergiques donnera lieu à beaucoup de prudence. En revanche, les cardiopathies ne sont pas des contre-indications au traitement dopaminergique. D'autre part, chez un sujet traité pour une hypertension artérielle, qui développerait une maladie de Parkinson, il est indispensable de faire pratiquer une mesure ambulatoire de pression artérielle sur 24 heures, à cause des risques d'hypotension orthostatique.

Dans tous les cas, le traitement de l'hypertension sera reconsidéré. Enfin, la préexistence de troubles psychiatriques engendre des problèmes thérapeutiques complexes.

ÉCHELLES D'ÉVALUATION

On tente de mesurer la déficience clinique, l'incapacité manifestée par le retentissement de la maladie sur les activités quotidiennes, et le handicap à proprement parler, manifesté par le retentissement sur la qualité de vie du malade.

Dans les tests, les praticiens chronomètrent le temps que mettent les sujets à réaliser des tâches, de type pronosupination, pianotage, se lever et faire le tour d'une chaise et se rasseoir, marcher dix mètres.

Les échelles sont de plusieurs types :

- Échelle globale : UPDRS (United Parkinson's Disease Rating Scale). Apprécie la progression de la maladie et l'efficacité du traitement (voir plus bas) ;

- Échelles neuropsychologiques : MMS (Mini Mental Status), Breff (Batterie d'efficience frontale), et Mattis ;

- Échelle humeur : Hamilton et MADRS, qui évaluent l'état dépressif ;

- Échelles de qualité de la vie : PDQ 39 et PDQ 8.

CONSEILS DIÉTÉTIQUES

Le principe du régime repose sur la suppression au petit-déjeuner et au déjeuner de toutes les protéines animales : lait ordinaire, produits laitiers, fromage, viande, poisson, oeuf. Il faut contrôler l'apport protidique végétal de ces deux repas : pain, céréales, légumes secs et apporter la majeure partie des protéines à partir du dîner.

Conseils généraux.

- Manger dans le calme en mastiquant correctement chaque bouchée ;

- Prendre au moins trois repas par jour à heures régulières, si possible y associer une ou plusieurs collations (matinée, après-midi, soirée) ;

- Préparer les aliments de façon agréable et très variée ;

- Boire au moins 1,5 litre d'eau par jour et commencer la journée avec un grand verre d'eau à jeun ;

- Se peser régulièrement dans les mêmes conditions (même heure, même tenue).

Choix des aliments du matin et midi.

Aliments interdits.

- Lait et produits laitiers : lait ordinaire, yaourts, petits-suisses, fromage blanc, demi-sel, tous les fromages, desserts lactés du commerce, flans, entremets, glaces;

- Viandes, abats, charcuteries, plats cuisinés du commerce ;

- Poissons, coquillages et crustacés ;

- OEufs de poule, de caille et préparations à base d'oeuf (pâtisseries, entremets...) ;

- Légumes secs (lentilles, haricots blancs...) ;

- Fruits oléagineux (amandes, noisettes).

Aliments à limiter.

- Pains et céréales, semoule, riz, pâtes, biscottes, gâteaux secs...

- Pommes de terre.

Aliments permis.

- Matières grasses : beurre, huile, margarine, crème fraîche...

- Produits sucrés : sucre, confiture, gelée, miel, bonbons, sorbets de fruits...

- Légumes frais ;

- Fruits frais et fruits secs (pruneaux, dattes...) ;

- Lait : lait hypoprotidique Dalia (laboratoire Taranis) en pharmacie, à utiliser pur, mélangé avec du thé ou du café ou en préparation (béchamel, flan...).

Choix des aliments pour dîner. Tous les aliments sont permis. Manger surtout les aliments protéiques interdits avant le dîner : viande, poisson, oeufs, laitages...

Répartition des aliments dans la journée.

Petit-déjeuner.

- Café ou thé sucré ;

- 50 g de pain ou équivalent ;

- Beurre ;

- Confiture ou miel ;

- Lait Dalia (éventuellement).

Collation matinée. Un fruit frais, en jus ou en compote.

Déjeuner.

- 100 g de crudités assaisonnées ou un potage ;

- 150 g de légumes verts ;

- 150 de pommes de terre, pâtes, riz, semoule ou légumes secs ou 50 g de pain ;

- 150 g de fruits ou compote.

Collation après-midi. Un fruit frais, en jus ou en compote.

Dîner.

- Entrée (potage, crudités, charcuterie) ;

- 150 g de viande, poisson, oeufs ;

- 150 à 200 g de légumes en accompagnement ;

- 50 g de fromage ;

- Un yaourt, petit-suisse, fromage blanc ou dessert lacté ;

- 50 g de pain.

Collation soirée. Un grand verre de lait normal ou un fromage frais + biscuits ou fromage et pain.

Équivalences.

- 100 g de viande = 100 g de poisson = 2 oeufs ;

- 50 g de pain = 4 biscottes = 150 g de riz, pâtes, pommes de terre, semoule, légume sec ;

- 10 g de beurre = 10 g de margarine = 2 cuillers à café d'huile = 1 cuiller à soupe de crème fraîche.

TRAITEMENTS

Il existe deux types de traitements principaux : les traitements médicaux et les traitements chirurgicaux. Parmi les perspectives intéressantes, les greffes neuronales.

Traitements médicaux.

L-dopa. La L-dopa est rapidement absorbée au niveau jéjunal, pour atteindre un pic plasmatique après 30 à 120 minutes. L'acidité gastrique, les repas riches en protéines et certains acides aminés retardent la résorption du produit.

Ses effets indésirables :

- Liés aux effets périphériques de la dopamine (nausées, vomissements, hypotension orthostatique, tachycardie rarement, coloration brun orangée des urines fréquente).

- Liés aux effets centraux (états confusionnels et hallucinations, fluctuations motrices et dyskinésies à long terme).

Interactions médicamenteuses :

- Les neuroleptiques antagonisent l'action de la L-dopa ;

- Les IMAO non sélectifs entraînent une hypertension paroxystique grave ;

- Les anti-hypertenseurs majorent l'effet hypotenseur de la L-dopa ;

- Les psychotropes favorisent les syndromes confusionnels ;

- La réserpine (Tensionorme®) inhibe la L-dopa ;

- Les macrolides modifient la cinétique et la biodisponibilité.

Contre-indications :

Aucune contre-indication formelle, en dehors de l'allaitement.

Contre-indications relatives (variables selon le type de médicament utilisé) :

- Infarctus du myocarde en phase aiguë ;

- Psychoses graves, confusions, démences ;

- Mélanome.

La L-dopa existe également sous d'autres formes : formes à libération prolongée, forme dispersible, et prochainement, en forme soluble.

Agonistes dopaminergiques. Ils permettent d'augmenter la transmission dopaminergique en stimulant directement les récepteurs dopaminergiques post-synaptiques.

Ils sont de plusieurs types :

- Les dérivés ergotés (bromocriptine, lisuride, pergolide, cabergoline) ;

- Les dérivés non ergotés (amantadine, apomorphine, piribédil, pramipexole, ropirinole).

Inhibiteurs de la mono-amino-oxydase (IMAO B). La sélégiline renforce l'action de la dopamine grâce à son action symptomatique, permettant de réduire les doses de L-dopa de 10 à 15 %.

Inhibiteurs de la cathécol-O-méthyl-transférase (ICOMT). Les ICOMT (entacapone, tolcapone) augmentent l'intensité de l'effet de chaque prise de L-dopa chez les patients ayant des akinésies de fin de prise et des effets « on-off ».

Anticholinergiques. Indiqués de manière restreinte pour le tremblement du sujet jeune.

Autres traitements médicamenteux. De nombreuses molécules font l'objet d'étude à l'heure actuelle. Certaines molécules sont déjà commercialisées dans d'autres indications (antagonistes des récepteurs NMDA, antiglutamates, antioxydants).

Traitements chirurgicaux. Ils font un retour en force depuis le début des années 90. Leur principe général consiste à bloquer une des structures du circuit nigro-strio-pallido-thalamique, dont l'hyperactivité est responsable de la symptomatologie. Le traitement neurochirurgical associe les techniques neuroradiologiques et neurophysiologiques.

Ils sont indiqués dans l'existence d'une maladie invalidante, mal contrôlée par un traitement bien conduit avec des fluctuations d'effet, mais conservant une bonne dopasensibilité. Les différentes possibilités médicamenteuses doivent avoir été essayées.

Perspectives d'avenir : les greffes neuronales. Elles prendront certainement une part importante dans l'arsenal thérapeutique dans quelques années. À l'heure actuelle, les chercheurs n'en sont qu'à l'expérimentation et aux essais cliniques limités. 400 à 500 patients dans le monde ont déjà reçu une allogreffe dans les dix dernières années. En France, seul l'hôpital Henri-Mondor de Créteil a reçu l'autorisation de poursuivre cette expérimentation. Le bénéfice clinique est immédiat mais augmente avec le temps. Cette méthode s'adresse principalement à des sujets jeunes, porteurs d'une forme sévère de la maladie.

Conduite automobile

Il s'agit d'une activité partiellement sous-corticale, automatisée par l'apprentissage. Or, ces fonctions peuvent être altérées dans la maladie de Parkinson. Les soignants, et surtout le médecin, devront donc pouvoir conseiller leur patient sur sa capacité à conduire.

Après les cinq premières années :

* Allongement des temps de réaction, diminution de la force et de la vitesse du mouvement, possibilité de réaction erronée. Le temps de freinage augmente d'environ 30 %.

* Difficultés motrices : lenteur des mouvements. La rigidité axiale entraîne des difficultés pour tourner la tête et faire une marche arrière. L'utilisation des pédales est moins aisée : le pied tremble et reste collé à l'embrayage ou à l'accélérateur.

Un cas rare : la grossesse

> La mère

Le cas étant rare, il n'existe pas de données épidémiologiques humaines réelles. Cependant, il semble que les symptômes extra-pyramidaux soient majorés dans 60 % des cas. On ne sait pas si cette augmentation est due à la grossesse ou à l'aménagement thérapeutique nécessaire dans cette situation. L'aggravation ne régresse pas toujours après la grossesse. En revanche, la gestation et l'accouchement ne semblent pas poser de problèmes, du moins jusqu'au stade 3 de Hoehn et Yahr.

> L'enfant

Ce n'est pas la maladie par elle-même qui pose des problèmes au développement foetal, mais le traitement. En effet, on a pu observer des malformations ou des toxicités liées à la plupart des substances existantes, sauf pour la bromocripine qui ne pose pas de problèmes. Un risque de retard à l'élimination du méconium, de tachycardie, voire d'iléus paralytique, existe chez les nouveau-nés dont la mère est traitée aux anticholinergiques, qui sont cependant utilisables.

> Une marge de sécurité

Il est à noter, cependant, que ces résultats émanent d'études sur des espèces animales, soumises à des doses de médicaments 10 à 20 fois supérieures à celles utilisées habituellement. En 1998, une revue publiait une étude portant sur 35 grossesses, au terme de laquelle aucune malformation n'a été constatée, quelles que soient les traitements ou les dosages utilisés.

Critères d'exclusion diagnostique

> Antécédents d'accidents vasculaires cérébraux répétés.

> Progression de la maladie par à-coups.

> Antécédents de traumatismes crâniens répétés.

> Antécédent certain d'encéphalite.

> Crises oculogyres.

> Traitements neuroleptiques lors de l'apparition des premiers symptômes.

> Rémission prolongée.

> Symptômes strictement unilatéraux après trois ans d'évolution.

> Paralysie supranucléaire du regard.

> Syndrome cérébelleux.

> Dysautonomie sévère et précoce.

> Démence sévère et précoce.

> Signe de Babinski.

> Tumeur cérébrale ou hydrocéphalie à l'imagerie cérébrale.

> Absence d'amélioration sous forte dose de L-dopa.

> Exposition au MPTP.

Rôle du tabac : une énigme

Les parkinsoniens sont plutôt des non-fumeurs. Épidémiologiquement, il est possible que les parkinsoniens fumeurs décèdent plus précocement que les non-fumeurs. Explication neuropsychologique : la personnalité prémorbide du parkinsonien inclurait le fait d'être non-fumeur. Cependant, cette constatation a amené des chercheurs à établir des liens biologiques éventuels entre le fait de fumer et la possible protection contre la maladie :

- La nicotine augmenterait la synthèse de la dopamine ;

- La nicotine diminuerait la production de radicaux libres ;

- La nicotine aurait une action comparable à celle des IMAO B ;

- Le monoxyde de carbone piégerait les radicaux libres.