Les mélanomes - L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Cours

L'augmentation continue de l'incidence des mélanomes impose d'intensifier d'urgence les mesures de prévention et de dépistage individuelles. Les infirmières peuvent contribuer à l'information préventive, l'éducation à l'autosurveillance et au repérage de ce cancer.

Le mélanome est une tumeur constituée de mélanocytes, cellules qui produisent les pigments mélaniques (mélanines) responsables de la pigmentation de la peau. Il représente 8 % des cancers cutanés (la plupart sont des épithéliomas, cf. encadré p. V) et 2 % de l'ensemble des tumeurs malignes. Il se développe dans la majorité des cas à la surface de la peau, soit par la survenue soudaine d'une tache cutanée qui s'étend et s'épaissit de manière irrégulière, soit à partir d'un nævus nævicellulaire(1) préexistant, plus communément appelé grain de beauté. Beaucoup plus rarement, il apparaît sur des muqueuses (muqueuses du nez ou de la bouche, vulve) ou dans l'oeil. Malgré les campagnes de prévention qui rappellent chaque année l'impact de l'exposition so- laire sur la survenue de ces cancers, l'incidence du mélanome continue d'augmenter partout dans le monde, aussi bien chez l'homme que chez la femme. Il concerne principalement le tronc chez l'homme (47 % des mélanomes masculins) et les membres inférieurs chez la femme (37 % des mélanomes féminins).

PLUS DE 7 000 NOUVEAUX CAS PAR AN

En France, plus de 7 200 nouveaux cas de mélanomes cutanés ont été enregistrés sur l'année 2000, dont 42 % chez l'homme et 58 % chez la femme. Le taux d'incidence de ce cancer est de 9,5/100 000 chez la femme et 7,6/100 000 chez l'homme(2). Comparés aux autres pays européens, ces taux situent la France à un niveau intermédiaire entre les pays d'Europe du Nord qui présentent des taux d'incidence élevés et les pays d'Europe du Sud, dont les taux sont nettement plus faibles(3). Cela dit, toute population confondue, l'incidence de ce cancer ne cesse d'augmenter. Selon le Programme américain de surveillance épidémiologique des cancers (SEER), elle a progressé de 300 % chez l'homme et 190 % chez la femme entre 1947 et 1985, et globalement de 70 % entre 1985 et 1995. En France, entre 1978 et 2000, l'incidence du mélanome a augmenté de 5,9 % par an chez l'homme, et de 4,3 % par an chez la femme. Le gradient nord/sud observé entre les pays d'Europe se retrouve au niveau de la France, les incidences les plus élevées se situant dans des régions (Alsace, Manche, Jura) où les populations ont une peau plus claire et sont naturellement moins bien armées contre le soleil. Face à ce constat préoccupant, on pourrait presque trouver les chiffres de mortalité réconfortants dans la mesure où ils augmentent moins que l'incidence(4), et tendent à démontrer que le dépistage joue son rôle, induisant un meilleur pronostic individuel (la survie à cinq ans est passée de 40 % en 1945 à plus de 80 % en 1983). L'analyse des données d'incidence met quant à elle en évidence l'importance du phototype (cf. encadré p. IV) comme facteur de risque dans la survenue du mélanome, les populations nordiques à peau claire présentant une incidence supérieure aux populations du Sud à peau pigmentée. Elle suggère également que les campagnes de prévention primaire, premier traitement du mélanome, sont relativement peu efficaces. « De toute évidence, commente le Pr Jean-Jacques Grob, dermatologue à Marseille (Hôpital Sainte-Marguerite), la prévention primaire n'atteint pas ses objectifs. Il faut donc redoubler d'efforts : d'une part, parce que la prévention primaire est toujours longue à porter ses fruits et que dans un contexte associant bronzage à santé (!), "sex appeal" et bénéfice social, le changement de comportement ne pourra s'opérer qu'à la faveur d'une action persévérante, durable et documentée ; d'autre part, parce que tant que la prévention primaire reste inopérante(5), le seul moyen de sauver des vies consiste à renforcer le repérage des sujets à risque et des cas suspects pour favoriser le dépistage et le diagnostic précoce des lésions à un stade intra-épidermique, voire micro-invasif (tumeur < 0,50 mm) (cf. encadré p. VII) associés à un bon pronostic. »

REPÉRER LES SUJETS À RISQUE

Dans la majorité des cas, le mélanome présente l'avantage d'être visuellement repérable et de permettre une identification facile des sujets à risque. « Les soignants comme les médecins voient tous, à l'occasion des consultations ou des soins, des milliers voire des millions de grains de beauté au milieu desquels, une fois sur 100 000, se glisse un mélanome, commente le Pr Grob. Ils sont donc aux premières loges pour repérer le loup dans la bergerie. » Des études suédoises(7) montrent que des infirmières formées et sensibilisées à la démarche de prévention du mélanome s'avèrent extrêmement efficaces dans la reconnaissance des lésions suspectes, et favorisent ainsi le diagnostic précoce de nombreux mélanomes en dehors de toute problématique dermatologique. Il est donc indispensable, quel que soit leur discipline ou leur mode d'exercice (les infirmières scolaires et du travail sont aussi très concernées) que les soignants connaissent les facteurs de risque de développement d'un mélanome, et sachent sur quels critères fonder le repérage d'une tache ou d'un nævus suspects.

Facteurs de risque constitutionnels.

Nombre et type de nævus. Le risque de développer un mélanome est proportionnel au nombre de nævus visibles sur la peau, qui est lui-même déterminé par des facteurs génétiques et environnementaux (exposition solaire dans l'enfance). Ainsi, une personne ayant 120 nævus présente environ 15 % de risques de faire un mélanome. Par ailleurs, le type de nævus, commun, atypique ou congénital, renseigne également sur le risque individuel de développer un mélanome. Si les nævus communs (taille < 5 mm, couleur homogène, surface régulière, contours nets et arrondis) sont généralement bénins, en revanche, la présence de nævus atypiques qualifiés de dysplasiques (7 à 9 % de la population) et de nævus congénitaux de grande taille (10 % des nouveaux nés) constitue un facteur de risque et impose une surveillance rapprochée. Les nævus atypiques ressemblent cliniquement à des mélanomes (taille > 5 mm, souvent polychromes, surface et contours irréguliers). Ils sont généralement nombreux (on parle alors de syndrome des nævus atypiques) et sont souvent associés à de multiples grains de beauté communs. Toutefois, il ne serait pas justifié de les retirer de façon systématique, car les études de seuil montrent que cela représenterait un coût disproportionné par rapport au bénéfice attendu (mélanomes détectés). Ils doivent être régulièrement contrôlés et faire l'objet d'une exérèse justifiée au cas par cas. « En fait, explique le Pr Grob, le seul nævus présentant un risque majeur d'évolution maligne justifiant cliniquement un retrait préventif économiquement acceptable, est le nævus congénital géant (il couvre plus de 5 % de la surface corporelle et son diamètre est supérieur à 20 cm). Malheureusement, en dépit des progrès de la chirurgie plastique, la taille de ces nævus rend techniquement difficile, voire impossible leur exérèse chirurgicale. Qui plus est, cette exérèse n'éliminerait pas entièrement le risque, dans la mesure où ces nævus touchent généralement le névraxe (cerveau, tronc cérébral, moelle épinière). »

Génétique. Une prédisposition familiale existe dans 10 % des cas de mélanome. Cela signifie qu'un individu appartenant à une famille où au moins deux personnes sur trois générations ont développé un mélanome présente lui-même un risque multiplié par huit.

Pour l'heure, bien que plusieurs gènes de susceptibilité aient été identifiés, il est encore impossible d'envisager un diagnostic de prédisposition utilisable en pratique courante.

Phototype. La sensibilité au soleil est aussi transmise génétiquement. Elle s'exprime par le phototype, les sujets les plus sensibles et donc les plus à risque, répondant aux critères : peau claire, yeux clairs, taches de rousseur et cheveux blonds ou roux.

Lengitines. La présence de lengitines (lésions consécutives à une brûlure solaire) constitue un marqueur de risque d'autant plus important qu'il est associé à un phototype lui-même à risque (type 1 ou 2).

Antécédents de mélanomes. 3 % des patients ayant déjà eu un mélanome développent un second mélanome primitif justifiant une surveillance particulièrement étroite.

Facteurs de risque environnementaux.

Exposition solaire naturelle. À terrain génétique égal, une exposition solaire plus importante dans l'enfance va générer plus de nævus et donc accroître le risque de mélanome. Un processus d'autant plus redoutable que la dose annuelle d'ultraviolets (UV) reçue par un enfant est trois fois supérieure à celle reçue par un adulte, et que près de la moitié de l'exposition UV cumulée au cours de la vie est délivrée avant l'âge de 20 ans(8). Les UV (UVA et UVB) (cf. encadré p. VI) jouent en effet un rôle déterminant dans la genèse des mélanomes en provoquant des altérations de l'ADN cellulaire. Ces altérations consécutives à des expositions brutales, intenses et intermittentes, sont mémorisées par la peau, s'accumulent au fil des ans et épuisent progressivement les systèmes de défense naturels de la peau, entraînant un accroissement du risque de mélanome à l'âge adulte.

Exposition solaire artificielle. Bien que les UVB, classiquement plus dangereux, soient filtrés, cette exposition à vocation purement esthétique ou thérapeutique (on traite entre autres le psoriasis par PUVAthérapie) favorise la survenue des mélanomes. Une étude conduite dans les années 1990 par l'équipe du Dr Alain Sarrazin (CNRS, IGR, Villejuif) montre en effet que les UVA induisent autant de mutations au niveau des cellules de la peau que les UVB, et qu'au-delà de dix heures d'exposition par an, ces UV artificiels multiplient par trois le risque de développer un mélanome par rapport à une personne jamais exposée. Autrement dit, bien que l'usage des cabines de bronzage soit réglementé depuis 1996(9), il est préférable, en dehors des indications thérapeutiques médicalement encadrées, d'éviter les séances d'UV artificiels.

Critères de repérage d'un nævus suspect. Si repérer un mélanome au stade de tumeur noire, volumineuse et saignante au contact, est à la portée de n'importe quel soignant, ce repérage ne change rien car à ce stade, en l'absence de traitement curatif, le pronostic est d'emblée péjoratif. C'est donc en amont qu'il faut réagir à un stade où le tableau clinique est moins évident, mais où il est néanmoins possible d'isoler un nævus suspect à partir d'un système de reconnaissance globale fondé sur un faisceau d'indices. « Le premier de ces indices c'est le "vilain petit canard", explique le Pr Grob. Chaque individu peut avoir au plus deux types de nævus différents regroupant chacun des grains de beauté ayant un air de famille au niveau de la forme, de la couleur et de l'apparence générale. Dès lors, celui qui ne ressemble à aucun autre, donc, qui saute aux yeux, mérite qu'on s'y intéresse. Il y a de fortes présomptions pour qu'il s'agisse d'un mélanome justifiant d'orienter le patient vers une consultation spécialisée si, en plus, il est globalement irrégulier et a subi, aux dires du patient, une modification récente de sa forme, de sa taille (un diamètre supérieur à 6 mm est suspect), de son relief, de son épaisseur et/ou de sa couleur (une couleur hétérogène avec des teintes variant du brun au noir ou des zones rouges inflammatoires, bleutées ou cicatricielles blanchâtres constituent des signes d'alerte). De même, des démangeaisons ou un saignement non traumatique doivent alerter. Par ailleurs, il faut également savoir qu'un mélanome peut se développer au niveau de la matrice de l'ongle et peut être évoqué en présence d'une bande pigmentée unguéale de plus de 5 mm(10). »

DU DIAGNOSTIC AU PRONOSTIC

La confirmation du diagnostic repose sur l'exérèse chirurgicale complète de la lésion suspecte. Celle-ci peut être réalisée en ville par le dermatologue, sous anesthésie locale. Une biopsie partielle à visée diagnostique peut être réalisée en présence de lésions de grande taille au niveau du visage, de la paume des mains ou de la plante des pieds, dont l'exérèse totale est délicate et expose à de grands délabrements. C'est aussi la méthode diagnostique utilisée pour les lésions unguéales et péri-unguéales. Elle n'est pas conseillée dans les autres cas, car l'examen partiel d'une lésion mélanocytaire peut entraîner des faux négatifs. Qui plus est, lorsque l'examen histologique révèle un mélanome, il est important de disposer de l'intégralité de la lésion pour mesurer l'épaisseur de la tumeur. « Cette information est capitale, souligne le Dr Sandrine Monestier, chef de clinique-assistante dans le service de dermatologie de l'hôpital Sainte-Marguerite. Parce qu'elle conditionne la prise en charge (cf. conduite à tenir p. IX), l'étendue de la marge d'exérèse est à respecter(11) lors de la reprise chirurgicale et le pronostic. Il existe en effet une corrélation étroite entre l'épaisseur de la tumeur (indice de Breslow), le risque de récidive et la mortalité par mélanome (cf. encadré p. VIII). »

RENFORCER LA PRÉVENTION

Le retard diagnostique a été, et est toujours, la cause principale de la mortalité par mélanome(12). En l'absence d'avancées thérapeutiques notables, les progrès obtenus dans le pronostic de ce cancer sont essentiellement liés au diagnostic précoce (prévention secondaire). Il faut donc mobiliser tous les acteurs susceptibles de promouvoir le diagnostic précoce du mélanome, car c'est actuellement la prévention secondaire qui présente le meilleur ratio coût/efficacité. Cela suppose qu'au-delà du rôle de repérage imparti aux soignants, ceux-ci s'investissent également dans l'éducation à l'autodépistage et à l'autosurveillance des sujets à risque. « L'information des populations sur les signes précoces du mélanome, qui impose une consultation urgente, est une stratégie efficace, souligne le Pr Grob. Le message à faire passer est assez simple et peut être basé sur les critères ABCD appliqués au "vilain petit canard", à savoir : un grain de beauté qui se démarque des autres et qui, en plus, présente une Asymétrie, des Bords irréguliers, une Couleur différente et un Diamètre supérieur à 6 mm. » Quant à l'autosurveillance des sujets à risque (syndrome des nævus atypiques, photopypes 1 et 2, nombreux nævus > 5 mm, antécédents personnels et familiaux de mélanome), elle peut s'opérer à l'aide d'un support photographique permettant, par comparaison entre la photo et le tégument, d'objectiver le changement récent d'un nævus préexistant ou l'apparition d'une nouvelle lésion. « Cette méthode iconographique est peu spécifique mais très sensible, poursuit le Pr Grob. Bien qu'elle ne soit ni évaluée ni prise en charge, elle a très vraisemblablement un très bon rapport coût/efficacité et mérite d'être largement développée. » Raison pour laquelle les dermatologues organisent annuellement une journée de sensibilisation au dépistage, qui montre l'intérêt et la faisabilité de l'autosurveillance, et insiste sur la nécessité de pratiquer deux à trois fois par an un auto-examen à la recherche d'une nouvelle lésion pigmentée évolutive, ou d'une modification d'aspect d'un nævus connu. Cet auto-examen doit être pratiqué nu en procédant par étapes successives permettant, à l'aide d'un miroir, de passer l'ensemble du corps en revue sans oublier les oreilles, les ongles (mains et pieds), les aisselles, le dessous des seins, la nuque, le dos, la région génitale, les fesses et la face postérieure des cuisses, ainsi que le dos et la plante des pieds. Quant au cuir chevelu, inaccessible à l'autosurveillance, il requiert l'intervention d'un tiers.

Toutefois, il est important de savoir que le diagnostic précoce, indépendamment des efforts consentis par les acteurs de santé, a des limites liées au comportement biologique de la tumeur elle-même. En effet, certains mélanomes, comme le mélanome nodulaire(13), ont une forme d'emblée invasive qui évolue très rapidement (quelques mois) sans phase d'extension superficielle, ce qui laisse peu de temps pour les dépister à un stade permettant d'envisager une guérison. La seule solution consiste donc à les éviter.

Raison pour laquelle il est indispensable de poursuivre et d'intensifier les actions de prévention primaire, visant à faire évoluer les comportements face à l'exposition solaire et à l'image du bronzage. Car pour l'heure, les campagnes de protection solaire, pour entraîner une meilleure connaissance, voire une meilleure attitude déclarée (« Je sais ce qu'il faut que je fasse... ») n'engendrent pas dans les actes un comportement protecteur cohérent («...Mais ce que je fais ne change rien »). Résultat, au lieu de se cacher du soleil, tout le monde utilise des crèmes protectrices et continue de se faire « griller » sur la plage.

EXPOSITION SOLAIRE : TOUTE UNE ÉDUCATION À FAIRE

« La difficulté face à l'image valorisante du bronzage, expliquent les spécialistes, ce n'est pas tant de faire entendre que les avantages immédiats du bronzage vont à terme provoquer un vieillissement prématuré de la peau, voire un mélanome, car la plupart des gens comprennent ce message. Le plus difficile vient du fait que pour se prémunir de ces risques ils ne sont pas prêts à ne plus s'exposer et préfèrent utiliser des filtres solaires performants. »

Ainsi, le marché des crèmes de protection solaire explose, mais l'incidence du mélanome ne diminue pas. Pour une raison simple : le produit miracle qui protège à 100 % et permet de bronzer n'existe pas. Car les crèmes de protection solaire ne sont pas conçues pour bronzer. Elles sont conçues pour protéger. Or, elles ne remplissent pas leur rôle, car elles sont mal utilisées. « En effet, pour bénéficier de l'indice de protection d'une crème solaire, commente le Pr Grob, il faudrait s'appliquer 2 mg au cm2 soit l'équivalent d'un tube par jour par personne ce qui n'est jamais le cas ! Qui plus est, si on utilise une dose inférieure à la dose efficace, on perd le bénéfice de l'indice de protection. Ainsi, par exemple, lorsqu'on applique 1 mg/cm2 soit 1/2 tube par jour d'un indice 60, on ne bénéficie plus que d'une protection d'indice 8 et pour 1/4 de dose, d'une protection d'indice 1 ! » Autant dire que l'usage qui est fait des crèmes solaires fait marcher le commerce, donne bonne conscience à ceux qui les emploient mais est complètement inadapté et totalement inefficace. Pour preuve, une étude réalisée dans un centre VVF montre que, quelle que soit la puissance de l'indice de protection des écrans solaires fournis (faible, fort, faible marqué fort, fort marqué faible), au terme de l'étude tout le monde est pareillement bronzé !

C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir pour faire changer les comportements et les modes d'exposition et de protection solaires.

Une mission de longue haleine face à laquelle les soignants doivent saisir toutes les opportunités pour rappeler les risques du soleil et les règles à respecter pour s'en protéger durablement : ne pas s'exposer volontairement pour bronzer, utiliser une protection vestimentaire (les vêtements foncés constituent une barrière efficace contre les UV) en cas d'activités extérieures prolongées, y compris aquatiques (70 à 80 % des UV agissent jusqu'à un mètre sous l'eau), éviter les expositions entre 11 heures et 16 heures, maintenir les enfants de moins de trois ans à l'ombre, et les protéger systématiquement à l'aide de vêtements ou de crème solaire appliquée en quantité suffisante, et renouvelée toutes les deux heures ou après chaque bain.

Et le Pr Grob de conclure que l'on n'a jamais vu un Touareg torse nu dans le désert, et qu'il convient sûrement de méditer sur la sagesse de ces peuples nomades. Pour avoir des vertus bienfaisantes, le soleil n'en est pas moins un faux ami qu'il convient de consommer avec modération !

En savoir plus

1- Un nævus ou grain de beauté est une prolifération bénigne de mélanocytes congénitaux ou acquis.

2- Source : BEH n° 2/2004.

3- Par exemple, le taux d'incidence du mélanome est de 14,3/100 000 pour les hommes et 16,1 pour les femmes en Norvège, contre 3,4 pour les hommes et 2,6 pour les femmes en Italie.

4- Entre 1978 et 2000, la mortalité par mélanome a enregistré une progression de l'ordre de 2,9 % par an chez l'homme et 2,2 % par an chez la femme. Bien que ce cancer prédomine chez la femme, la mortalité par mélanome est légèrement plus élevée chez l'homme : 704 décès (soit 52 %) contre 660 décès féminins. 47 % de ces décès concernent des sujets ayant moins de 65 ans. Ils prédominent en Bretagne, dans les Pays-de-Loire, en Basse Normandie et en Alsace, alors que les taux les plus faibles sont observés en Corse.

5- Dans certains pays comme la Suède ou l'Australie, on observe une légère cassure des courbes d'incidence, respectivement chez les jeunes et chez les femmes, qui marque peut-être le début d'un inversement de la courbe pour ces populations.

6- Source : Medec, mars 2004.

7- Études rapportées par le Dr Marie-Françoise Avril, chef du service de dermatologie de l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif) lors d'une conférence de presse organisée dans le cadre du Medec en mars 1999.

8- Source : conférence de presse « Soleil et peau de l'enfant », 1999.

9- Par décret du 7 mars 1996, le CSHPF fait obligation de contrôler régulièrement les appareils, de former le personnel chargé de les utiliser, et d'afficher en clair les risques inhérents aux expositions répétées aux UV artificiels.

10- Des bandes pigmentées multiples de petite taille sur les ongles ont en général une origine raciale ou iatrogène.

11- Cette marge, définie par la conférence de consensus de 1995, est fixée à 0,5 cm pour un mélanome intra-épidermique, 1 cm pour un mélanome d'épaisseur inférieure ou égale à 1 mm, 2 cm pour un mélanome compris entre 1 et 2 mm, 3 cm pour un mélanome de plus de 2 mm. Lorsque le mélanome est situé sur un ongle, un doigt ou un orteil, une amputation partielle est généralement nécessaire.

12- Source : Eurocancer 2002, Prévention secondaire : stratégie de dépistage précoce, J.-J. Grob.

13- Le mélanome nodulaire représente 15 à 20 % des mélanomes répertoriés en France. Il se présente d'emblée sous la forme d'une papule bleue-noire de forme assez régulière et de coloration homogène (mais peut être achromique ou rouge violacé). Il évolue en quelques mois et prend l'aspect d'un nodule en relief ulcéré et hémorragique. Son pronostic est sombre comme celui du mélanome des muqueuses (2 % des mélanomes) ou de l'oeil (1 %) dont la localisation inhabituelle engendre un diagnostic tardif. À l'inverse, le mélanome superficiel extensif (60 % des mélanomes), le mélanome de Dubreuilh (10 à 15 %) et le mélanome lentigineux des extrémités (5 %) évoluent plus lentement favorisant, à l'exception de ceux situés sur la plante des pieds, un dépistage précoce.

Phototypes

La peau de chaque individu correspond à un phototype précis. Il existe six phototypes différents. Les phototypes 1 et 2 présentent une sensibilité accrue aux UV qui les exposent davantage au risque de mélanome.

1) Type celte : peau très claire de type roux, taches de rousseur se développant rapidement, coups de soleil constants, ne bronze jamais.

2) Peau claire : coups de soleil constants, possibilité d'un léger hâle, apparition de taches de rousseur, brûle fréquemment, bronze difficilement.

3) Peau claire : bronzage facile, coups de soleil occasionnels.

4) Type méditerranéen : peau claire ou mate, cheveux bruns, yeux sombres, bronzage extrêmement rapide, coups de soleil exceptionnels.

5) Type asiatique : peau naturellement pigmentée brune.

6) Type négroïde : peau naturellement noire.

Épithéliomas : les principaux cancers cutanés

Les épithéliomas sont les cancers cutanés les plus fréquents (90 % des cas) mais aussi les moins graves. Traitées précocement par exérèse chirurgicale et radiothérapie, ces tumeurs guérissent dans la plupart des cas. Elles se développent au niveau de la couche basale à partir des kératinocytes (principales cellules de l'épiderme) et donnent des épithéliomas basocellulaires (EBC) dans 90 % des cas, et des épithéliomas spinocellulaires (ESC) dans 8 à 10 % des cas. Ils surviennent généralement après 50 ans et sont principalement liés aux expositions solaires cumulatives comme en connaissent certaines professions (agriculteur, maçon, marin...). Les EBC se présentent sous la forme d'une petite tumeur translucide (perle) de 1 à 5 mm environ, parcourue de quelques capillaires dilatés. Ils prédominent sur la face. Ils ont une malignité locale et la survenue de métastases reste exceptionnelle. Lentement évolutifs, ils peuvent néanmoins, à la suite d'un diagnostic tardif ou d'un traitement insuffisant, s'aggraver en épithéliomas basocellulaires térébrants (invasifs en profondeur), beaucoup plus graves, mais rares. Ils sont multiples chez une même personne dans 10 à 30 % des cas et surviennent soit simultanément, soit successivement à plusieurs années d'intervalle. La guérison, de règle dans 90 à 95 % des cas, doit donc être suivie d'une surveillance étroite. Les ESC apparaissent parfois sur des lésions préexistantes (cicatrices, brûlures, radiodermites, kératose sénile...), principalement au niveau du visage, du cou, des mains, de la muqueuse des lèvres et parfois, des organes génitaux externes. Dans 10 à 30 % des cas, ils s'accompagnent de métastases ganglionnaires, puis pulmonaires et hépatiques dont l'évolution est péjorative.

UVA et UVB : un effet cancérigène reconnu

Les UVA et les UVB ont une action différente mais peuvent, en finalité, entraîner les uns comme les autres des cancers cutanés.

> Les UVA ont une longueur d'ondes comprise entre 320 et 400 nanomètres (nm). Ils pénètrent en profondeur dans la peau et détruisent le collagène (élément du tissu conjonctif). 50 % d'entre eux atteignent les mélanocytes et stimulent l'oxydation de la mélanine qui accroît temporairement la pigmentation de la peau. Présents en quantité identique du lever au coucher du soleil, ils provoquent, à dose élevée, le vieillissement prématuré de la peau (rides).

> Les UVB stimulent également la production de mélanine mais beaucoup plus lentement que les UVA, car seulement 10 % d'entre eux atteignent les mélanocytes. Ils ont une longueur d'ondes de 295 à 320 nm et sont surtout émis entre 11 heures et 16 heures. Mille fois plus énergétiques que les UVA, ils sont à l'origine des coups de soleil et entraînent un vieillissement prématuré de la peau (taches pigmentées) en cas d'exposition importante.

Différents stades d'évolution du mélanome

Le mélanome se développe au niveau de la jonction dermo-épidermique (membrane basale) et progresse dans un premier temps en tache d'huile formant un mélanome intra-épidermique (stade I, tumeur primitive localisée) sans effraction de la membrane basale. À ce stade, le traitement chirurgical donne 100 % de guérison et le risque métastatique est nul (pas d'atteinte ganglionnaire ni de métastases viscérales). Dans un deuxième temps, la progression en nappe se poursuit et s'accompagne d'une invasion verticale avec effraction de la membrane basale et envahissement de la partie la plus superficielle du derme. Cette évolution s'opère sur une période plus ou moins longue selon les mélanomes. Le mélanome micro-invasif qui en résulte donne 90 % de guérison à cinq ans après traitement et présente un risque métastatique très limité. La troisième étape évolutive est marquée par la prolifération verticale de la tumeur au niveau des couches profondes du derme(1), voire de l'hypoderme. On est alors en présence d'un mélanome invasif, dont le pronostic est directement lié à l'épaisseur de la tumeur mesurée en mm d'après l'indice de Breslow.

1- Le derme est constitué de trois zones qui, de la plus superficielle à la plus profonde, sont : le derme papillaire, l'interface papillaire/réticulaire et le derme réticulaire.