Prise en charge d'un traumatisé crânien grave en réanimation - L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Surveillance

Conduites a tenir

Les traumatismes crâniens, qui plongent le patient dans le coma, provoquent deux types de lésions, primaires et secondaires. Outre la surveillance neurologique, l'infirmière doit porter une attention soutenue aux surveillances annexes, telle la température.

DÉFINITION

Le traumatisé crânien grave est une personne qui se trouve dans le coma (qui ne parle pas, n'obéit pas et n'ouvre pas les yeux) après un choc au niveau du crâne. On considère comme un traumatisé crânien grave une personne ayant un Glasgow < 8.

LES DIFFÉRENTS TYPES DE LÉSIONS

On distingue deux types de lésions chez le traumatisé crânien : les lésions primaires et secondaires.

Les lésions primaires. Elles sont directement liées au choc, à l'impact initial, qui peut entraîner des lésions axonales diffuses (étirements, cisaillements) ou des contusions cérébrales (ischémie locale, hémorragie, hématome).

Les lésions primaires sont irréversibles (destruction neuronale), aucun traitement spécifique n'est actuellement reconnu. Toutefois les hématomes seront évacués, une embarrure sera levée, et on drainera une éventuelle hydrocéphalie.

Les lésions secondaires. Elles surviennent après le choc initial. Elles peuvent être contrôlées et éventuellement corrigées. On distingue deux types de lésions : les intracrâniennes et les extracrâniennes. Leur point commun est l'ischémie cérébrale. Les premières regroupent les hématomes et l'oedème, les secondes sont regroupées sous le terme Acsos (agression cérébrale secondaire d'origine systémique).

On en compte essentiellement six :

- l'hypotension artérielle ;

- l'hypoxémie ;

- l'hypercapnie ;

- l'hypocapnie ;

- l'anémie ;

- l'hyperglycémie.

Ces lésions secondaires sont, si elles sont rapidement corrigées, réversibles. D'où l'intérêt de bien connaître la prise en charge infirmière adaptée.

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Surveillance neurologique attentive. Elle est basée sur l'observation du diamètre des pupilles, ainsi que leur symétrie et leur réactivité. L'association de cette surveillance avec la cotation du score de Glasgow permet de surveiller objectivement le patient. La surveillance de la pression intracrânienne (PIC) devra, elle aussi, attirer l'attention du soignant. La limite supérieure acceptable de la PIC est 25 mm de Hg. En parallèle, la pression de perfusion cérébrale (PPC) doit, elle aussi, être surveillée. Cette dernière correspond à l'équation suivante : PPC = PAM - PIC, soit la pression artérielle moyenne moins la pression intracrânienne.

Surveillances annexes, mais pas secondaires.

- La saturation pour prévenir l'hypoxie.

- La température entre 35 et 36 °C pour diminuer la consommation en oxygène.

- Les constantes, pression artérielle pour la PAM et le pouls pour dépister un éventuel engagement cérébral (bradycardie).

Le soignant surveille par prélèvement sanguin capillaire la glycémie pour prévenir l'hypoglycémie (souffrance cellulaire) ou hyperglycémie (production d'acide lactique), ainsi que l'hémoglobine qui doit rester > à 10 g/dl. On contrôle par prélèvement sanguin, l'hyponatrémie (risque d'oedème cérébral majoré) souvent liée à une dilution par remplissage peropératoire ou une hypernatrémie souvent induite par le mannitol ou par un diabète insipide. La gazométrie permet de contrôler l'optimisation de la ventilation. On cherchera à obtenir une PaO2 > à 100 mm de Hg et une PaCo2 à 35 mm de Hg (éviter l'hypoxie et l'hypercapnie).

La diurèse horaire et la densité urinaire seront vérifiées. On devra rester à des chiffres inférieurs à 4 ml/Kg/H de diurèse et à une densité supérieure ou égale à 1005 (attention à la polyurie induite par le remplissage ou le mannitol).

L'installation du patient dans son lit, au calme, avec un alignement tête, cou, tronc dans le même axe est primordial. Une proclive de 20 à 30 ° du haut du corps et aucun lien (pour la sonde d'intubation par exemple) au niveau des jugulaires facilite le flux sanguin, et donc une meilleure oxygénation cérébrale. Il est donc très important de veiller à une installation correcte de ce type de patient.

Toutes ces surveillances sont bien sûr des prescriptions médicales. Mais le bon sens et le savoir-faire des infirmières n'excluent pas de veiller scrupuleusement sur le patient et d'alerter le médecin-réanimateur au plus vite en cas de problème.

À RETENIR

L'infirmière doit veiller très attentivement sur son patient pour éviter les Acsos. Elle doit garder en tête qu'il faut « éviter le suraccident ».

Pour cela, dix points essentiels doivent être retenus :

- normovolémie ;

- 35 °C < température < 36 °C ;

- PPC > 70 mm de Hg ;

- PIC < 25 mm de Hg ;

- PaO2 > 100 mm de Hg ;

- PaCo2 à 35 mm de Hg ;

- Normonatrémie ;

- 5 mmol/l < glycémie < 10 mmol/l ;

- hémoglobine > 10 g/dl ;

- densité urinaire supérieure ou égale à 1 005 et une diurèse < à 4 ml/kg/h.

> Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé (Anaes) : conférences de consensus avec participation de la Sfar (Société française d'anesthésie réanimation). > Recommandation pour la bonne pratique clinique, prise en charge des traumatisés crâniens graves à la phase précoce, publiée par l'Anaes, janvier 1998.