Soins et justice - L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 194 du 01/06/2004

 

Juridique

Les relations entre police, justice et hôpital ne sont pas toujours faciles : la multiplication des dispositions pénales se heurte parfois aux droits du patient et peut perturber le fonctionnement des services de soins.

- L'intervention de la police à l'hôpital peut se manifester de plusieurs manières : dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une enquête de flagrance ou sur commission rogatoire d'un juge. La présence des agents de la police judiciaire est justifiée par la saisie de documents administratifs ou médicaux, le recueil d'informations sur une activité hospitalière ou la présence d'un malade, ou encore des auditions de personnels ou de malades hospitalisés. Les soins dispensés à des détenus ou des personnes gardées à vue nécessitent, quant à eux, la présence de la police dans l'enceinte de l'hôpital.

ENQUÊTES POLICIÈRES

Les droits et pouvoirs de la police varient en fonction de la nature de l'enquête diligentée. Dans le cadre de la simple enquête préliminaire, qui fait suite à une plainte, les officiers de police n'ont aucun pouvoir de coercition : toute entrée de la police dans les locaux de l'hôpital est soumise à l'accord préalable du directeur ou de la personne concernée par la demande d'informations.

Ainsi, une perquisition dans la chambre d'un malade ou son audition ne peuvent avoir lieu qu'avec son accord, accord qui doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main même de l'intéressé et l'avis du chef de service doit être recueilli. Dans le cadre de l'enquête préliminaire, aucun renseignement administratif ne saurait être donné à la police sans l'accord du patient.

Dans le cadre d'enquête de flagrance, c'est-à-dire lorsqu'une infraction est en train d'être commise ou vient de l'être, la police dispose, cette fois-ci, de pouvoirs coercitifs.

Si le directeur doit être informé de la visite des agents de la police judiciaire, il ne saurait s'y opposer et l'audition des patient n'est soumise à aucune autorisation ou accord préalable. Seul l'état de santé attesté par le chef de service peut faire obstacle à l'audition. Dans le même sens, lorsque la police agit sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, les agents peuvent, sans aucun obstacle, entendre patients et personnel. Perquisitions et saisies de dossiers médicaux peuvent être réalisées.

Si, dans le cadre d'une information judiciaire, la police dispose de pouvoirs coercitifs, les agents de police judiciaire doivent néanmoins être en possession d'une commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction.

Ainsi, lorsque la visite de la police est destinée à obtenir l'identité d'une personne hospitalisée, les obligations de secret professionnel et de collaboration avec la justice s'affrontent : si le patient est victime, il est dans son intérêt de révéler sa présence, en ayant sollicité son accord préalablement. En revanche, si le patient est l'auteur d'un crime ou d'un délit, la réponse est plus nuancée. Rappelons les termes de l'article 226-14 alinéa 3 du Code pénal qui dispose que le secret n'est pas applicable « aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet [...] du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté l'intention d'en acquérir une ».

PRÉVENUS, DÉTENUS, GARDÉS À VUE

Les prévenus, détenus, gardés à vue doivent être hospitalisés dans une chambre où un certain isolement est possible, permettant la surveillance par les services de police (ou de gendarmerie) sans entraîner de gêne pour l'exécution du service hospitalier ou pour les autres patients. La prise en charge médicale et soignante est la même que pour tout autre patient. Sur le plan éthique, notamment de dignité et de secret professionnel, les règles sont identiques. Les droits du patient définis dans la Charte du patient doivent être respectés. Les seules restrictions sont celles imposées par le Code de procédure pénale, en matière de sécurité, visites, ou communications avec l'extérieur : absence de téléphone, de télévision ou de journaux par exemple. Enfin, rappelons que la surveillance et la garde de ces personnes incombent exclusivement aux personnels de l'administration pénitentiaire, de la police ou de la gendarmerie, et s'exercent sous la seule responsabilité de l'autorité militaire ou de la police.

Existe-t-il des obligations particulières en cas d'admission d'un patient après une tentative de suicide ?

La tentative de suicide ne constitue plus en France depuis la Révolution française un délit. Seule la provocation au suicide est réprimée par les textes (article 223-13 du Code pénal). Néanmoins, s'il existe un doute sur l'origine des lésions constatées, incompatibles avec la thèse d'une tentative de suicide, un signalement peut être adressé au procureur de la République.

Quelle conduite tenir en cas d'admission d'une personne porteuse de drogue ?

Dans le respect des déontologies médicales et soignantes, il n'y a pas lieu de signaler directement auprès des autorités judiciaires la personne détentrice de drogue. La procédure en pareille circonstance est la suivante : le directeur, dans le cadre de ses pouvoirs de police à l'intérieur de l'hôpital, peut confisquer la drogue. Celle-ci sera ensuite remise aux autorités judiciaires sans possibilité d'en identifier nominativement la provenance.

Articles de la même rubrique d'un même numéro