L'enfance de l'art - L'Infirmière Magazine n° 198 du 01/10/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 198 du 01/10/2004

 

Horizons

Depuis huit ans, l'association VS Art s'invite dans les hôpitaux pour offrir aux plus jeunes patients une bouffée d'air frais. Peinture, lecture, sculpture, effacent la maladie l'espace de quelques heures. Quand l'art est aussi une thérapie...

La concentration se lit sur les visages. Toutes les petites mains travaillent sur la large feuille de papier posée sur la table. Peu à peu, les formes apparaissent. Ici un personnage, là des flammes, ailleurs une maison. « Maintenant, je vous fais confiance : dessinez-moi un grand soleil très rouge ! » lance Mercedes, une femme à l'accent méridional qui encadre ce groupe d'enfants.

« T'as qu'à partir ! »

Assis dans un fauteuil roulant, un petit garçon joue avec un bateau constitué de pinces à linges. Il a l'air maladif et de très mauvaise humeur. Ses poignets sont couverts de gros pansements. Des cernes bleus sous les yeux, il ne suit pas le conte et interrompt plusieurs fois l'assistance jusqu'à ce que sa mère vienne le chercher. « Si tu ne veux pas participer, t'as qu'à partir ! » lui lance une fillette qui se replonge aussitôt, très concentrée, dans son dessin. Nous sommes dans une petite salle de classe très lumineuse. Pourtant, ces boîtes de jeux et ces dessins colorés aux murs ne sont pas la propriété d'une école. Ils sont installés au coeur de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Ces enfants rieurs ou grincheux qui dessinent avec autant de soin sont des petits malades de l'établissement.

Souffle d'air.

Mercedes est artiste peintre. Elle fait partie de l'association VS Art, Volontariat et soutien par l'art. Cet organisme a pour but l'insertion de tous dans la vie sociale par l'art et la culture. Parmi ses nombreuses activités, Récré'Art, qui offre aux enfants des activités culturelles le temps de leur hospitalisation. Au cours d'ateliers de trois heures, une fois par semaine, les animateurs leur apprennent à regarder des oeuvres d'art via une approche ludique. Ils les initient par le jeu, le conte et la peinture, les collages et le dessin. Ces bénévoles ont, pour la plupart, une formation aux arts plastiques ou à l'histoire de l'art et à la pédagogie de l'enfant. Ils proposent des activités dans six établissements de la région parisienne : Saint-Vincent-de-Paul, Bichat à Paris et les hôpitaux du Kremlin-Bicêtre, de Créteil, Colombes, Aulnay-sous-Bois et Saint-Denis. Le personnel soignant salue de façon unanime le travail des équipes de Récré'Art.

Ne rien prévoir !

Toujours réunis dans la salle de classe du service pédiatrique de Bicêtre, les enfants écoutent en silence le conte, lu par Maïté Bernard. Documentaliste dans un collège et auteur de romans policiers, elle s'exclame : « Moi, je ne peux que conter ! J'ai connu VS Art par Internet et j'ai proposé mes services. Il faut pouvoir leur proposer une activité finie en une séance. Ici, il y a des enfants hospitalisés en court séjour. » Elle entame son récit. « C'est l'histoire d'un petit garçon qui s'appelle Faïton. » Freddy, très attentif semble passionné.

« Mais la dame, elle ne peut pas parler au soleil, sinon elle aura trop chaud ! » s'interroge une petite brune. « Elle est là depuis longtemps dans le service et s'habitue à nous », remarque Maïté. Une mère passe la tête par l'entrebâillement de la porte. Son fils explose de joie et quitte la pièce en un éclair. Des allées et venues très courantes lors de ces séances. « On ne peut rien prévoir, explique Mercedes Flipo, l'artiste peintre. Il faut voir les enfants d'abord. Cela dépend de leur nombre et de leurs désirs. Je fais cela depuis quatre ans. Le mercredi, je suis à Bichat en service de pédopsychiatrie. Là-bas, on a fait du modelage avec de la pâte à sel et de l'argile. »

Acceptation difficile.

Pas question pour les animateurs de demander l'âge des enfants ou les raisons de leur séjour entre ces murs blancs. Mylène Sola est responsable de la maison de l'enfant au Kremlin-Bicêtre. « Ici dans le bâtiment, il y a 160 enfants environ. Ils sont tous là pour des courts, des moyens ou des longs séjours. Et pour tous types de pathologies. Le principe de la maison des enfants est de profiter des moments qui leur correspondent. Cela fait peut-être dix ans que VS Art vient ici ! Les bienfaits sur les enfants sont évidents. C'est une activité différente qui vient de l'extérieur. Dans cette salle de classe, on peut recevoir jusqu'à 25 enfants. VS Art, c'est pour nous un travail d'accompagnement. Une pierre en plus à cet édifice. Nous sommes toujours dans la prise en charge. »

« La majorité des animateurs de notre association sont des artistes peintres. Ils sont une vingtaine environ, indique la responsable de Récré'Art, Laure Cowey, architecte de métier. Au départ, il n'a pas été simple de se faire accepter par les équipes soignantes dans les services. Nous devons en permanence assurer l'interface avec l'administration médicale. Une femme, Paulette Vigneron, est à l'origine de cette initiative. Elle estimait que les enfants avaient besoin de l'art à l'hôpital. Mais elle a dû convaincre le personnel hospitalier, qui craignait d'être dérangé dans son travail. Pourtant, l'art peut être une bonne thérapie, notamment parce que les animateurs de Récré'Art ne regardent pas les enfants comme des malades. »

Reprendre confiance.

Les activités de cette association sont aussi reliées à la culture des pays dont certains enfants sont originaires. « On ne leur dit pas suffisamment que leurs pays ont des passés prestigieux, ajoute Laure Cowey. On ne leur montre que la culture occidentale. Lors de ces ateliers, notre but est vraiment de libérer leur créativité pendant deux heures. Certains petits patients ressortent avec une vraie confiance en eux, c'est très salutaire ! Ils aiment qu'on leur parle de l'extérieur. Il n'est pas pensable de leur poser la moindre question. Ils doivent oublier leur univers et la maladie. » La responsable avoue qu'il n'est pas toujours simple de travailler avec ces petits patients. Les résultats ne sont pas immédiats et il arrive que certaines séances soient de vrais « flops ».

Aujourd'hui, dans une salle de l'hôpital Saint-Vincent de Paul, les enfants préparent des décorations en cette veille de Noël. Thérèse, l'animatrice, les encourage à mettre plus de couleur. « Je veux que les enfants restent libres, lance-t-elle. Ils doivent pouvoir donner cours à leur imagination ! »

« C'est magnifique ! »

Assise avec sa petite fille, Nathalie, infirmière à Sainte-Anne, se réjouit de cet atelier proposé à son enfant. « Je trouve cette initiative très intéressante, s'exclame-t- elle. Cela devrait être partout, inscrit dans les projets de soins mais ce n'est pas simple à mettre en place. »

À l'hôpital de Colombes, Récré'Art organise aujourd'hui un atelier de monotypes à l'encre. « Ici, explique Corinne, l'éducatrice qui surveille l'atelier, nous recevons des enfants issus d'une population souvent défavorisée. Cela les ouvre à autre chose. Mais ce ne sont jamais les mêmes qui reviennent. » Mercedes Flipo est là, elle aussi. « Regardez comme les enfants ont le sens de la couleur, c'est magnifique ! lance-t-elle avec enthousiasme avant de se tourner vers un garçon de sept ans. J'aime beaucoup ton dessin, il est superbe. »

Les commentaires élogieux, les encouragements donnent confiance à ces petits malades coincés entre les murs, souvent austères, de l'hôpital. Voilà bien la raison d'être de cette association.

GENÈSE

Sept cents bénévoles en France

Françoise Vercken fonde VS Art en 1986. Femme de coeur et d'action, elle découvre l'effet médiateur de la musique entre un proche gravement malade et son environnement. Ce constat l'incite à créer une association qui ferait connaître et partager les effets positifs de cette expérience : VS Art voit le jour. Après un développement important et continu depuis sa création, VS Art dépasse aujourd'hui très largement sa vocation initiale, avec plus de 700 bénévoles sur le territoire national et une moyenne de huit « animations » quotidiennes dont bénéficient plus d'une centaine de personnes. L'art et la culture ont un rôle à jouer auprès de personnes en situation de fragilité morale, physique ou matérielle. Aujourd'hui, VS Art va à la rencontre des enfants et adultes hospitalisés, des personnes âgées ou handicapées, des jeunes de quartiers dits « sensibles » et des personnes sans domicile ou en détention.

Contacts : VS Art, hôpital Sainte-Perrine, 11, rue Chardon-Lagache, 75781 Paris cedex 16. Tél. : 01 45 20 44 60. Internet : http://www.vsart.org.