Pédiatrie
Conduites a tenir
Le suivi et l'évolution des grossesses des femmes séropositives est possible en France grâce à l'enquête périnatale française (EPF) mise en place par l'ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida). Ces résultats concernent près de 8 500 grossesses analysées en France.
Le nombre annuel de femmes séropositives et enceintes a beaucoup augmenté depuis le début de l'épidémie en France. Cette augmentation est liée à :
- l'extension de l'infection à VIH dans la population féminine, et en particulier l'augmentation du nombre de contaminées par voie hétérosexuelle (en particulier d'origine africaine) ;
- l'allongement de l'espérance de vie grâce aux traitements et le désir des couples de fonder une famille ;
- la diminution des taux de transmission de la mère à l'enfant incitant les couples à accéder à leur désir d'enfant.
Avec les nouvelles modalités de prévention maternelle et foetale, le taux de transmission du VIH est actuellement aux alentours de 1 %. Il faut rappeler que ce taux de transmission était de 20 % en 1987.
La persistance d'enfants contaminés est plus souvent liée à un échec de prise en charge (absence de dépistage, non-observance des traitements en cours de grossesse, séroconversion en cours de grossesse) qu'à un échec thérapeutique.
Ainsi, un test de dépistage doit être systématiquement proposé lors du premier examen prénatal, mais il n'est pas obligatoire.
Un second test devrait être proposé au troisième trimestre de grossesse chez les patientes « à risque » (en cas de partenaire séropositif notamment). La généralisation de ce deuxième test est probablement inutile et difficile à mettre en place dans la population générale.
La contamination sexuelle des femmes est actuellement majoritaire (> 80%) alors qu'en 1987 le mode de contamination était essentiellement la toxicomanie intraveineuse. Parallèlement, la proportion de patientes originaires d'Afrique est de plus en plus importante (10 % en 1986 et actuellement 60 %). La sérologie VIH est systématiquement proposée lors des bilans de grossesse et c'est encore un mode de dépistage de la séropositivité VIH. En 2002, 40 % des femmes enceintes séropositives ont découvert leur séropositivité à l'occasion d'une grossesse. À l'inverse, 40 % des femmes enceintes séropositives sont déjà suivies et ont reçu un traitement antirétroviral avant la grossesse.
Il peut y avoir une contamination au cours de la grossesse en cas de charge virale plasmatique élevée, et plus particulièrement en cas de séroconversion au cours de la grossesse. Tout geste en cours de grossesse (amniocentèse, cerclage...) est un facteur de contamination supplémentaire. La contamination est également favorisée en cas d'infection cevicovaginale ou de rupture prématurée des membranes.
En fin de grossesse et plus particulièrement le jour de l'accouchement, le risque est maximal. Ce qui explique les mesures spécifiques prises à l'accouchement. La durée du travail est un facteur important, car plus il est long et plus le risque de contamination augmente.
L'allaitement est contre-indiqué chez la femme infectée par le VIH, car il entraîne un risque de transmission supplémentaire.
Le facteur déterminant du risque de transmission maternofoetale est la valeur de la charge virale plasmatique maternelle pendant la grossesse.
Quels sont les moyens de prévenir la transmission du VIH concernant la mère et l'enfant ?
- Au cours de la grossesse, mise en route d'un traitement antirétroviral pour réduire la charge virale plasmatique de la mère ;
- Pendant l'accouchement, perfusion de Rétrovir® +/- césarienne ;
- Traitement « postexposition » du nouveau-né avec un traitement antirétroviral pendant six semaines ;
- Contre-indication formelle de l'allaitement.
Traitement de la mère. Si la patiente a déjà, avant la grossesse, un traitement antirétroviral et que le traitement est efficace (charge virale indétectable), le traitement est poursuivi pendant la grossesse (arrêt des molécules contre-indiqué pendant la grossesse).
- Si la patiente n'avait pas de traitement avant la grossesse mais a besoin d'un traitement antirétroviral car elle présente un déficit immunitaire sévère, il faut introduire une trithérapie, si possible après douze semaines de grossesse.
- Si la patiente n'a pas d'indication au traitement pour elle-même, le traitement est débuté au troisième trimestre et comporte, en cas de charge virale < 10 000 copies/ml : monothérapie par Rétrovir® ; en cas de charge virale > 10 000 copies/ml : trithérapie.
Certaines molécules sont à éviter ou sont contre-indiquées en cours de grossesse :
- association de Zerit® et Videx® qui peut être responsable d'une cholestase gravidique sévère et d'acidose lactique ;
- Sustiva®, médicament tératogène chez l'animal ;
- Viread®, qui entraîne des anomalies de la formation osseuse chez l'animal.
Choix du mode d'accouchement. L'accouchement par voie basse est possible si la charge virale en fin de grossesse est indétectable sous traitement.
Une césarienne sera proposée si la charge virale > 1 000 copies/ml et/ou si le traitement maternel comporte une monothérapie par le Rétrovir® et/ou s'il s'agit d'un accouchement prématuré.
Choix de l'allaitement. L'allaitement doit être artificiel exclusivement pour tous les nouveau-nés.
Recommandations pour le traitement antirétroviral prophylactique des nouveau-nés.
- Si la mère a une charge virale indétectable en fin de grossesse et un virus sensible à l'AZT, une monothérapie par Rétrovir® pendant six semaines est recommandée chez l'enfant.
- Si la patiente a un virus ayant des résistances au Rétrovir®, le traitement prophylactique du nouveau-né sera adapté au génotype de résistance de la mère.
- Si la mère a une charge virale détectable en fin de grossesse, le traitement peut être intensifié (Viramune®).
- Si la mère a une charge virale vraiment élevée ou n'a pas pris son traitement en cours de grossesse, on peut encore intensifier le traitement, en donnant une bithérapie au nouveau-né.
La durée d'observation des enfants exposés in utero aux différents antirétroviraux ne fournit pas de recul suffisant pour connaître le risque de toxicité à long terme, mais il apparaît faible.
- Inhibiteurs nucléosidiques et nucléo- tidiques de la reverse transcriptase.
En revanche, une vingtaine de cas de dysfonction mitochondriale ont été observés chez des enfants non infectés par le VIH et ayant été exposés aux antirétroviraux in utero.
La plupart de ces enfants avaient des symptômes neurologiques d'intensité variable, comportant un retard cognitif, des anomalies motrices et souvent des convulsions.
Le diagnostic est confirmé par l'IRM cérébrale. Ces anomalies incitent à une grande prudence dans la prescription de certains antirétroviraux, et au suivi des enfants traités pendant au moins trois ans.