L'humaniste - L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004

 

Anne Perraut Soliveres

Rencontre avec

Cadre infirmier de nuit, praticien-chercheur, écrivain, militante de l'association Attac, Anne Perraut Soliveres se bat pour que la pratique infirmière s'humanise.

Etre en lien direct avec l'humain, c'est véritablement ce que j'aime. Et ça, je le trouve à l'hôpital. Infirmière cadre depuis 1978, j'exerce de nuit à l'hôpital de Bligny. Je me positionne comme un praticien-chercheur. C'est-à-dire que je pratique au quotidien tout en cherchant à améliorer les choses et à les comprendre. Cette recherche, je l'accole à ma pratique, l'une nourrissant l'autre. Mon travail est d'aider les soignants à défendre leur position et leur relation au patient. L'attitude de l'infirmière conditionne beaucoup l'état mental du patient. Il faut faire face à toute une alchimie autour de l'expérience subjective de la maladie. Il est donc essentiel que la relation patient et soignant soit harmonieuse.

Stimuler

Le jour, le patient se trouve au centre de la "moulinette" car l'organisation est terriblement pesante. La nuit, il redevient une personne qu'on ne bouscule pas. Je considère que notre profession se dirige vers trop de technicité. L'aspect relationnel est de plus en plus négligé, et ça, je le dénonce. Nous sommes dans un système qui privilégie la médecine ambulatoire, rapide, où l'on répare. Les infirmières, elles-mêmes, bricolent, les machines, les tuyaux... Malheureusement, je crains que le devenir du patient leur échappe de plus en plus. Humaniser les hôpitaux, c'est prendre le temps. Les infirmières qui entrent avec leurs illusions en école sont noyées sous les protocoles et les procédures. Cela porte préjudice à la pratique et les empêche de penser. Lorsque les soignants critiquent le comportement de certains patients, je les aide à relativiser la situation. "Mais si cette vieille dame était ta mère ?" Il faut pouvoir se mettre à la place de l'autre si on veut bien le soigner. Cela demande beaucoup de travail sur soi-même (car il faut dans le même temps chercher la bonne distance). J'essaie de stimuler les gens dont j'ai la responsabilité. Ce qui est intéressant, c'est de se poser les questions ensemble. Il faut pouvoir tenir dans ce milieu et la notion de résistance est essentielle. Je n'ai jamais voulu plier l'échine. Je suis militante d'Attac, je m'essaie au théâtre politique et suis syndiquée depuis 30 ans. Je suis engagée car je sais qu'un autre monde est possible. Et pour moi, ce n'est pas seulement un slogan. »

Ses livres de chevet

« Les livres avec lesquels je dors : Papiers collés 3 de Georges Perros. Pour la poésie et la lucidité mélangées. Ferdydurke de Witold Gombrowicz pour son éternelle et brillante hésitation entre jeunesse, immaturité et maîtrise. Le Livre du ça de Groddeck pour ça justement, et aussi Mars de Fritz Zorn pour m'avoir déniaisée... »