L'insoumise - L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004

 

Florence Nightingale

Rencontre avec

Au XIXe siècle, Florence Nightingale se dresse contre ses parents, les militaires, le monde médical, pour imposer sa vision des soins infirmiers. En guise de cadeau d'anniversaire, elle nous a offert un entretien exclusif (et totalement imaginaire).

Pour un homme, même un médecin, l'infirmière doit être avant tout dévouée et docile. Cette définition pourrait tout aussi bien s'appliquer à un porteur. Ou un cheval(1)... Je ne me sentais aucune de ces deux vocations. Mais j'ai dû batailler ferme pour imposer mes vues. Après un long voyage à travers l'Europe, je parviens - contre l'avis de mes parents - à être engagée comme surveillante d'une clinique réservée aux Londoniennes huppées. Si je veille à ce que mes soignantes suivent les ordres des médecins, croyez-moi, je n'hésite pas à contester la politique de soins devant le comité de direction.

Femmes de chambre...

En 1854, je suis nommé par Sydney Herbert, secrétaire d'État à la guerre, à la tête d'un groupe d'infirmières pour soigner les victimes de la guerre de Crimée. Nous sommes envoyées à l'hôpital militaire de Scutari. Aussitôt, je mets en place une blanchisserie pour améliorer l'hygiène des salles, des literies et des vêtements. Inspirée par une visite à l'hôpital Lariboisière, je prends des mesures pour faire pénétrer l'air pur à Scutari, hôpital sans couloirs et fenêtres ! On viendra souvent par la suite me consulter sur l'architecture des hôpitaux... Comme les statistiques sont de mon côté (en moins d'un an, le taux de mortalité à l'hôpital de Scutari est passé de 42 pour cent à 22 pour mille), je gagne l'estime du gouvernement, et même de la reine Victoria...

Après la guerre, je me bats pour que l'on s'intéresse enfin aux soins infirmiers. Pour vous situer, John Flint South, chirurgien londonien, déclare en 1856 que les infirmières n'ont pas besoin de plus de qualifications que les femmes de chambre... Quatre ans plus tard, je crée un centre de formation à l'hôpital St Thomas où exerce... John Flint South ! Après des débuts difficiles, grâce à d'importants soutiens financiers et sans doute aussi (j'en rosis) à mon aura, mon école connaît le succès. Certaines élèves ouvrent ensuite leur propre établissement, partout dans le monde : Australie, Canada, Allemagne, Suède, Finlande, Amérique... Le métier d'infirmière est enfin devenu respectable !

Aujourd'hui, sans être dans la position que j'ai connue, le métier a de nouveau besoin d'être défendu. Il souffre d'un grave manque de reconnaissance, les jeunes s'en désintéressent, la valeur étendard des institutions reste le médecin. Au boulot, les filles, il faut reprendre le flambeau ! Chaque fois que l'on considère le métier comme accessoire, auxiliaire, secondaire, comme moi levez-vous et dites : "Si vous voulez des femmes de ménage, engagez-en. Les soins infirmiers sont une spécialité". »

1- Notes sur les soins infirmiers.

Ses écrits

1860

Notes sur les soins infirmiers : ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas, Harrison.

1881

Notes sur les hôpitaux, John W. Parker & Sons.

1882

« Formation des infirmières » et « Les Soins aux malades », Dictionnaire de médecine de Quain, pp. 1038-43 ; pp. 1043-1049.