Les textes de loi fondateurs de la profession - L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 200 du 01/12/2004

 

Dossier

De la reconnaissance du rôle propre infirmier en 1978 au dernier décret de compétence de 2002, de multiples textes de loi ont fait évoluer la profession en lui accordant une plus grande reconnaissance. Mais de longues batailles restent à mener, comme la mise en place tant attendue d'un Ordre infirmier.

L' évolution de la profession infirmière est liée aux mutations du système de santé, à la politique menée dans ce domaine et aux textes qui en découlent. Au cours des trois dernières décennies, diverses organisations ou mouvements infirmiers ont cherché à infléchir cette politique dans le sens d'une meilleure reconnaissance de la profession. Malgré des avancées, notre profession, qui compte environ 450 000 infirmières, est loin d'avoir une voix prépondérante dans les décisions qui la concernent. Collectivement entre pairs, nous y sommes aussi pour quelque chose ! Bel euphémisme de dire que l'exercice à l'hôpital et celui du domicile se côtoient sans se connaître, sans que les avancées de l'un servent à l'autre, sans que soit perçu en quoi les modifications de l'un entraînent des mesures coercitives ou des impasses dans l'autre !

PATRIMOINE RICHE

Faute d'aller chercher l'information, faute d'engagement - par surcharge physique/mentale liée à l'exercice qui ne cesse de s'accélérer et de se morceler, par absence de lecture, de réflexion ou de partage, par défaut de s'y intéresser - nombre d'infirmières se cloisonnent dans leur quotidien et le subissent, attendant une reconnaissance qu'elles-mêmes ne savent pas où trouver... Les textes professionnels restent méconnus, abscons et sous-utilisés. Pourtant, le patrimoine infirmier est riche, qui en doute encore ?

Aussi, pour ancrer notre relecture de l'évolution professionnelle, nous avons volontairement choisi d'écrire cet article à deux voix, témoignant de notre conviction que le libéral et l'hospitalier sont étroitement liés, se nourrissant réciproquement. À l'opposé d'une dichotomie entre rôle prescrit ou rôle autonome, domicile ou hôpital, théorie/enseignement ou pratique, notre propos est de retracer - modestement mais dans une affirmation positive - ce qui fonde notre passé pour envisager en regard comment construire le devenir de notre profession. Un ambitieux programme d'actualité !

UNE ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES ET DES ACTES

S'arrêter sur les points forts des textes successifs aide à resituer nos pratiques attendues d'aujourd'hui en termes de règles professionnelles, d'exercice et d'actes. Tel que défini par le législateur, le domaine d'application de la discipline infirmière s'exerce dans les dimensions préventive, curative, de réhabilitation, palliative, de la formation, de l'encadrement, de la recherche.

Depuis les trois dernières décennies, l'évolution des textes - et par conséquent l'actualisation des programmes de formation et modes d'exercice - fait cohabiter en pratique différentes générations d'infirmières qui s'identifient - en partie ou totalité - à trois rôles intriqués : un rôle dépendant d'auxiliaire médicale exécutant sur délégation et prescription médicale ; un rôle indépendant (nommé rôle propre ou autonome) de décision et de responsabilité infirmière pour mettre en oeuvre des actions spécifiques ; un rôle interdépendant, en collaboration avec les différents acteurs interdisciplinaires, dérivant directement des deux autres rôles.

1978, DATE CLÉ

Cette nécessité de répondre plus justement aux besoins de la population en ajustant la pratique est la voûte de l'engagement infirmier. Elle trouve écho dans l'évolution des textes : de simple auxiliaire médicale, l'infirmière est reconnue progressivement à l'initiative d'une partie de son art. Ainsi, le décret de 1978 reconnaît le rôle propre pour la première fois, parce que les infirmières mobilisées à l'époque veulent mettre l'accent sur ce qui entoure l'acte de soin prescrit ou de base, mélange relationnel et d'initiative propre à l'infirmière qui donne une âme au soin personnalisé, reflétant son jugement clinique. Le décret de 1984 l'a nommé plus explicitement par le biais de la démarche de soins en particulier. Il faudra attendre celui de 1993 pour voir clairement apparaître dans les articles 1, 2, 3 et 9 tout le champ du rôle propre sous trois aspects :

- la finalité des soins infirmiers définie en huit missions ;

- les modalités d'exercice autonome par l'analyse, l'organisation et l'évaluation, en particulier concernant l'initiative infirmière dans le jugement clinique, le raisonnement clinique, les diagnostics infirmiers, l'élaboration du dossier de soin, la planification des soins, l'évaluation de la qualité des soins, l'enseignement et la recherche ;

- les actes du rôle propre dans le champ des soins d'entretien et de continuité de la vie (soins d'hygiène, éducatifs, relationnels, techniques).

Remarquons que, si les infirmières hospitalières peuvent légitimement militer pour mettre en oeuvre ce rôle propre, il n'en est pas de même en exercice libéral, puisque tout acte donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie(1) doit faire l'objet d'une prescription médicale. Autre élément à retenir : le principe de consultation infirmière est sous-jacent mais non nommé comme tel, ce qui explique en partie les difficultés qui perdurent en 2004 dans sa reconnaissance et mise en oeuvre pérenne.

Ne passons pas sous silence la réforme de juillet 1991 qui a permis la création d'une commission du service de soins, lieu d'expression pour les hospitalières en matière de politique de soins, de formation et de priorités institutionnelles portées conjointement avec la direction du service de soins(2).

UN CADRE DÉONTOLOGIQUE STRUCTURANT

1993 fait également date dans notre histoire par le décret n° 93-221 du 16 février 1993 instituant les règles professionnelles des infirmières.

Tel un code de déontologie (mais sans en être un puisque nous n'avons pas d'Ordre professionnel), ce décret toujours en vigueur a marqué et marque encore aujourd'hui l'importance accordée aux droits et devoirs envers les usagers et les professionnels. Outre le Code pénal, les responsabilités infirmières y sont précisées (devoirs généraux, devoirs envers les patients et les confrères). Sa rédaction renvoie aux codes de la santé publique, de la Sécurité sociale ainsi qu'à différents textes de lois ou décrets concernant tant la protection des personnes (contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap) que celle des autres professionnels médicaux et paramédicaux, quel que soit le mode d'exercice, libéral, salarié d'une structure ou de la fonction publique.

ORDRE PARAMÉDICAL

Petite graine de 1993, M. Douste-Blazy (alors ministre délégué à la Santé), s'appuyant sur le fait que « de nombreux professionnels infirmiers souhaitent pouvoir disposer d'une structure professionnelle nationale, proche des structures ordinales classiques », demande à Brigitte Garbi (infirmière chargée de mission) d'établir un rapport sur la question. Ainsi naîtra l'idée d'un Ordre des professions paramédicales puis d'un Office selon d'autres rapports plus récents (Brocas, Nauche). Notons en parallèle que la loi de juillet 1980 attend toujours ses décrets d'application permettant de garantir le respect des règles professionnelles...

Pour les infirmières hospitalières - outre ce que chacune en a fait - ces règles professionnelles sont venues renforcer le dispositif d'évaluation professionnelle selon l'implication des directions de soins et de l'encadrement à s'y référer.

Pour les libérales, ce décret va modifier l'organisation de l'exercice, notamment en introduisant l'obligation d'un cabinet professionnel, d'un contrat écrit entre associés, fixant les règles de remplacement reprises dans un avenant conventionnel. Pour mémoire, si la convention des infirmières libérales de 1991 autorisait le salariat d'une collègue infirmière, les règles professionnelles viennent mettre fin à cette pratique. D'autant plus qu'en 1992 (déjà !), la pénurie infirmière dans les cliniques et hôpitaux n'a pas pu laisser les tutelles indifférentes en regard de la pratique de salariat en exercice libéral, parfois d'usage peu crédible.

1993, UNE ANNÉE D'AVANCÉE ET DE RECUL

Belle avancée sociale, la loi du 4 janvier 1993 introduit l'allocation de repos maternel et de remplacement spécifiques permettant aux infirmières libérales de vivre un peu mieux leur maternité. La loi Aubry et ses décrets d'application du 3 mars 1993 ouvrent le champ de la formation continue pour les libérales (moyennant cotisation à l'Urssaf).

Pénurie oblige, selon certains - garantie de compétences selon d'autres -, c'est aussi en 1993(3) qu'apparaît l'obligation d'avoir exercé trois ans en soins généraux pour s'installer en libéral, créant des difficultés de remplacement et d'association dans ce secteur, sans régler la pénurie hospitalière liée aux conditions de travail et niveaux de rémunérations proposés. Suivront en 1994(4) l'apparition des seuils d'activité pour les libérales (à ne pas dépasser sous peine de sanctions) ainsi qu'une nouvelle lettre clé qui concernera à terme l'ensemble de la profession : l'AIS (acte de soin infirmier) pour la cotation des soins d'entretien et de continuité de la vie, dans une volonté des tutelles de discerner ce qui relève des soins techniques (AMI) ou des soins de nursing, du sanitaire ou du social. Si la réalité était masquée par des choix économiques, de régulation des dépenses de santé (notamment de soins infirmiers), l'introduction de cette lettre clé a, dans les faits, dévalorisé le rôle propre, déjà si peu reconnu dans la nomenclature (cf. encadré p. 14).

UN PROFIL INFIRMIER BIEN « DÉCRÉTÉ »

Né en février 2002 de l'évolution des décrets de 1981, 1984, 1993 successivement abrogés, notre actuel décret reste construit sur la même trame que celui de 1993. Dommage que l'occasion ainsi donnée à notre profession d'obtenir un décret strictement de compétences assorti d'un arrêté listant les actes n'ait pas été saisie, le risque étant qu'à chaque modification du décret lui-même, le fondement des soins infirmiers (finalité, domaines et modalités) soit potentiellement mis en danger au profit d'influences externes (économiques, corporatistes, conjoncturelles...). Néanmoins, gardons en tête que tel que libellé, le décret du 11 février 2002 est source et cadre d'évolution professionnelle, notamment à l'heure de l'évaluation des pratiques prônées par l'Anaes.

Ses articles 1, 2, 3 et 4 confirment l'objet et la nature des soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs, le but des soins infirmiers (l'entretien et la continuité de la vie) et le public auxquels ils s'adressent : à la personne soignée, son entourage ou à un groupe, parce que ceux-ci ne possèdent pas ou n'identifient pas leurs ressources internes ou externes pour s'adapter et faire face à une maladie, un handicap, un stade de développement difficile (telles l'adolescence, la vieillesse...) ou un événement de vie (divorce, naissance, chômage...). La santé, au sens large, en est alors perturbée et nécessite l'intervention d'un professionnel infirmier. La liste des actes relevant du rôle propre(5), de la prescription médicale et de l'exercice spécialisé(6) y est déclinée avec précision. Rappel est fait que, quel que soit le soin prodigué (de base, technique, éducatif, relationnel) et son champ d'application (préventif, curatif, de réhabilitation ou palliatif), il nécessite, pour être de qualité, que l'infirmière utilise simultanément des compétences techniques, éducatives et relationnelles. La notion de transmission du savoir est renforcée par le biais d'actions de formation, de prévention et d'éducation dans le domaine des soins de santé primaire et communautaire en direction des usagers, des patients « et, en tant que besoin de leur entourage »(7) ; sans oublier enfin les recherches effectuées dans le domaine des soins infirmiers. Y est également précisé que, dans notre exercice français, les soins infirmiers sont dispensés par deux groupes d'acteurs : les infirmières et les aides-soignantes ou les auxiliaires de puériculture. Le champ de compétences des deux dernières est inclus dans une partie du champ du rôle propre infirmier.

Si on y associe les connaissances scientifiques actualisées(8) concernant l'expérience de la maladie, du handicap, des réactions d'adaptation, des stades de développement humain, des thérapeutiques et leurs retentissements sur les activités de la vie quotidienne, on mesure davantage l'impact de notre contribution infirmière par le biais de la qualité du recueil de données initial/continu, ainsi que l'analyse qui en découle pour adapter les modalités du soin infirmier du moment. C'est ce que nous appelons dans notre jargon professionnel la démarche de soins, pierre angulaire pour établir avec le patient son projet de vie, de soin.

UNE NÉCESSAIRE AUTOÉVALUATION

Mais au fait, sommes-nous sûrs que chaque infirmière connaisse bien ce décret et celui des règles professionnelles ? Que faisons-nous en tant qu'hospitalières ou libérales au quotidien pour faire vivre et reconnaître la finalité des soins infirmiers telle que reconnue au travers des cinq missions essentielles (cf. encadré p. 10) ? Comment nous sommes-nous appropriés ce fameux rôle propre, comment en parlons-nous et le transmettons-nous aux étudiants infirmiers ? Comment faisons-nous reconnaître notre rôle d'éducatrice de santé, notamment dans le développement de la santé publique ? Tous les modèles se côtoient dans un contexte de pénurie prégnant, où nous mettons mal en valeur sur quoi repose notre jugement clinique. Bref, tout ce qui est considéré soit comme du détail, soit comme trop chronophage, si vite relayé ou abandonné pour des actes délégués - nécessaires certes mais à quel prix...

Ce n'est pas faute de retrouver des référentiels structurants pour gagner en transparence, comme par exemple les guides du service de soins infirmiers(9), fabuleux outils laissant trace de la spécificité des soins infirmiers mais mal connus sur le terrain...

Bon gré, mal gré, comment l'évolution des besoins de la population, de la NGAP (nomenclature géné-rale des actes professionnels), des mentalités et productions infirmières ont-elles influencé la production de nos soins ? Avec les progrès de la médecine, les hospitalisations de courte durée, l'augmentation des maladies et handicaps chroniques, la volonté de maintien à domicile, le rôle des infirmières hospitalières et libérales est de plus en plus varié et orienté vers le champ des soins techniques. Même si nous développons des compétences humaines et relationnelles relevant de notre rôle propre, nous devons faire face à une grande polyvalence dans la technicité des soins. Si la définition du soin requis (celui qui est nécessaire et attendu pour/par le patient ou l'usager) fait partie de notre vocabulaire, notre quotidien se conjugue avec celle du soin constaté (celui que l'IDE arrive à faire dans son temps imparti) : c'est autour de ces deux notions que s'est construit l'engagement ou le désengagement de bon nombre d'entre nous.

Relayant des soins réservés à l'exercice hospitalier, la NGAP a introduit des soins spécifiques durant ces quinze dernières années, que ce soit pour les personnes atteintes de cancer, de mucoviscidose pour les enfants, ou encore pour un meilleur suivi des personnes diabétiques... Il n'en demeure pas moins que les libérales déplorent que leur liste d'actes ne soit pas le reflet du décret de compétence. L'évaluation de la douleur, l'éducation des patients et des proches, ainsi que la relation d'aide par exemple, ne sont pas envisagées dans une cotation spécifique. Force est de constater que dans l'exercice hospitalier, ces trois domaines d'intervention restent les parents pauvres des charges en soins.

DÉMARCHE DE SOINS INFIRMIERS

Parmi les évolutions à retenir, l'exercice libéral s'est enrichi ces dernières années de la démarche de soins infirmiers (DSI), mise en oeuvre dans le cadre des soins d'entretien et de continuité de la vie. La DSI a été conçue pour valoriser la fonction infirmière et faciliter le maintien à domicile des personnes en situation de dépendance temporaire ou permanente, quel que soit leur âge. Même si sa mise en oeuvre a déclenché un mouvement de protestation de grande ampleur et reste soumise à la validation médicale pour le domicile, cet espace semi-autonome n'est cependant pas à négliger ! Il y est bel et bien question d'argumenter nos interventions par des objectifs de soins, s'appuyant sur une analyse (diagnostics infirmiers), qui détermine le contenu et le nombre de séances de soins nécessaires au patient - une certaine avancée puisqu'auparavant, cela relevait de la décision médicale. Bien qu'elle cloisonne un peu plus le sanitaire et le social, elle représente aussi la mise en lumière de notre complémentarité spécifique aux autres acteurs de soins (médecins, paramédicaux...) et travailleurs sociaux. Ne doutons pas que cette obligation pour les libérales puisse être un atout supplémentaire pour les hospitalières de faire reconnaître la nécessité de ce temps d'évaluation et d'analyse qui fait actuellement défaut.

La modification des modalités d'exercice - notamment dans le cadre de réseaux de santé - permet aujourd'hui d'optimiser les pratiques, d'éviter un isolement délétère et de s'inscrire dans l'évolutivité du système de santé.

Même sans l'aborder plus avant, nous ne pouvons passer sous silence l'évolution liée au regroupement des programmes de formation conduisant au diplôme d'État infirmier en soins généraux et celui en santé mentale, ainsi que l'influence sur les problématiques de santé mentale ; ceci serait en soi l'objet d'un article, du fait de la complexité du sujet.

IDENTIFIER LES SPÉCIFICITÉS

De même, l'évolution de la formation et du diplôme de cadre de santé, et dans sa lignée, la création d'une direction de soins accessible et regroupant les paramédicaux mériteraient d'être analysées plus avant pour en pointer les perspectives à court, moyen et long termes sur notre devenir infirmier.

Enfin, la transmutation intergénérationnelle ne peut être occultée. Soyons conscients que, pour se forger une identité professionnelle et identifier les spécificités de la discipline infirmière par rapport à d'autres, étudiants et jeunes diplômés ont besoin qu'enseignantes et praticiennes leur fassent comprendre pourquoi et comment la manière de faire le soin a été choisie, ce qui peut être fait sur initiative infirmière ou en collaboration interdisciplinaire. Mais dans notre contexte de temps compté (augmentation des quotas en Ifsi, pénurie) qui rend précaire le transfert de savoirs, la pratique infirmière n'est pas mise en valeur de manière consensuelle. Valable également pour l'ensemble des diplômés, la modélisation se bonifie par l'argumentation mettant en lumière l'ancrage théorique qui nourrit la pratique et réciproquement. Nous l'approchons davantage au fil des lectures, des échanges, la guidance et au temps consacré. Quelle infirmière ne rêve pas d'avoir comme pour les psychologues dans leur décret un cinquième du temps dédié à cette activité ?

Décrire et faire savoir ce que notre profession produit de spécifique, l'analyser pour l'améliorer sans cesse, voilà l'opportunité à saisir pour nous construire un avenir professionnel attractif, entre pairs et au sein de l'ensemble des acteurs de santé.

FÉDÉRATION ASSOCIATIVE HISTORIQUE

Avec bonheur, lors du Salon infirmier des 3, 4, 5 novembre derniers, nous avons mesuré l'avancée du projet de création de l'Ordre infirmier, tant dans le discours de M. Douste Blazy que par le biais de nombreuses associations et syndicats professionnels (hospitalières, enseignants, libérales...) qui - historiquement soulignons-le ! - ont su se fédérer pour avancer vers un même but. Oui, notre profession ne peut plus attendre indéfiniment une ins- tance nationale et internationale qui décide des questions se rapportant à l'exercice et à la formation des infirmières.

Ouvrons les yeux et les oreilles, sachons entretenir cette flamme qui pousse à mettre en lumière nos acquis, nos expertises et nos attentes. Dans notre contexte d'accroissement de personnes dépendantes, de restriction économique, de pénuries professionnelles (médicale, infirmière, aide-soignante), de réforme de la formation et de ses orientations, la réflexion sur le transfert de compétences et la réorganisation des rôles/métiers de l'aide et du soin sont une réalité avec laquelle nous devons conjuguer.

Sachons nous organiser pour une meilleure représentation professionnelle dans les instances décisionnelles, sachons être au clair avec la définition de nos champs de compétences multifacettes et obligations telles que stipulées dans nos deux décrets.

Veillons à respecter l'ensemble des actes de soins sans privilégier un domaine sur l'autre : par exemple, devant un problème de communication, assurer un soin de bouche en étroite collaboration avec l'aide-soignante peut être plus pertinent que de réaliser un entretien d'aide ! Tout est ici question de bon sens, d'analyse de priorité clinique. Restons attentives à l'évolution perpétuelle de la science médicale : le risque est que cela prenne toute la place dans la foison de prescriptions et d'examens possibles, nous empêchant d'être actrices dans l'aide à vivre, la promotion de la santé, l'éducation, le soutien des stratégies d'adaptation... Et là, personne d'autre que nous-mêmes - hospitalières ou libérales - pouvons être porte-parole d'un soin infirmier qui ne se résume pas à un acte... ou à une aumône.

1- La nomenclature des actes professionnels NGAP ne faisant apparaître la DSI qu'en 2002 par l'arrêté du 28 juin (J. O. du 2 juillet 2002).

2- Qui deviendra en 2002 direction des soins (marquant le regroupement avec les autres paramédicaux).

3- Loi du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie, convention du 28 janvier 1994.

4- Arrêté du 28 janvier 1994 portant approbation de la nouvelle convention.

5- Pour mieux approcher les quelque 451 actes de soins infirmiers recensés, se référer au document Typologie des actes de soins infirmiers relatifs au rôle propre de l'infirmière (1993), Guide du service infirmier, n°5, série Soins infirmiers, ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale.

6- Articles spécifiques pour l'exercice de l'infirmière de bloc opératoire (Ibode), l'infirmière anesthésiste (Iade), la puéricultrice.

7- Extrait de l'article 2 du décret n°2002-194.

8- Responsabilité d'actualisation définie dans l'article 10 du décret n° 93-221 et rappelée dans l'article 1 du décret n°2002-194.

9- Productions de groupes de travail nationaux, sous l'égide du ministère de la Santé et de la Solidarité, sur différents thèmes : méthodes, organisation, système d'information, outils de soins et d'activité, typologie des actes infirmiers...

Tarifs des actes infirmiers libéraux

Au 1er mars 1992

AMI = 15 F ;

AIS = 14,30 F ;

IFD = 8,20 F.

Actuellement

AMI = 2,90 Euro(s) (19,02 F) ;

AIS = 2,40 Euro(s) (15,74 F) ;

IFD = 2 Euro(s) (13,12 F) ;

DI = 10 Euro(s).

Missions des infirmières

-« Protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques, en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial et social ;

- concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions ;

- participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ;

- contribuer à la mise en oeuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l'initiative du ou des médecins prescripteurs ;

- participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen de soins palliatifs et d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »

Source : décret de compétence (2002).

Rôle propre

Quel que soit le lieu d'exercice, « relèvent du rôle propre de l'infirmière les soins infirmiers liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmière a compétence pour prendre les initiatives qu'elle juge nécessaires [...], identifie les besoins du patient, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en oeuvre les actions appropriées et les évalue » (art.3). « [...] L'infirmier peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médicopsychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation [...] » (art.4).

Sources : articles 3 et 4 du décret 2002.194.