Flux, pénuries et détournements d'infirmières - L'Infirmière Magazine n° 201 du 01/01/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 201 du 01/01/2005

 

Dossier

- Pénurie, turn-over, recrutement des plus difficiles... La gestion des ressources humaines infirmières est un vrai casse-tête - Globalisation aidant, la « question infirmière » se répercute au-delà de nos frontières - Seule solution à long terme : améliorer l'attractivité du métier.

- C'est l'alerte permanente. Les hôpitaux de Londres manquent d'infirmières. Ne parvenant plus à faire face, les établissements organisent des expéditions d'enrôlement infirmier aux quatre coins de la planète. La DRH d'un hôpital de Londres part pour l'Inde en 1999. Elle s'envole pour les Philippines en 2002. Un autre hôpital londonien lance, en 2001, des voyages d'embauche en Espagne et aux Philippines. Un troisième hôpital mène plusieurs expéditions aux Philippines. Un quatrième groupe hospitalier (University College London Hospitals) lance une campagne internationale. Lors de quatre opérations de recrutement aux Philippines, il propose aux infirmières de ce pays des contrats de deux ans. À cette offre, il ajoute un logement à Londres, une aide à l'intégration dans la ville et l'ouverture d'un compte bancaire. Chaque « raid » permet de ramener une soixantaine d'infirmières.

TURN-OVER

Le turn-over des infirmières des hôpitaux publics de Londres est d'un tiers supérieur à celui de la moyenne nationale. Le taux de postes inoccupés y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays. Les difficultés sont encore plus grandes dans le centre de la capitale. Le taux de turn-over de ses hôpitaux y augmente de 38 % par an, selon les travaux de Belinda Finlayson, qui a évalué pendant deux ans les départs infirmiers dans les hôpitaux de la capitale(1). Sur 33 hôpitaux de court séjour, 19 perdent le quart de leurs infirmières ou plus chaque année. Dans sept hôpitaux, c'est même un tiers des infirmières par an qui le quittent. L'analyse montre que les établissements les plus en difficulté se trouvent tous dans le centre de la capitale. Les cinq les plus épargnés se trouvent tous à la périphérie de Londres. « L'effet repoussoir » des hôpitaux du centre-ville est le même à Birmingham et à Manchester. « Ces départs coûtent très cher à ces hôpitaux, explique Belinda Finlayson. Pour les retenir ou recruter, le service public hospitalier tente de gérer des facteurs hors de son contrôle. Les prix élevés de l'immobilier, des transports publics peu pratiques et des crèches onéreuses rendent le travail dans le centre de Londres impossible pour beaucoup d'infirmières après leur formation. » Nombre de jeunes infirmières en arrivent à abandonner leur métier, juste après le diplôme, avant même d'avoir commencé à l'exercer.

L'ÎLE-DE-FRANCE MANQUE D'INFIRMIÈRES

La France connaît-elle une situation similaire ? L'évaluation du nombre de postes vacants témoignerait de la pénurie. Fin 2000, 6 000 infirmières salariées manquent dans la seule région Île-de-France(2). Les auteurs de cette étude comptent « 2 697 postes vacants d'IDE, infirmières spécialisées et cadres dans l'ensemble des établissements de santé, quel que soit leur statut, public (dont AP-HP), privé non lucratif, privé lucratif ». Ils y ajoutent l'impact de la réduction du temps de travail (RTT) dans les établissements publics de santé. « Il peut être estimé au minimum à 6 % des postes d'IDE de ces établissements, soit 2 434 postes », notent-ils. Au total, une infirmière sur dix manque dans les établissements de santé. C'est 5 131 postes vacants sur les 49 583 postes budgétés dans les établissements de santé publics et privés. Si ce taux de 10 % est appliqué aux structures médicosociales, on obtient 1 000 postes vacants dans ce secteur. Le total est bien de 6 000 infirmières venant à manquer en Île-de-France.

Afin d'esquisser l'avenir, il convient de prendre en compte les flux qui peuvent affecter les effectifs : nouveaux quotas des Ifsi et nombre de nouveaux diplômés attendus chaque année ; taux d'échec et d'abandon en cours d'étude ; échanges entre fonctions publiques ; départs et retours de disponibilité ou de congé parental ; solde des mutations de l'Île-de-France vers la province ; âge des départs en retraite et nombre des bénéficiaires potentiels par an ; si ces facteurs sont à peu près stables, « le nombre des entrées prévisibles (19 405) n'équilibrera pas complètement le nombre des départs attendus (19 516) ». Les nouveaux quotas des Ifsi ne permettront pas « de rattraper le déficit actuel ».

PARTOUT, LA PÉNURIE !

Un résultat pour la France entière relève de l'extrapolation. Certaines directions régionales de l'action sanitaire et sociale ont calculé le nombre de postes vacants. Avant la RTT, ils touchaient de 3 à 5 % des effectifs. Leur nombre était donc inférieur ou égal à celui de l'Île-de-France (5 % hors compensation de la RTT). Enfin, selon les estimations officielles, il faudrait 10 000 à 15 000 infirmières pour combler les postes budgétés mais non pourvus. Le rapport du Comité permanent des hôpitaux de l'Union européenne ajoute qu'il manque, en France, 3 000 médecins dans le secteur public(3). Chez nos voisins allemands, 2 500 postes d'infirmières et 3 000 postes de médecins ne sont pas pourvus. En Suède, le nombre d'infirmières spécialisées en exercice a récemment baissé de 2 %. Celui des médecins spécialisés a chuté de 4 %. Aux Pays-Bas, le nombre d'infirmières en chirurgie a diminué de 3 %. Celui des infirmières anesthésistes de 6 %. Il manque près de 6 000 infirmières en Hongrie. Cela rend vacant 6 % des postes. À Chypre, le secteur privé désespère de trouver 500 infirmières. Selon ce rapport, le nombre d'infirmières et de médecins diminue dangereusement en Belgique, au Danemark, au Portugal, etc.

DANS DE BEAUX DRAPS

En France, de nombreux responsables d'hôpitaux, de cliniques et de maisons de retraite affirment avoir des difficultés de recrutement de soignants. Chaque année, l'enquête annuelle BMO (Besoin de main-d'oeuvre) porte sur les projets de recrutement en France, et la difficulté de les réaliser(4). Les questionnaires 2004 ont été envoyés à 336 664 employeurs. L'analyse porte sur les réponses de 97 524 d'entre eux.

Elle montre que la proportion de projets d'embauches jugés malaisés par les employeurs diminue dans le pays. Malgré cette moindre difficulté, les recrutements restent très difficiles pour deux types de métiers : les infirmières et les métiers de la construction. Sur 16 062 projets de recrutement d'infirmières en 2004, 13 301 sont jugés difficiles. Les infirmières obtiennent, avec 83 %, le plus fort taux de recrutement difficile. Deux autres professions de santé font partie des sept métiers les plus difficiles à recruter : les aides-soignantes (taux de difficulté : 63 %) et les autres professions paramédicales (56 %). L'enquête nous apprend que seulement 29 % des établissements veulent recruter dans la santé et l'action sociale.

EFFECTIFS ADAPTÉS ?

La France comptait 246 000 infirmières en 1980. Le répertoire Adeli en recense 446 000 au 1er janvier 2004 en France. La croissance des effectifs est donc forte. On pourrait croire cet afflux suffisant. Pour les équipes de soins, les conditions de travail ne semblent pas plus faciles pour autant. Bien au contraire. Ni le nombre des postes vacants, ni celui des soignants en exercice, ne suffisent à apprécier les besoins en effectifs. En effet, le vieillissement de la population nécessite de soigner un nombre plus grand de personnes. Un rapport du Conseil économique et social(5) rappelle que le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans « va s'élever de 1,2 à 2,4 millions en quinze ans ». À partir de 2020, les plus de 75 ans représenteront 10 % de la population française.

Mais il faut aussi tenir compte d'autres facteurs : densification des soins liée à la réduction du temps de séjour des patients hospitalisés ; technicisation plus grande de certains traitements ; progrès médicaux, qui permettent d'entreprendre des soins chez un grand nombre de patients pour lesquels on ne le faisait pas auparavant ; modifications de l'organisation hospitalière, avec la suppression des salles communes et le développement des chambres à un lit ; hausse du nombre des infirmières à temps partiel dans les hôpitaux publics ; réduction du temps de travail dans les établissements privés et publics.

DÉPARTS MASSIFS

Le rapport du Conseil économique et social rappelle la survenue inéluctable « d'un départ massif » des infirmières et des aides-soignantes les plus expérimentées. « D'ici à 2015, notent les auteurs, la fonction publique hospitalière perdra plus de la moitié des agents de ces deux filières, du fait des départs à la retraite. »

Il faut y ajouter le nombre des abandons précoces du métier. Le Conseil économique et social cite « un chiffre accablant ». En 2001, 50 000 infirmières diplômées de moins de 55 ans n'exerçaient plus en tant qu'infirmières.

« C'est la spirale infernale ! s'exclame Gabriel le Garrec, enseignant cadre supérieur de santé après avoir été "surveillant chef". C'est la pénurie dans tous les services. Les infirmières qui restent sont dans l'incapacité d'effectuer leur mission dans le respect des règles de l'art de soigner. Elles restent vaillantes. Mais les conditions d'exercice sont parfois "limite" pour la sécurité du patient. Certaines infirmières ne le supportent plus. Elles ne se voient pas continuer à travailler quinze ans dans ces conditions. Tout cela explique ces abandons du métier de plus en plus prématurés. Un mouvement de grève reste l'expression de l'espoir d'une amélioration. Il n'y a rien de pire que ces 50 000 abandons du métier parce qu'ils manifestent la perte de l'espoir d'une amélioration possible. »

CHERCHE ÉTUDIANTS DÉSESPÉRÉMENT

« La pénurie d'infirmière a conduit à deux augmentations de quotas en trois ans », précise Philippe Garrachon pour le Cefiec. En 2000 en effet, les quotas d'entrée dans les Ifsi sont passés de 18 436 à 26 436 étudiants. En 2003, ils sont passés de 26 436 à 30 000. « Mais il ne suffit pas de dire qu'il y a davantage de places dans les Ifsi pour que les jeunes s'y inscrivent », rappelle Jean-François Negri, vice-président du Comité permanent des infirmières européennes et membre du comité de suivi de l'étude Presst.

Les Ifsi se remplissent-ils ? « Un premier bilan de l'année 2003-2004 a été réalisé, incluant les rentrées de septembre et de février, observe Philippe Garrachon. Les instituts n'ont pas fait le plein. Le déficit national atteint 6,27 %. Certaines régions n'ont pas de déficit. D'autres rencontrent d'importantes difficultés. » Plus d'un étudiant sur dix manque dans cinq régions : le Nord-Pas-de-Calais (déficit de 11 %), la Champagne- Ardennes (12 %), l'Île-de-France (16 %), la Martinique (19 %) et la Réunion (23 %).

Les étudiants des Ifsi ne deviennent pas tous infirmiers. « Les abandons en cours de formation représentent actuellement environ 15 % des effectifs présents à l'Ifsi », note le Conseil économique et social. Il suggère « de mettre l'étudiant en situation d'assurer sa subsistance, son transport et son logement, tout en favorisant sa participation à la vie sociale, et en se préoccupant de son accueil et de son insertion véritable dans l'action de formation qu'il suit ».

Guerre économique oblige, le manque de moyens déployés par les cliniques ou l'État pour la formation de professionnels, et le soutien à ses étudiants, conduit à les prélever dans d'autres pays. Sur ce front, les pays européens vont devoir affronter un géant, les États-Unis. Ce pays aura besoin de plus d'un million d'infirmières dans les dix ans à venir, afin d'assurer la demande de la population américaine. C'est ce que révèle un rapport du Bureau of Labor Statistics. Aussitôt, la présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, annonce sa décision d'augmenter le niveau de recrutement des écoles d'infirmières du pays. À ses yeux, son pays doit assurer un stock d'infirmières exportables de premier choix. « Il est plus simple pour le gouvernement philippin d'envoyer ses travailleurs à l'étranger que de favoriser la création d'emplois, révèle Cheryl Peterson de l'Association des infirmières américaines (American Nurses Association). Il sont censés renvoyer les paies au pays. » Ce lucratif marché du rapatriement des devises de Philippins expatriés s'élevait à six milliards de dollars rien qu'en 2001.

« CHASSEURS D'INFIRMIÈRES »

Actuellement, le débat éthique fait rage dans les pays anglo-saxons. Ils font appel à des cabinets internationaux de « chasseurs d'infirmières ». La DRH d'un hôpital de New York, le Good Samaritan American Center, fait par exemple appel à une agence du Massachussets, Amity International. La profession se pose davantage de questions. « Les Philippines forment des infirmières pour l'exportation, alors que ce pays ne présente aucun excédent d'infirmières apparent », s'inquiète Cheryl Peterson. Ainsi, deux étudiants en soins infirmiers découvrent, dans la capitale philippine, les queues formées dès le matin par les trois mille patients par jour de l'hôpital de l'Université des Philippines. À Manille, Stephen Flanagan et John Culshaw constatent « une carence de ressources et d'équipements évidente ». Les urgences manquent d'infirmières pour recevoir près de 700 patients par jour. Le service de médecine générale compte quatre soignants pour 60 malades. « Le manque de financement du système de soins philippins est évident, concluent-ils. Il est la victime des régimes corrompus successifs et des dictateurs qui ont dépossédé les Philippines des capitaux de la nation. » Une mondialisation sauvage des flux infirmiers peut porter gravement atteinte aux systèmes de santé des pays les plus pauvres. D'ores et déjà, le Medical City General Hospital, à Manille, perd 12 infirmières par mois depuis 2000. Pour la responsable des soins infirmiers, Asuncion Javier, son hôpital ne peut que subir ces départs. Car il ne peut résister à l'attractivité des établissements étrangers, où les salaires sont dix fois supérieurs.

HARMONISER LES CURSUS

Pour faire face à la pénurie d'infirmières en France, le ministère de la Santé, les fédérations de l'hospitalisation publique et privée ont organisé le recrutement des infirmières espagnoles à l'ANPE de Madrid. Ce dispositif a permis de recruter 443 infirmières espagnoles, dont la moitié dans le secteur public. « Cette expérience, qui a commencé en mars 2002, se poursuivra jusqu'à la fin décembre 2004 », explique Florence Quillon, responsable de ce dossier pour la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Aucune suite à ce projet n'est envisagée avec l'Espagne. « Nous avons des contacts avec le Maroc, indique-t-elle. Mais la formation initiale y diffère. Si des infirmières marocaines devaient exercer en France, nous devrions payer, en tant qu'employeurs, un an d'étude complémentaire pour obtenir une équivalence de cursus validée par un jury. » Pour éviter ce coût, les infirmières francophones des pays non européens sont en général embauchées comme aides-soignantes. « Avant mai 2004 et l'entrée de dix nouveaux pays dans l'Union européenne, seule l'Espagne avait un excédent d'infirmières », affirme Florence Quillon. Aujourd'hui, il existe un excédent en Pologne. Mais la qualité des formations d'infirmières polonaises varie selon les régions. Pour qu'elles travaillent en France, il faudrait harmoniser les cursus. Directeur du département d'ergonomie de la chaire de médecine du travail de l'Université Jagiellonian, à Cracovie, Janusz Pokorski témoigne au contraire de la carence d'infirmières dans son pays, en Pologne (cf. encadré pp. 30-31). Soignants et infirmières générales y redoutent la chute de la qualité des soins que commence à causer la vague croissante de départs hors du pays d'infirmières et de médecins à la recherche de meilleurs salaires.

HÔPITAUX « MAGNÉTIQUES »

Dans un environnement aussi incertain, nos responsables des services de soins devraient tenter de rendre les hôpitaux attractifs. Qu'est-ce qui donne véritablement envie de travailler et de rester dans une équipe ou un établissement ? Les caractéristiques des « hôpitaux magnétiques », qui donnent vraiment envie d'y travailler et d'y rester, ont pu être précisées par l'analyse des données de l'étude européenne Presst-Next pour 14 CHG et CHU français(6), tout comme les facteurs de répulsion (cf. encadrés p. 30 et p. 31). Pour avoir suffisamment d'infirmières dans les équipes, on peut agir globalement sur les flux de soignants et localement sur ces facteurs d'attractivité. Depuis 1992, le traité de Maastricht fait du « dialogue social » une obligation. Il devrait s'appliquer à la politique européenne des effectifs, des migrations et des statuts des soignants. Représentants des salariés et des employeurs publics et privés devraient négocier des accords-cadres européens et demander à la Commission européenne de les traduire en projets de directives, soumises alors au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen. Il faut pour cela que ces partenaires sociaux dialoguent. Mais Brian Synnott, représentant la Confédération européenne des syndicats (CES), souligne que les représentants nationaux et européens des employeurs des hôpitaux publics ne sont toujours pas identifiés (cf. encadré p. 32).

DÉCLARATION ÉTHIQUE

« À la Commission européenne, ajoute Jean-François Negri, le traité d'Amsterdam attribue la coordination des politiques de santé à la DG Sanco (direction générale de la santé et de la consommation). Mais la compétence en matière de reconnaissance des diplômes de soignants, par exemple, ne lui a pas encore été reconnue. » Seule une note interne laisse entendre qu'elle pourrait devenir compétente dans ce domaine dans cinq à dix ans. « En tant que Comité permanent des infirmières européennes, nous avons aussi mis en garde contre ces risques de recrutement compétitif, rappelle-t-il. Nous voulons une déclaration éthique de l'Union européenne sur ce type d'embauches. » Elle s'appuiera sur la « Résolution pour la migration des travailleurs dans le secteur de la santé » du Bureau international du travail (BIT) et celle de la Commission internationale infirmière (CII). En Europe, les difficultés sont là. Mais les structures du « dialogue social » susceptibles d'y répondre tardent à se mettre en place.

ANALYSE

Caractéristiques des hôpitaux « répulsifs »

> Plus fort indice d'incertitude sur les traitements à administrer.

> Fort score de burn-out ou épuisement professionnel.

> Faible pourcentage d'infirmières satisfaites des temps de chevauchement entre équipes successives.

> Faible pourcentage de satisfaction concernant les horaires.

> Très faible influence des infirmières sur la définition de leurs horaires.

> Pourcentage moins élevé d'infirmières ayant un horaire de jour de type administratif.

> Fort indice de fréquence de postures inconfortables penchées.

> Plus de 70 % des soignants déclarant travailler debout plus de six heures par jour.

> Score élevé de conflit entre exigences du travail et de la vie privée.

> Longs trajets pour de nombreux soignants.

> Rareté des logements compatibles avec leur budget.

Source : Presst-Next.

ANALYSE

Atouts des hôpitaux « magnétiques »

> Satisfaction au travail.

> Soutien social des supérieurs.

> Qualités des cadres.

> Qualité des relations interpersonnelles.

> Plus faible charge émotionnelle.

> Forte autonomie au travail.

> Faible score de burn-out ou épuisement professionnel.

> Peu d'incertitude sur les traitements à administrer.

> Plus fort pourcentage d'infirmières satisfaites des temps de chevauchement.

> Plus fort pourcentage de satisfaction concernant les horaires.

> Plus grande influence sur le choix de ses horaires et de son rythme de travail.

> Courte durée de trajet entre lieu de travail et domicile.

> Prix de logement compatible avec son budget.

> Pourcentage élevé d'infirmières en horaire de jour de type administratif.

> Faible score de manutention.

> Faible score de postures inconfortables penchées.

> Moins d'insatisfaction quant aux espaces de travail.

> Moins de maux de dos.

Source : Presst-Next.

TÉMOIGNAGE

L'Ouest va-t-il « couler » le système de santé polonais ?

Janusz Pokorski dirige le département d'ergonomie, à la chaire de médecine du travail et des maladies environnementales de l'Université Jagiellonian, à Cracovie. Il est responsable de l'enquête européenne Next (Nurse's Exit Study) sur le départ des infirmières pour la Pologne.

> Quelle est l'ampleur de la migration des infirmières polonaises vers les pays de l'Union européenne ?

Elle était faible avant mai 2004. Depuis l'accession de la Pologne, à cette date, à l'Espace économique européen, le pourcentage d'infirmières quittant la Pologne pour d'autres pays membres se situe, par semaine, entre 0,2 % et 1 % de l'effectif hospitalier. Les infirmières commencent à apprendre une langue étrangère, souvent deux. Le salaire des infirmières restant très bas en Pologne, le nombre de celles quittant le pays va croître encore. Cela peut plonger nos hôpitaux et notre système de santé dans des difficultés considérables. De nombreuses infirmières générales sont effarées. Elles vont devoir changer les standards dans le sens d'une baisse de la qualité des soins.

> Le nombre des infirmières salariées continue-t-il de décroître dans votre pays ?

Absolument. Nous sommes passés de 217 000 à 185 000 infirmières en cinq ans. En Pologne, le nombre d'infirmières pour 10 000 habitants baisse bien en-dessous du niveau de la France, de la Grande Bretagne ou de la Finlande.

> Y a-t-il autant d'infirmières qui rentrent dans la profession que d'infirmières qui la quittent ?

Nous manquons de chiffres. Mais les infirmières générales comme les auteurs d'enquêtes pour la presse ou la télévision, sont convaincus que le solde est négatif.

> Vous perdez aussi vos médecins ?

La tendance à la migration est encore plus prononcée. Selon la Chambre des médecins, environ 2 500 médecins vont faire les démarches pour travailler hors de Pologne. Chez les infirmières, le nombre des départs de Pologne va augmenter dès leurs premiers progrès dans les langues. C'est pour l'an prochain selon moi.

TÉMOIGNAGE

Dialogue social contre KO social ?

Il est difficile de traiter des effectifs, des migrations et des statuts des soignants, sans « dialogue social ». Le traité de Maastricht en fait une obligation. La Commission européenne peut alors traduire ces « accords cadres » en projets de directives. Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), l'Irlandais Brian Synnott, secrétaire général de la Fédération européenne des services publics (Fesp), fait le point sur ce processus.

> Doit-on traiter à l'échelle européenne des flux et statuts des soignants ?

Bien sûr. Nous y travaillons au sein de la Confédération européenne des syndicats, à travers les échanges entre représentants d'une très large part des soignants de tous les pays membres de l'Union européenne. Les fédérations Santé de la CFDT, la CFTC, la CGT, FO et l'Unsa représentent la France au sein de notre confédération. Nous voulons surtout aborder ces questions à travers un processus de « dialogue social » européen entre représentants des employeurs et des salariés.

> Ce dialogue progresse-t-il ?

Très lentement. Les employeurs des services publics hospitaliers ne disposent pas d'une organisation européenne forte qui les représente. Ce dialogue ne peut s'établir sans eux. Il faudrait une structure des employeurs pour chaque pays. Une organisation ou une agence des employeurs de l'hôpital public, distincte du gouvernement, les représente actuellement en Irlande, en Suède ou en Italie. Dans d'autres pays, l'organisation légitime des employeurs du service public n'est pas clairement définie.

> Quel type d'interlocuteurs souhaitez-vous ?

Nous n'avons pas de préférence. Mais nos interlocuteurs doivent pouvoir siéger comme partenaires sociaux légitimes. Les représentants des employeurs et des salariés doivent être habilités à négocier au sein d'une structure formelle européenne.

> Cette structure de dialogue vous semble indispensable ?

Nous avons tant de dossiers à traiter ! Les soignants européens deviennent plus âgés en moyenne. Nous n'aurons pas assez de soignants jeunes au sein de nos systèmes de santé. Avec un tel dispositif de dialogue, nous disposerons d'informations claires sur les flux géographiques des soignants et la durée d'exercice de leur métier. Elle nous permettra d'aborder la question de la reconnaissance mutuelle des diplômes par les pays membres. Elle rendra possible une meilleure protection des droits sociaux ainsi qu'un meilleur respect des qualifications des soignants.

Notes

1- « Mind the Gap : the extent of the NHS nursing short age », B. Finlayson, J. Dixon, S. Meadows and, G. Blair, British Medical Journal, September 7th 2002.

2- Plan régional de formation et de recrutement d'infirmières, Arhif (Agence régionale d'hospitalisation d'Île-de-France), 2002.

3- The health care workforce in Europe : problems and solutions, rapport final du groupe d'étude sur la force de travail du Comité permanent des hôpitaux de l'Union européenne (Hope), mai 2004.

4- Résultats de l'enquête BMO 2004 France. Unedic-Assedic, Credoc, 2004.

5- Le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social, avis du Conseil économique et social, rapport présenté par M. Michel Pinaud au nom de la Section du travail, 2004.

6- Le concept de « Magnet Hospital » : évaluation sur les 14 CHG et CHU de l'étude Presst-Next, M. Estryn-Behar et coll., 2es Journées nationales de l'Association française des directeurs de soins (AFDS), Dijon, 15 septembre 2004.