L'éducation du patient VIH - L'Infirmière Magazine n° 201 du 01/01/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 201 du 01/01/2005

 

Observance

Conduites a tenir

La non-observance du traitement chez les patients VIH est un problème récurrent. Partant de ce constat, une équipe médicale et infirmière du CHU de Bicêtre a décidé de mettre en place un protocole d'éducation de ces malades, aux résultats prometteurs.

PRÉALABLE

En 1998, l'équipe médicale et infirmière de l'hôpital de jour de médecine interne (CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne) du professeur Jean-François Delfraissy prend conscience du problème de non-observance chez les patients VIH traités par trithérapie. Une préenquête par autoquestionnaire sur la prise des traitements antirétroviraux est réalisée. Après que cette étude eut confirmé nos inquiétudes, nous jugeons nécessaire de nous impliquer dans un projet d'éducation. Fin 1998, un protocole d'éducation de patients VIH sous traitement antirétroviral nous est proposé. Le but est d'évaluer l'impact d'un programme éducatif individualisé.

MÉTHODE

Le protocole est intitulé : « Ciel bleu ». Le promoteur de l'étude est Alliance Médica. Le projet est présenté sur trois centres : Paris (Le Kremlin-Bicêtre), Bordeaux et Lyon.

Une formation d'éducateurs est réalisée, le Kremlin-Bicêtre étant le seul centre où l'éducation est pratiquée par les infirmières.

Cette étude s'est déroulée sur 18 mois (de mai 1999 à décembre 2001) : 367 personnes traitées par trithérapie depuis trois mois minimum y ont participé (167 patients à Bicêtre, 100 à Lyon et 100 à Bordeaux).

Un formulaire d'information et un consentement ont été donnés à chaque patient participant. Après signature du consentement, le programme d'éducation thérapeutique antirétroviral a pu commencer. Suite à un tirage au sort, deux groupes de patients sont déterminés :

- un groupe témoin à qui est proposé un planning thérapeutique (cf. page suivante). Il s'agit d'un support cartonné symbolisant une journée type où des gommettes visualisent les médicaments et certaines consignes (à jeun, au coucher) ;

- un groupe éduqué s'est vu proposer le planning thérapeutique, la remise d'un pilulier et au minimum trois séances d'enseignements thérapeutiques individuelles à l'aide d'un chevalet (c'est un classeur où l'image domine. Les thèmes abordés sont : la contamination par le virus, les défenses immunitaires, l'évolution de la maladie, la charge virale, les CD4, le sort des médicaments et leurs actions).

Les séances d'éducation ont été programmées avec les rendez-vous de consultations médicales de chaque patient. Le but étant de ne pas multiplier les allées et venues du patient à l'hôpital.

ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

La première séance permet de faire un diagnostic éducatif qui détermine les besoins spécifiques en éducation du patient VIH. Selon les besoins en connaissances, comportements et attitudes vis-à-vis de sa maladie et de son suivi thérapeutique, chaque patient a reçu un enseignement personnalisé avec deux séances individuelles d'une durée d'une heure en moyenne. Il est important de signaler le côté aléatoire d'une séance d'éducation tant dans le contenu, dans la durée que dans le nombre.

Chaque patient est unique. Résultats : l'infirmière s'est adaptée suivant les besoins de ce dernier.

L'enseignement thérapeutique a comporté au minimum deux, voire six séances de 20 min à 1 h 30. Le but de l'éducation thérapeutique est d'accompagner les personnes touchées par le VIH, de les aider à mieux connaître l'infection, à mieux gérer leur traitement et à améliorer leur qualité de vie. Sur Paris, chaque patient bénéficiait du soutien d'une infirmière référente, ce qui a permis d'individualiser et de personnaliser les séances d'éducation.

ÉVALUATION

Afin de juger l'impact du programme éducatif personnalisé (comparaison groupe témoin-groupe éduqué), l'évaluation (à l'inclusion, à six mois, douze mois et dix-huit mois) a reposé sur des renseignements cliniques, biologiques et pédagogiques de chaque patient. Ces éléments ont été recueillis par l'équipe pluridisciplinaire référente du patient et ont été adressés à Alliance Médica (promoteur du protocole) pour analyse. D'autres données sont fournies par le patient à l'aide d'un autoquestionnaire anonyme restitué sous enveloppe cachetée (questionnaire de caractéristiques générales, de qualité de vie, d'observance, de connaissance, d'autonomie et de satisfaction du patient).

À la suite de la formation, des évidences sont apparues : imposer un programme de traitement, transmettre un savoir de ma- nière directive paraissent incompatibles avec la prise en charge abordée. Travailler en partenariat avec le patient implique une écoute active pour mieux entendre et mieux comprendre. La parole du soignant n'est plus un « langage savant », mais un « langage commun » compris de tous.

RÉSULTATS DE L'ÉTUDE (T0-T18)

Après dix huit mois écoulés, les résultats biologiques et les questionnaires ont été analysés.

Les conclusions de l'étude pour le groupe éduqué ont montré des répercussions bénéfiques majeures sur l'observance thérapeutique, la qualité de vie et les connaissances sur l'infection VIH :

- amélioration du score d'observance dans les deux groupes et significativement plus élevé dans le groupe éduqué ;

- évolution positive des scores de la qualité de vie dans le groupe éduqué quasiment toujours supérieure à celle des témoins ;

- les patients « éduqués » ont amélioré leurs connaissances sur l'infection VIH et sur leurs traitements par rapports aux « témoins ».

CONCLUSION

Face à notre expérience, nous souhaitons donner de l'importance à l'éducation du patient en l'intégrant dans nos soins. Nous pensons qu'il est primordial de diffuser notre programme éducatif au sein de notre propre établissement (par des notices explicatives), et de s'étendre ensuite sur d'autres centres, puis dans les Ifsi.

La reconnaissance de l'activité d'éducation thérapeutique se fera par la diffusion de statistiques prouvant l'efficacité de cette démarche éducative. Nous souhaitons rappeler que le patient est bien au centre de l'éducation thérapeutique et que celle-ci reste un champ d'innovation au service de l'évolution du système de santé.

ERRATUM

Dans le Cahier de formation précédent (L'Infirmière magazine n° 199, novembre 2004), nous avons attribué par erreur la paternité de l'article consacré à la transmission maternofoetale du VIH au Dr Sylvie Fridmannn (service de médecine interne et de maladies infectieuses, hôpital Bicêtre). Ce texte a en fait été écrit par le Dr Delphine Peretti (même service). Mille excuses aux intéressées et à nos lecteurs.

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