Le harcèlement moral - L'Infirmière Magazine n° 202 du 01/02/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 202 du 01/02/2005

 

Juridique

D'après de récentes études, il semblerait que le bloc opératoire constitue un des lieux privilégiés de harcèlement moral au travail. La première condition avant de s'engager dans un procès est de pouvoir rassembler le plus de preuves possibles.

La première loi sur le harcèlement moral au travail a été adoptée en 2001. Si nombre de plaintes déposées étaient légitimes, certaines d'entre elles ont été jugées abusives et le législateur a modifié la loi en janvier 2002. Dorénavant, la victime doit apporter la preuve de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans le cadre d'un procès, le salarié devra donc établir une chronologie des faits très détaillée, permettant de qualifier la faute de harcèlement. Ainsi, il est toujours utile de noter les remarques, les brimades, la présence d'éventuels témoins, et ce au jour le jour, et enfin de conserver les observations écrites du « harceleur ».

CRITÈRES OBJECTIFS

Le principal moyen de défense du « harceleur » consistera à démontrer que son comportement est dicté par des critères professionnels objectifs : le manque de compétence professionnelle d'une « faisant fonction » de panseuse, par exemple, va conduire le « harceleur » à des critiques permanentes à son égard, qui relèveraient davantage d'un mode paternaliste critiquable, mais pas d'un comportement pénalement punissable.

Ainsi, l'article L. 222-33-2 du Code pénal, dispose que « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Les juges ont pu, dans certaines affaires, retenir que le suicide d'un salarié était la conséquence directe d'un véritable harcèlement, et constituait ainsi un accident du travail, au sens de la législation du travail.

Par ailleurs, selon l'article L. 225-14 du Code pénal, « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ». La vulnérabilité ou l'état de dépendance sont constitués par l'existence d'un simple lien de subordination hiérarchique entre le « harceleur » et le salarié. En l'espèce, un chef de service qui dirigerait son service en ayant recours à des hurlements permanents, par exemple, se rend passible du délit défini à l'article L. 225-14 du Code pénal.

VOIES PÉNALE ET CIVILE

C'est la voie civile qui est le plus souvent choisie. L'agent fonctionnaire devra porter son action devant le tribunal administratif, alors que l'agent salarié devra saisir le conseil de prud'hommes. Dans tous les cas, des dommages et intérêts pourront être versés à la victime, laquelle pourra aussi obtenir la résolution judiciaire de son contrat de travail.

Depuis le renversement de la charge de la preuve opéré par la loi de janvier 2002 (NDLR, le harcelé doit fournir la preuve qu'il est bel et bien harcelé), la preuve du harcèlement est moins aisée. Tout repose bien souvent sur les témoignages des collègues qui pourront être recueillis. La peur de réprimandes ou de sanctions constitue généralement un frein au recueil de témoignages écrits.

Par ailleurs, un témoignage doit se contenter de décrire des faits objectifs, constatant des mises à l'écart, des mesures discriminatoires, des insultes, des menaces verbales, le refus de donner du matériel nécessaire à l'accomplissement du travail, etc., sans comporter de jugement de valeur sur la situation.

Choisir la voie pénale est une procédure plus longue, plus lourde, plus difficile psychologiquement, qui met en jeu l'action publique, c'est-à-dire le parquet. Le but n'est plus seulement d'obtenir des dommages et intérêts ou de voir son contrat de travail rompu aux torts exclusifs de l'employeur, mais d'obtenir la condamnation pénale de son « harceleur », par une peine d'amende ou de prison, voire les deux. Il est aussi possible de choisir les deux voies, civile et pénale à la fois. Néanmoins, la voie pénale prime sur la voie civile, et tant que l'affaire n'est pas jugée au pénal, la procédure civile est suspendue.

La voie pénale peut avoir des retombées médiatiques plus lourdes et en cas de condamnation, ruiner une réputation. C'est peut-être aussi parfois le seul moyen de faire cesser véritablement de tels agissements, en mettant définitivement la personne hors d'état de nuire.

Existe-t-il des risques à choisir la voie pénale plutôt que civile ?

En cas de relaxe, de non-lieu ou de classement sans suite de la personne poursuivie pour harcèlement à l'issue du procès, il lui est toujours possible d'engager des poursuites pour dénonciation calomnieuse, en démontrant que son honneur a été atteint par cette procédure. Néanmoins, les juges ne rentreront en voie de condamnation que s'il est démontré que l'agent à l'origine des poursuites pour harcèlement était véritablement de mauvaise foi, animé par une intention de nuire plutôt que de se défendre.

Ainsi, lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites pénales, il ne peut être statué sur les poursuites exercées contre l'auteur de la dénonciation qu'après la décision mettant définitivement fin à la procédure concernant le fait dénoncé.

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