Le syndrome néphrotique | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 202 du 01/02/2005

 

Cours

La néphrose est une maladie relativement fréquente de l'enfance. Malgré son tableau clinique très fleuri et la nécessité d'un traitement agressif et souvent assez long, le pronostic est souvent favorable.

DÉFINITIONS

Le terme « syndrome néphrotique » s'applique à toute condition qui regroupe une protéinurie massive (supérieure à 40 mg/m2/h), une hypoprotidémie importante (inférieure à 50 g/l) et des oedèmes. On comprend par néphrose l'association d'un syndrome néphrotique et de lésions glomérulaires minimes à l'histologie, avec effacement des podocytes en microscopie électronique ; la néphrose idiopathique ou pure étant la forme de présentation la plus fréquente des néphropathies glomérulaires chez l'enfant.

Il existe d'autres lésions histologiques : la hyalinose segmentaire et la prolifération mésangiale diffuse se présentent chez les patients qui ne répondent pas à la corticothérapie. Les chevauchements entre les variétés histologiques étant possibles, les néphroses sont donc séparées en corticosensibles, dans quatre cinquième des cas, avec apparition de rechutes mais sans évolution vers l'insuffisance rénale et les néphroses corticorésistantes, dont la moitié évolue vers l'insuffisance rénale. On parle de rémission lorsque la protéinurie est inférieure à 4 mg/m2/h, ou lorsque la bandelette urinaire est négative pour les protéines pendant trois jours de suite.

La rechute est la présence d'une protéinurie massive pendant trois jours après une période de rémission. Les rechutes sont dites fréquentes lorsqu'elles se présentent deux fois ou plus dans les six premiers mois qui suivent la rémission initiale, ou lorsqu'elles se présentent quatre fois ou plus pendant une période d'un an. La corticodépendance est la survenue d'une rechute lors de la diminution de la corticothérapie ou dans les 14 jours suivant son arrêt. La corticorésistance est définie par la persistance de la protéinurie après quatre semaines de traitement oral par prednisone et de trois bolus IV de méthylprednisolone.

ÉPIDÉMIOLOGIE

L'incidence de la néphrose est de deux à trois cas pour 100 000 enfants chaque année, et la prévalence est de 16 cas pour 100 000 enfants. 80 % des enfants ont moins de six ans au moment du diagnostic, avec un pic à deux ans et demi. La néphrose est responsable des deux tiers des syndromes néphrotiques chez l'enfant ; chez les sujets entre trois et huit ans, elle en est la cause presque exclusive.

Chez les jeunes enfants, les garçons sont plus fréquemment atteints que les filles, chez les adolescents et les adultes, les deux sexes sont atteints dans la même proportion. Certaines études ont montré une atteinte de plusieurs enfants d'une même fratrie, voire l'atteinte de plusieurs générations dans la même famille. Plus de 30 % des patients qui présentent une néphrose ont un terrain atopique avec des IgE élevées. Lorsque l'allergène est identifié, son éviction peut être suivie d'une amélioration des symptômes. Les allergènes mis en cause peuvent être respiratoires, alimentaires ou de contact.

Tableau clinique et physiopathologie. Le début est souvent brusque. Il est fréquent de retrouver une infection de la sphère ORL dans l'anamnèse récente. L'oedème est le symptôme cardinal de la néphrose. Initialement, l'excès de liquide extracellulaire crée des oedèmes proclives, des paupières au lever et des oedèmes des chevilles en fin de journée. Puis apparaissent la prise de poids avec ascite, épanchements pleuraux et hydrocèle. La perte urinaire de protéines entraîne dans les capillaires une diminution de la pression oncotique (maintenue quasi exclusivement par l'albumine) et une augmentation de la pression hydrostatique. Le liquide extracellulaire quitte donc l'espace vasculaire et ne peut être drainé par le système veineux. La perte urinaire des protéines est due à une augmentation de la perméabilité de la paroi glomérulaire. L'hypoalbuminémie est le résultat de cette perte rénale, mais aussi d'une augmentation du catabolisme rénal de l'albumine.

La déplétion vasculaire active l'axe rénine-angiotensine, avec une rétention rénale de sodium et d'eau, et donc une augmentation des oedèmes. La conséquence est donc une hypovolémie qui peut être source de douleurs abdominales, d'une pauvre perfusion distale, d'hypotension, voire de collapsus. L'hypovolémie est également à l'origine d'une hémoconcentration et d'une augmentation de la viscosité sanguine, ce qui favorise la survenue de complications thrombotiques. L'origine de ces complications est multifactorielle. D'une part, il existe une hypercoagulabilité du plasma, avec augmentation de la concentration de fibrinogène, et des facteurs II, V, VII, VIII et X, avec des taux bas d'antithrombine III, de protéine C et de facteurs IX, XI et XII, dus aux pertes rénales ; d'autre part, il existe une hyperagrégabilité plaquettaire.

Les patients présentant une néphrose ont une importante susceptibilité aux infections bactériennes, spécialement dues au pneumocoque. Les raisons sont diverses : la perte urinaire de gammaglobulines et de composants du complément, et un défaut de réponse lymphocytaire aux antigènes. Le traitement par corticoïdes augmente cette susceptibilité, en particulier en ce qui concerne les infections virales. Les pertes protéiques peuvent entraîner une malnutrition moins bien tolérée, lorsque l'état nutritionnel de base n'est pas idéal. La fuite urinaire s'accompagne de perte des hormones fixées aux protéines porteuses, ce qui provoque une diminution de la masse musculaire, une ostéoporose et une cassure de la courbe pondostaturale, effets majorés par le traitement par corticoïdes.

Tableau biologique. L'analyse des urines montre donc une protéinurie massive de plus de 50 mg/kg/j ou 40 mg/m2/h, très sélective, surtout concernant l'albumine. Une hématurie microscopique s'observe chez 25 % des patients, mais l'hématurie macroscopique est rare et fait craindre un diagnostic concomitant, en particulier une thrombose des veines rénales. La glycosurie est rare, et traduit une atteinte rénale sévère. La concentration urinaire de sodium est très basse. L'électrophorèse des protéines montre une hypoprotidémie inférieure à 50 g/l, avec une hypoalbuminémie inférieure à 25 g/l, une hyperalpha 2 globulinémie et une hypogammaglobulinémie. Le taux d'IgE totales peut augmenter jusqu'à 25 %, ce qui prouve une relation avec un terrain atopique. Les protéines de grande taille comme le fibrinogène et la lipoprotéine b sont augmentées, alors que les protéines de petite taille sont perdues par les urines, ce qui entraîne une diminution de leur activité ; il s'agit entre autres de la transferrine (anémie), l'antithrombine III, la protéine porteuse de la thyroxine (hypothyroïdie). Le bilan lipidique montre une hypercholestérolémie et une hypertriglycéridémie souvent importante. Les LDL (low density lipoprotein), les VLDL (very low density lipoprotein) et les HDL (high density lipoprotein) sont souvent augmentées.

L'hématocrite est souvent augmenté, en particulier en présence d'hypovolémie. L'ionogramme sanguin montre une natrémie normale ou basse par hémodilution, lorsque l'hypovolémie entraîne une activation de l'hormone antidiurétique et une rétention d'eau. L'hyperlipidémie diminue également la natrémie. La kaliémie est souvent normale, mais s'élève en cas d'insuffisance rénale ; la calcémie totale est basse, due à la baisse du calcium lié à l'albumine, mais le calcium ionisé reste normal. La créatininémie est élevée au moment du diagnostic chez 33 % des patients, ce qui traduit en général une insuffisance rénale fonctionnelle.

Bilan initial. Devant un tableau clinique suggestif de syndrome néphrotique, le bilan initial inclut :

- numération formule sanguine avec plaquettes ;

- ionogramme sanguin, urée et créatinine sanguines, calcémie, transaminases, glycémie ;

- albuminémie, protides totaux et électrophorèse des protéines plasmatiques ;

- hémostase complète : TP, TCA et cofacteurs du TP ainsi que fibrinogène, dosage de l'antithrombine III et des D-dimères ;

- bilan lipidique (chlolestérol, triglycérides) ;

- ECBU ;

- cytologie urinaire ;

- protéinurie sur une miction et sur les 24 heures ;

- ionogramme urinaire des 24 heures.

Il est nécessaire de confirmer le caractère primitif de la néphrose. Un bilan à la recherche d'une cause étiologique est donc indispensable :

- dosage des facteurs du complément en particulier C3, et CH50 ;

- facteurs antinucléaires, anti-DNA natifs ;

- cryoglobulinémie ;

- Aslo ;

- sérologies hépatite B, hépatite C et HIV, à faire en fonction du contexte. Il est nécessaire de connaître le statut sérologique des patients avant de débuter la corticothérapie. Si le bilan hépatique est perturbé, les PCR hépatite B et hépatite C doivent être faites ;

- parasitologie des selles à faire assez systématiquement mais tout particulièrement chez les patients originaires ou ayant séjourné dans des zones endémiques. Le risque d'une anguillulose maligne est important, car la corticothérapie masque les signes évolutifs de l'infection. Un traitement éradicateur par Ivermectine® ou Tiabendazol® est nécessaire ;

- radiographie du thorax à la recherche d'un foyer infectieux, et de masse suggestive de lymphome ou d'un épanchement pleural ;

- électrocardiogramme ;

- vérifier l'IDR avant le traitement par corticoïdes.

Indications de la biopsie rénale. La ponction biopsie rénale n'est indiquée que si le tableau est atypique et essentiellement lors de la constatation de corticorésistance. Donc chez l'enfant âgé de un à dix ans qui présente un tableau typique, la corticothérapie est débutée d'emblée sans faire de biopsie, la disparition de la protéinurie sous traitement confirmant le diagnostic de néphrose. Les résultats de l'analyse en microscopie optique de la biopsie rénale peuvent montrer :

- dans 80 à 90 % des cas : des lésions glomérulaires minimes, c'est-à-dire un aspect histologiquement normal avec une hypertrophie des podocytes, et un effacement de leurs pieds à l'analyse par microscopie électronique. La membrane basale glomérulaire est normale, sans dépôts pariétaux. Dans 30 % des cas, on peut observer des dépôts d'IgM dans le mésangium a priori sans corrélation directe avec la réponse au traitement. On observe au niveau tubulaire des gouttes de lipides à l'intérieur des cellules épithéliales. Cette découverte associée à la perte de corps gras dans les urines a donné le nom de néphrose lipoïdique à cette pathologie. Cependant, cette caractéristique n'est pas spécifique du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes et peut être observée dans les autres formes histologiques ;

- dans à peu près 10 % des cas : la hyalinose segmentaire focale qui est caractérisée par des lésions glomérulaires qui atteignent une partie limitée des anses capillaires ; celles-ci sont oblitérées à cause de dépôts hyalins, de la rétraction des parois des capillaires et de l'hypertrophie mésangiale. Ces lésions sont irréversibles. Au cours de la néphrose, il se pourrait qu'elles soient la conséquence de la protéinurie ;

- plus rare, la prolifération mésangiale diffuse accompagnée d'une hypertrophie de la matrice mésangiale. La découverte de dépôts d'IgG ou d'IgA ou cours de la néphrose reste fortuite. Les néphroses avec lésions glomérulaires minimes sont corticosensibles dans 90 % des cas. Seuls 5 % des patients présentent une corticorésistance. Les néphroses avec des lésions de hyalinose segmentaire focale sont corticorésistantes dans 75 % des cas ; 25 % des patients répondent au traitement et peuvent donc avoir un pronostic favorable. Les néphroses avec lésions de prolifération mésangiale diffuse sont corticorésistantes, et évoluent souvent vers l'insuffisance rénale.

Complications. Les complications surviennent au moment des poussées ; la complication la plus fréquente étant la récidive.

- Hypovolémie : elle peut entraîner des douleurs abdominales, asthénie, initialement suivies d'altérations de l'hémodynamique avec tachycardie puis collapsus. Par ailleurs, on peut observer une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle secondaire.

- Insuffisance rénale vraie avec anurie qui peut se voir même dans les cas de néphrose corticosensible.

- Infections bactériennes à pneumocoque, streptocoque, Escherichia coli : péritonite primaire, infections pulmonaires, méningées, cutanées, voire septicémie.

- Les infections virales sont souvent liées au traitement immunosuppresseur ; les patients sont particulièrement susceptibles devant une varicelle. La sérologie varicelle peut être prélevée lors du bilan initial, et un traitement par Aciclovir® doit être prescrit devant le contage avec un malade.

- Complications thrombo-emboliques favorisées par l'hypovolémie et qui peuvent être aggravées par l'utilisation des diurétiques et l'immobilisation. La thrombose veineuse peut toucher les veines profondes des membres inférieurs et du bassin, et s'accompagner d'embolie pulmonaire. La thrombose veineuse superficielle étendue peut se compliquer de gangrène. En ce qui concerne la thrombose des veines rénales, elle est une conséquence et non une cause de syndrome néphrotique. La thrombose des veines corticales cérébrales est généralement fatale. L'atteinte artérielle est moins fréquente.

- État de malnutrition protéique ;

- anémie hypochrome ;

- hypothyroïdie ;

- rachitisme par perte urinaire de 25OHD3 ;

- apparition d'athéromes précoces à cause de l'hyperlipidémie ;

- des douleurs abdominales au cours du syndrome néphrotique peuvent avoir comme origine une péritonite primitive, un état d'hypovolémie, un accident thrombotique, mais aussi une pancréatite ou un ulcère gastrique qui peut être secondaire au traitement par corticoïdes.

Évolution et traitement. L'évolution du syndrome néphrotique dépend de la réponse à la corticothérapie. 90 % des patients sont corticosensibles mais seuls 30 % d'entre eux feront une poussée unique avec une évolution vers la guérison dès le début du traitement. L'absence de rechute pendant les 18 à 24 mois suivant l'arrêt de la corticothérapie correspond probablement à une guérison définitive. 10 % feront des rechutes espacées qui surviendront après quelques mois sans traitement. 60 % évolueront vers une corticodépendance avec des rechutes apparaissant dès la baisse du traitement. Ces enfants continueront à présenter des poussées pendant au moins quatre ou cinq ans dans 50 à 70 % des cas, et pendant dix à quinze ans dans 30 à 50 % des cas. Une corticothérapie discontinue prolongée est alors proposée, ce qui permet l'espacement des rechutes et n'a pas d'effets secondaires sur la croissance.

Un petit nombre de cas présentera des rechutes fréquentes, malgré la corticothérapie discontinue. Un traitement continu est alors nécessaire avec des conséquences notables pour la croissance, en particulier au moment de la puberté. Ces patients ont une indication de traitement par des agents alkylants ou par ciclosporine. L'évolution à long terme reste favorable. En effet, tant que la néphrose est corticosensible, le risque d'insuffisance rénale est presque nul. Le risque d'apparition d'une corticorésistance est de 2 à 5 %. En revanche, les néphroses corticorésistantes qui représentent 10 % des patients, évoluent dans la moitié des cas vers l'insuffisance rénale dans des délais allant de quelques mois jusqu'à 15 ans. La survenue de complications est également plus fréquente, et la corticothérapie qui est inefficace doit être arrêtée pour diminuer ses effets secondaires. Une récidive de la maladie est observée dans 40 % des cas après transplantation rénale, le risque étant majoré chez les patients dont la maladie initiale a rapidement évolué en insuffisance rénale, ou lorsque la biopsie rénale a montré une prolifération mésangiale diffuse.

Traitement symptomatique.

Régime.

- Restriction des apports sodés (0,5 meq/ kg/24 heures) d'une part pour limiter l'importance des oedèmes, d'autre part pour diminuer les effets secondaires de la corticothérapie.

- Restriction des apports hydriques pour limiter l'importance des oedèmes et l'hyponatrémie. La restriction hydrique stricte est rarement nécessaire. Les pertes insensibles sont les pertes continues par évaporation à partir de la peau et des voies aériennes.

- Apport normal de protéines. Un régime riche en protéines augmentera les pertes sans effet sur l'albuminémie. Un régime pauvre en protéines augmentera le risque de dénutrition.

- Apport calorique suffisant.

Suppléments.

- Carbonate de calcium 30 à 50 mg/kg/j en deux prises ;

- vitamine D : Stérogyl® 3 à 5 gouttes/jour ;

- supplément de thyroxine indiqué si le taux de T4 plasmatique est bas avec un taux de TSH élevé.

Antibiothérapie.

L'administration prophylactique de pénicilline V (Oracilline®) à une dose de 50 000 U/Kg/J en deux ou trois doses est justifiée afin de prévenir les risques d'une infection à pneumocoque. En cas de survenue d'un syndrome infectieux, les prélèvements à visée bactériologique doivent être faits afin d'essayer d'isoler le germe responsable. En attente des résultats, un traitement antibiotique probabiliste visant les germes les plus fréquents doit être instauré sans tarder.

Perfusions d'albumine.

Les indications de la perfusion d'albumine sont rares : le collapsus hypovolémique, hypovolémie modérée mal tolérée (asthénie, douleurs abdominales, tachycardie) ou syndrome oedémateux majeur ne cédant pas aux diurétiques. La préparation utilisée est l'albumine humaine à 20 % à passer pure ; la dose habituelle est de 1 g/kg diluée dans le même volume de G5 % pour une perfusion de six heures. La tension artérielle et la fréquence cardiaque doivent être surveillées régulièrement : scope et TA toutes les 30 minutes. La bradycardie est un signe de mauvaise tolérance. La perfusion d'albumine doit être suivie d'une perfusion de diurétique : furosémide (Lasilix®) à la dose de 1 mg/kg en IV lente d'au moins trente minutes sauf en cas de collapsus.

Diurétiques.

Les diurétiques doivent être utilisés avec prudence, le risque étant la majoration de l'hypovolémie. Les indications sont un syndrome oedémateux entraînant une gêne fonctionnelle ou des complications locales. La recherche de signes d'hypovolémie est indispensable avant la mise en route du traitement :

- hémoglobine supérieure à 15 g/dl ou augmentation nette par rapport au chiffre de base ;

- tachycardie ;

- hypotension artérielle à rechercher en orthostatisme.

Si ces signes sont présents, les spironolactones sont les médicaments de choix : Aldactone® à une dose de 10 mg/kg/J.

S'il n'existe pas de signes d'hypovolémie, le traitement de choix est la furosémide (Lasilix®) per os à une dose de 5 mg/kg/j en une dose. En cas d'échec, la furosémide peut être utilisée par voie veineuse pendant 72 heures, à une dose de 10 mg/kg/j en perfusion lente de deux heures.

Tout patient sous diurétique doit avoir un contrôle de son ionogramme urinaire par 24 heures tous les jours. L'échec du traitement diurétique est défini par l'absence de perte de poids et d'augmentation de la natriurèse.

Anticoagulants.

Il est important de prévenir les thromboses :

- il importe de limiter l'alitement prolongé et les immobilisations ;

- correction de l'hypovolémie et de l'hémoconcentration ;

- éviter les ponctions d'artères et de veines fémorales ainsi que les cathéters centraux dans la mesure du possible.

Le traitement anticoagulant prophylactique est indiqué lorsque le taux d'albumine plasmatique est inférieur à 20 g/l associé à un des taux suivants :

- taux de fibrinogène supérieur à 6 g/l ;

- taux d'ATIII inférieur à 70 % ;

- taux de D-dimères circulants supérieur à 1000-2000 mg/ml ;

- taux de facteurs de coagulation supérieur à 130 %.

Le traitement de choix est un AVK, warfarine (Coumadine®) à une dose de 0,1 mg/kg/j en une prise le soir. Le contrôle de l'INR doit se faire après 72 heures de traitement, la cible thérapeutique étant un INR entre 2 et 3.

En cas d'accident thrombo-embolique confirmé ou de proximité d'un geste invasif (exemple, ponction biopsie rénale) ou en présence d'une hypercoagulabilité biologique très sévère en attendant l'efficacité des AVK, un traitement par héparine intraveineuse ou héparine de bas poids moléculaire (HBPM) est à considérer. Le médicament de choix est le Lovenox® à une dose de 0,5 mg/kg/j en une prise. Le relais par AVK doit se faire dès que possible. L'arrêt des anticoagulants est conseillé dès la disparition de la protéinurie.

Antihypertenseurs.

Les enfants atteints de néphrose sont généralement normotendus. L'hypertension peut être un effet secondaire de la corticothérapie. Ces traitements sont à utiliser en général sur des courtes durées.

Corticothérapie. La corticothérapie est le traitement de fond du syndrome néphrotique. Le traitement initial se fait par prednisone (Cortancyl®) à une dose de 60 mg/m2/j pendant quatre semaines, sans dépasser 60 mg/j en une prise matinale. Le traitement a une durée totale de quatre mois et demi.

Au bout de quatre semaines, les doses de prednisone doivent diminuer progressivement :

- 60 mg/m2 un jour sur deux pendant huit semaines ;

- 45 mg/m2 un jour sur deux pendant deux semaines ;

- 30 mg/m2 un jour sur deux pendant deux semaines ;

- 15 mg/m2 un jour sur deux pendant deux semaines.

S'il n'y a pas de rémission au bout de quatre semaines, un traitement par méthylprednisolone est préconisé à raison de 3 bolus de 1 g/1,73 m2 à 48 heures d'intervalle, en perfusion lente de quatre heures, diluée dans 50 ml de G5 %.

Si la protéinurie disparaît suite au traitement IV, la corticothérapie per os est reprise. On parle de corticosensibilité s'il y a disparition de la protéinurie pendant le premier mois de traitement per os ou suite au traitement IV.

En cas de rechute survenant trois mois après l'arrêt du traitement, la prednisone est à represcrire suivant le schéma :

- 60 mg/m2 jusqu'à huit jours après la rémission ;

- 60 mg/m2 un jour sur deux pendant quatre semaines ;

- 45 mg/m2 un jour sur deux pendant quatre semaines ;

- 30 mg/m2 un jour sur deux pendant quatre semaines ;

- 15 mg/m2 un jour sur deux pendant quatre semaines.

Si la rechute survient dans les trois premiers mois après l'arrêt du traitement, la dose de 15 mg/m2 un jour sur deux devra être prise pendant une durée de 12 à 18 mois.

Surveillance ultérieure.

- Reprise rapide de la scolarité et des activités sportives ;

- surveillance au domicile de la protéinurie par bandelette avec tenue d'un cahier de bord ;

- hospitalisation uniquement en cas de complications ou oedèmes très importants.

Vaccination de l'enfant atteint de néphrose

Aucun vaccin ne peut être pratiqué pendant une poussée ou juste après ; ils doivent être proposés à distance des immunosuppresseurs. Si l'enfant est en rémission sans traitement depuis un an, tous les vaccins sont permis. Si le traitement par corticoïdes est toujours suivi ou s'il persiste un syndrome néphrotique, seuls les vaccins tués sont permis. Les vaccins à proposer systématiquement sont :

- vaccin antipneumococcique pour tous les enfants ;

- vaccin antigrippal pour les rechuteurs fréquents ;

- vaccin antitétanique à jour pour tous les patients.

Traitements en cas de corticodépendance

> Agents alkylants

Leur efficacité dépend du niveau de corticodépendance et de la durée du traitement. Les molécules utilisées sont le chlorambucil (Chloraminophène®) à une dose de 0,2 mg/kg/j et le cyclophosphamide (Endoxan®) à une dose de 2 mg/kg/j.

La durée de ces traitements est limitée par les effets secondaires, notamment la gonadotoxicité chez le garçon, mais aussi les complications hématologiques, augmentation de la susceptibilité aux infections en particulier virales, et le risque d'induction de leucémie ou de tumeur maligne. Le chlorambucil peut être utilisé jusqu'à 6 à 8 semaines, et le cyclophosphamide jusqu'à 10 à 12 semaines. Des traitements plus courts n'induisent pas une guérison complète mais une rémission momentanée qui permet le sevrage temporaire des corticoïdes.

> Ciclosporine

Indiquée lorsque le traitement par agents alkylants est inefficace, elle permet de maintenir la rémission dans 80 à 90 % des cas. Les corticoïdes peuvent être arrêtés, mais une association des deux traitements est souvent nécessaire. La dose initiale est de 150 mg/m2/j et doit être ajustée en fonction des taux sanguins. Dans la plupart des cas, la rechute survient à l'arrêt de la ciclosporine, mais pendant son utilisation qui peut s'étendre entre 18 mois et deux ans, la fréquence des rechutes est limitée. Les effets secondaires de la ciclosporine sont l'hypertension artérielle, l'hypertrichose, l'hypertrophie gingivale, l'hypomagnésémie, la néphrotoxicité. Une surveillance régulière de la fonction rénale est indispensable.

> Lévamizole

Cet immunomodulateur permet une réduction de la dose des corticoïdes et un espacement des rechutes dans les cas de corticodépendance peu sévère. La dose utilisée est de 2,5 mg/kg deux à trois fois par semaine. La surveillance de la numération est nécessaire devant les risques de neutropénie et thrombopénie.

Syndromes néphrotiques congénitaux et infantiles

> L'expression « syndrome néphrotique congénital » s'applique aux nouveaux nés qui présentent dès la naissance des oedèmes, une protéinurie et une hypoalbuminémie ; on y inclut les enfants de moins de trois mois présentant ce tableau clinique. Le prototype est le syndrome néphrotique primitif de type finlandais. Le début est anténatal ou très précoce, la transmission est récessive dominante. Ces enfants ont un petit poids de naissance, sont souvent prématurés et le placenta est très volumineux. Les oedèmes sont importants avec ascite et souvent une hernie ombilicale. Le syndrome néphrotique est massif. Le décès survient dans les deux premières années. Il est dû aux complications infectieuses ou thrombo-emboliques. L'insuffisance rénale apparaît vers l'âge de deux ans. La transplantation rénale lorsqu'elle est possible n'est jamais suivie de récidive.

> Le terme « syndrome néphrotique infantile » s'applique aux cas dont les symptômes surviennent entre trois et douze mois de vie. Ils peuvent être secondaires à une infection telle que la syphilis, la toxoplasmose congénitale ou le sida. La plupart sont primitifs et correspondent soit à une sclérose mésangiale diffuse isolée ou inscrite dans un syndrome génétique, soit à une néphrose idiopathique de l'enfant de moins d'un an.

Effets secondaires de la corticothérapie au long cours

> Désordres électrolytiques : rétention hydrosodée, hypokaliémie, hypertension artérielle.

> Troubles endocriniens et métaboliques : syndrome de Cushing iatrogène, atrophie corticosurrénale, diminution de la tolérance au glucose, arrêt de la croissance chez l'enfant, retard de cicatrisation. Ostéoporose avec possibilité de fractures pathologiques et tassements vertébraux.

> Troubles musculosquelettiques avec atrophie musculaire dûs à l'augmentation du catabolisme protéique, fatigue.

> Troubles digestifs : risque d'ulcère gastroduodénal, de perforation et d'hémorragie digestive. Pancréatite.

> Troubles psychiques : euphorie, excitation, insomnie, état confusionnel.

> Réveil d'infections en particulier virales, mycoses, mais aussi tuberculose, anguillulose. Augmentation du risque d'infections bactériennes et virales.

> Troubles cutanés : acné, hypertrichose, atrophie cutanée, purpura, vergetures.

Indications de la biopsie rénale

La biopsie est indiquée lorsque le tableau de néphrose est atypique :

- début avant un an ou après 10-12 ans ;

- début progressif avec notion de protéinurie ancienne ;

- hématurie macroscopique ;

- insuffisance rénale ;

- hypertension artérielle. L'indication la plus fréquente est la corticorésistance. Dans les cas de corticodépendance, lorsqu'un traitement par ciclosporine est instauré, la biopsie rénale est recommandée tous les 12 à 18 mois à la recherche de signes histologiques de néphrotoxicité dus à cette substance.