Attention à la grossesse ! - L'Infirmière Magazine n° 203 du 01/03/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 203 du 01/03/2005

 

Neuroleptiques

Thérapeutiques

Les neuroleptiques peuvent traverser la barrière foetoplacentaire chez la femme enceinte, et provoquer des effets indésirables sur le foetus.

Neuroleptiques, un terme que l'on entend souvent dans notre profession, et qui désigne des médicaments psychotropes agissant sur le fonctionnement cérébral. Problème : ils ont la faculté de traverser la barrière foetoplacentaire. Ainsi, une femme enceinte qui suit un traitement neuroleptique expose son foetus aux effets de ce médicament.

Si l'on se réfère au Vidal, aucun neuroleptique n'est exempt de risque pendant la grossesse. Tout effet tératogène ne peut être écarté. Ces médicaments sont donc déconseillés pendant la grossesse. Cependant, la grossesse ne protège pas des troubles mentaux. Il peut même se produire à cette occasion une aggravation de troubles préexistants. De plus, une pathologie mentale déséquilibrée peut avoir des conséquences néfastes sur la grossesse.

Indications

Les neuroleptiques sont utilisés dans le traitement des états psychotiques aigus ou chroniques, notamment la schizophrénie. Ces pathologies sont grossièrement caractérisées par une rupture avec la réalité.

Le malade peut être en proie à des hallucinations ou des états d'agitation. La grossesse peut provoquer une aggravation des symptômes, mais ce n'est pas systématique. Un état psychotique chez une femme enceinte peut également constituer un risque pour le foetus par déni de la grossesse, ou répétition des comportements à risque.

On distingue les neuroleptiques classiques des neuroleptiques atypiques que sont les nouveaux antipsychotiques.

L'ouvrage de Briggs et coll.(1) affecte aux médicaments un indice croissant de risque d'utilisation pendant la grossesse de A à D. La plupart des travaux ont porté sur les phénothiazines (ex. : chlorpromazine) et les butyrophénones (ex. : halopéridol), qui sont des neuroleptiques classiques. Ils sont classés dans la catégorie de risque C : les études chez l'animal ont montré des effets indésirables sur le foetus, mais il n'y a pas d'étude épidémiologique chez la femme. Le médicament ne sera prescrit que si le bénéfice attendu justifie le risque sur le foetus.

Les neuroleptiques atypiques sont des antipsychotiques plus récents qui induisent moins d'effets extrapyramidaux, comme des tremblements et des dyskinésies. Ils n'ont pas encore été assez étudiés pour être prescrits durant la grossesse.

Risques

Quatre types d'effets induits par les neuroleptiques sur le foetus ont été répertoriés :

- l'effet tératogène dû à l'exposition pendant le premier trimestre. Les neuroleptiques peuvent provoquer des malformations ;

- l'effet foetotoxique dû à l'exposition aux deuxième et troisième trimestres. Il n'y a pas de malformation mais des troubles fonctionnels ;

- la toxicité périnatale : effets sur le nouveau-né dus à l'exposition en fin de grossesse. Si le neuroleptique est pris par la mère jusqu'à l'accouchement, cela peut provoquer chez le nouveau-né, de manière exceptionnelle, une dépression respiratoire ou syndrome extrapyramidal. Il se traduit par des tremblements, une rigidité, de l'hypertonie, des mouvements anormaux. Plus fréquemment, on peut observer chez le nouveau-né une tachycardie, une rétention urinaire ou un retard d'émission du méconium ;

- la toxicité comportementale à long terme : effet retardé d'une exposition aux psychotropes pendant la grossesse. Elle est difficile à évaluer car les données sont très rares mais les études publiées sont rassurantes, puisqu'elles ne mettent pas en évidence des répercussions intellectuelles.

Pathologie lourde

En conclusion, la grossesse constitue une contre-indication relative aux neuroleptiques. Ils ne seront prescrits qu'en cas de pathologie psychotique lourde de la mère, qui ne peut être équilibrée sans traitement médicamenteux. On préférera les neuroleptiques classiques de type halopéridol ou chlorpromazine, administrés aux doses les plus faibles possibles.

On évitera également de prescrire pendant le premier trimestre si l'état de la mère n'est pas critique. Il est recommandé de diminuer, voire d'arrêter le neuroleptique au moins une semaine avant l'accouchement, afin de limiter la toxicité périnatale.

1- Drugs in pregnancy and lactation, 1998.