L'éthique au service du malade - L'Infirmière Magazine n° 203 du 01/03/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 203 du 01/03/2005

 

Définition

Éthique

Intimement liée à la pratique du soignant, l'éthique est un concept mal défini. Pour le professeur Sadek Beloucif, membre du Comité consultatif national d'éthique(1), le but peut se résumer à la satisfaction des besoins et au respect des désirs du malade.

« Une nuit, alors que je suis de garde, mon bip sonne vers trois heures du matin. Un médecin des urgences me demande de venir au plus vite, car il est en butte, me dit-il, à un grave problème éthique avec un patient octogénaire. Une fois sur place, il apparaît que la difficulté est purement médicale et met essentiellement en jeu le bénéfice/risque dans le cadre d'un traitement protocolisé. Bref, le cas de ce vieux monsieur n'a rien d'éthique. Il renvoie simplement le soignant aux affres d'une situation mal maîtrisée et qui, pour se sortir de ce mauvais pas, appelle à la rescousse un concept fourre-tout : l'éthique. La morale de cette petite histoire, c'est qu'avant de se demander si un soin est éthique ou non, il convient, au préalable, d'évaluer s'il est approprié et s'il est bien donné ! », commente le professeur Sadek Beloucif. Cet épisode a également la vertu de poser ici la question à laquelle tout soignant a, un jour ou l'autre, été confronté : « Au fait, qu'est-ce que l'éthique ? »

ANALYSER L' ACTE

Si l'on se réfère au Petit Robert, l'éthique est présentée comme la science de la morale, l'art de diriger sa conduite. La morale, quant à elle, est notamment définie comme un ensemble de règles de conduite considérées comme bonnes de façon absolue. « Cependant, si l'éthique peut être en accord avec la morale et nourrir la loi, elle peut aussi être en désaccord avec elles, les transgresser, voire s'y opposer. De fait, l'éthique est le contraire de tout avis péremptoire. En cela, elle n'est ni un principe, ni une vérité, mais un questionnement qui n'a de cesse d'interroger le sens de l'action. L'objectif de ce cheminement est d'éclairer et de guider la justesse d'une décision ; de dire ce qui est le mieux », explique le professeur Beloucif.

Dès lors, chercher à définir ce qu'est l'éthique, c'est s'astreindre à analyser l'acte, son intention, ses conséquences et le contexte à l'aune du regard de l'autre. Loin d'être une contrainte, ou un supplément d'âme pour soulager sa conscience, l'éthique est un outil, « une méthode », mis au service de l'autre afin de préserver et de développer ses capacités à être pleinement acteur de ses choix. « Dans le cadre du soin, poursuit le professeur Beloucif, on peut aussi appréhender la dimension éthique de l'acte sous l'angle de la bienfaisance, de la non-malfaisance, de l'autonomie et de la justice. Mais, quelle que soit la voie empruntée, le but restera inchangé et peut se résumer à la satisfaction des besoins et au respect des désirs du patient. » Cette approche éthique du soin est d'autant plus importante aujourd'hui que les techniques et les procédures ont tendance à le déshumaniser. D'ailleurs, souligne le professeur Beloucif, « l'infirmière a beaucoup aidé le médecin à "se remettre dans l'humanité", tant il a longtemps considéré, du haut de son savoir, que l'éthique était superfétatoire... »

1- Internet : http://www.ccne-ethique.fr.

TÉMOIN

Martine Combes, IDE, équipe mobile de soins palliatifs du CHI Le Raincy-Montfermeil (93). « Entre le bien et le devoir »

« En tant que soignante, je me trouve quotidiennement au confluent de la loi, des règles déontologiques, de la morale, de mes propres valeurs, de mes convictions, de mon histoire, de mes compétences professionnelles et de ma démarche éthique. Donc, penser le soin me conduit à m'interroger notamment sur : le choix du soin au regard du bénéfice/risque ? Quelle est son intentionnalité ? Quelles sont les spécificités du bénéficiaire ? Ce dernier est-il avisé ? Qu'en pense-t-il ? Ai-je les compétences nécessaires ? Quel niveau de qualité dois-je atteindre pour satisfaire le patient ? Évidemment, le questionnement n'est pas toujours aussi complexe, mais il me semble important, en tant que soignant, de le garder à l'esprit car il nous guide dans nos actions. Je crois que l'éthique est un raisonnement oscillant. Il balance toujours entre le bien et le devoir et entre le mieux possible et le moins mal possible. L'exercice demande beaucoup de souplesse et également de la modestie et de l'humilité. Écouter l'autre, en effet, c'est accepter de se remettre en question. »