Chansons de gestes - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

pédiatrie générale

Reportage

Faussement égaré dans les couloirs d'un service de pédiatrie générale, le photographe Thierry Buignet joue les Candide pour mieux disséquer les gestes soignants.

Un service de pédiatrie générale accueille les enfants, des nouveau-nés aux préadolescents, pour des maladies généralement bénignes. On est d'ailleurs prévenu lorsqu'on découvre le service(1) : ici, il n'y a pas ou peu de cas très graves, pas de situations critiques ou de cas chirurgicaux, très peu de décès... Voilà qui est dit.

Gestes précis, paroles douces

Pourtant, l'hôpital fait peur, surtout aux parents. L'enfant, malade, n'a souvent guère le temps et la force de se poser la question. Les médecins, les infirmières, les animateurs s'intéressent à lui, et même les photographes... Enfin, en l'occurrence, je m'intéressais plutôt au travail des soignants, à leurs gestes, gestes souvent récurrents et répétitifs bien sûr (température, tension, repas, soin), mais aussi urgences (vomissement, douleur aiguë) et détresse (parents absents, angoisse de la solitude nocturne). Des gestes, des actes qui combinent technicité et paroles.

Pas d'improvisation

Le soin nécessite un long apprentissage, une certaine pratique. On n'improvise pas, spontanément, sans expérience, la pose d'une perfusion sur un nouveau-né ou le changement d'un pansement sur un enfant de sept ans.

Le soin est bien davantage qu'une science exacte, il prendra souvent une tournure différente pour deux enfants nécessitant le même geste, effectué par le même soignant. L'infirmière pourra appeler l'interne, qui sollicitera l'aide du chef de clinique, lequel profitera, pour un autre enfant, de la dextérité et des paroles apaisantes d'une infirmière. Car si, bien évidemment, la parole est importante pour les soins de l'adulte, elle est indispensable dans le rapport à l'enfant. Le mot « juste » est bien souvent doux - il ne faut pas oublier que l'enfant est dans une situation inhabituelle et délicate -, mais il n'empêche pas une certaine fermeté indispensable à l'administration d'un traitement ou au respect du sommeil du voisin de chambre, tout juste endormi après la prise salvatrice d'un antalgique. Quelques mots permettent aussi d'accepter plus facilement l'absence des camarades de récréation ou l'attente prolongée d'un parent.

La nuit, toutes les blouses sont grises...

Quand la fin de la journée approche, quand les animateurs, souvent bénévoles, ont rangé les jouets et les jeux de la Maison de l'enfance, le câlin parental, pour le plus petit, se fait désirer. La visite de la petite soeur, habituellement insupportable, serait pourtant d'un grand réconfort. Et puis, les parents accourent après leur journée et se relaient au chevet du petit monstre fatigué.

Plusieurs mères se retrouvent même, en pyjama, à dormir dans le deuxième lit d'une chambre de « grand », ou quelques pères allongés pour la nuit sur un matelas d'appoint à côté de leur nourrisson.

Rares sont les enfants qui attendent en vain, entre le repas du soir et le dernier dessin animé, la venue improbable de leur père ou de leur mère, retenu par une réunion de travail ou par le bain et le repas des frères et soeurs.

Par sa visite, la dernière de la journée, l'infirmière de nuit tient souvent le rôle de marchand de sable pour les moins âgés, et de « gendarmes » pour les préadolescents un peu énervés, profitant de l'absence des contraintes familiales.

Contraintes et conseils

Lors des visites de fin de semaine, il arrive souvent que le médecin rencontre les parents venus passer une bonne partie de leur samedi ou de leur dimanche au côté de leur enfant. Cette rencontre permet généralement au médecin de parler, d'expliquer aux parents, de questionner, de se faire aider pour le déshabillage, le rhabil- lage des plus petits. C'est parfois un peu long, un moment délicat ; il n'est pas toujours facile pour les parents de comprendre, d'admettre. Les enfants seuls, lorsqu'ils sont en âge de s'exprimer et de comprendre, assimilent plutôt bien ce que le médecin essaie de leur apprendre de manière souvent imagée : le contrôle du taux de dia- bète, les recommandations d'hygiène... Quelques contraintes indispensables pour guérir, quelques conseils à suivre attentivement pour pouvoir rentrer rapidement à la maison...

Émotion

Au cours de ce reportage, de cette rencontre avec ce milieu à l'apparence austère, j'ai découvert beaucoup de douceur donnée et souvent parfaitement reçue, j'ai ressenti une émotion vive et forte qui passe entre les enfants et les soignants, qui touche aussi les parents, et atteint même les photographes...

1- Service de pédiatrie générale du CHU de Bicêtre