Espace vital - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

Initiative

Éthique

En février dernier, le centre hospitalier universitaire de Rouen a posé la première pierre de son futur espace éthique. Retour avec Christian Paire, directeur de l'établissement, sur sa volonté de faire de l'éthique l'affaire de tous.

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », aime à rappeler Christian Paire, directeur du CHU de Rouen. Écrite il y a près de cinq cents ans, la maxime de François Rabelais, médecin de son état, a conservé toute son acuité. Les progrès de la science et de la médecine la rendent même plus prégnante que jamais. Fort de cet héritage, le CHU de Rouen a pris l'initiative d'organiser le 24 février dernier un colloque dédié à l'approche éthique et aux vulnérabilités. L'enjeu était également pour son initiateur de soumettre son intuition à l'épreuve des faits.

Carrefour d'échanges

« J'étais régulièrement interpellé par des soignants confrontés à des questionnements éthiques dans le cadre de leur pratique, mais aussi par des usagers et des citoyens en butte au système et aux usages hospitaliers. D'où cette idée de concevoir, à l'instar de l'espace éthique de l'AP-HP, un carrefour d'échange et de réflexions afin de permettre aux préoccupations de chacun d'être mises en résonance. Car, finalement, la quête des uns et des autres est commune : elle tend à la meilleure prise en charge du malade ! », constate Christian Paire. Devant l'affluence qui a marqué ce premier rendez-vous, quelque 250 personnes de tous horizons dont bon nombre d'infirmières s'y sont pressées, l'intuition du départ s'est vue confirmée. Ce résultat encourage l'établissement à pousser plus loin l'expérience. D'ores et déjà, un groupe de pilotage, composé de soignants et d'un juriste, va être chargé de déterminer le champ d'intervention du futur espace et de définir les thèmes qui devront y être traités en priorité. Mais, prévient le directeur, « nous ne voulons pas que ce lieu soit une boîte à outils. En la matière, je me méfie d'ailleurs des approches qui tenteraient de faire croire qu'il existe un "prêt-à-penser" éthique. À cela, nous préférons créer les conditions d'une réflexion fertilisée grâce à la participation du plus grand nombre. »

Pas d'élitisme !

Christian Paire prône une éthique de l'action accessible à tous, destinée à répondre à des questionnements très concrets qui se font jour dans le quotidien des services et des usagers. « L'éthique n'est pas l'affaire de spécialistes ou d'une élite. Dès lors, il importe peu que les questionnements soient formulés en termes choisis. Lorsque l'on doit réfléchir sur des sujets aussi essentiels que la fin de vie ou l'annonce de la maladie, il faut dépasser la sémantique. En revanche, je pense que notre démarche doit s'appuyer sur une déontologie de l'éthique et une véritable méthodologie. C'est pour cette raison que nous allons, dans un premier temps, travailler avec l'équipe éthique de l'AP-HP », explique le directeur. À terme, l'espace rouennais devrait aussi s'articuler avec la faculté de médecine et de façon plus large avec l'université, dans le cadre d'un centre régional de formation dont le projet est actuellement en chantier. Bref, l'éthique a un bel avenir devant elle...

TÉMOIN

Anne Gallois, IDE, service de médecine gériatrique, CHU de Rouen (76). « Un lieu de dialogue »

« Le questionnement éthique est ma démarche au quotidien. Cette réflexion me permet d'être garante, au regard de son histoire personnelle et du respect de ses désirs, de l'espace de vie du patient, alors même qu'il peut se trouver en situation de vulnérabilité. Mais cette démarche s'opère souvent dans "le feu de l'action", et je n'ai pas toujours la possibilité d'avoir la distance nécessaire pour conceptualiser et approfondir cette approche. Ce que j'attends d'un espace éthique, ce ne sont pas forcément des réponses - et encore moins des réponses toutes faites -, mais bien la possibilité d'échanger avec des interlocuteurs différents afin d'enrichir ma propre réflexion et ma pratique soignante. Cette notion de brassage d'expériences et d'approches diverses est essentielle, car l'hôpital se doit d'être un lieu ouvert sur la cité et le soignant, perméable et attentif à ce, et à ceux, qui l'entoure. Pour moi, un espace éthique est tout autant lieu de dialogue que lieu de formation permanente. »