J' ai mal au dos ! - L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 204 du 01/04/2005

 

Vous

Mieux vivre

Pas la peine de vous faire un dessin ! Le mal de dos, les infirmières connaissent. Sans refaire le monde, il existe des moyens de se préserver de ce fléau grâce à l'achat d'un matériel adapté.

Crac ! Ça y est ! Un faux mouvement et plus rien n'est plus comme avant. Muriel Fortier-Launois, médecin du travail du personnel de l'Hôtel-Dieu à Paris, constate chaque jour les méfaits de la pénurie et des mauvaises habitudes sur le dos des infirmières. « On essaie d'adapter les locaux ou d'acheter du matériel comme des lits à hauteur variable, mais le manque de personnel oblige souvent les agents à mobiliser les malades seuls », explique-t-elle, d'autant plus concernée que l'hôpital où elle travaille accueille régulièrement de grands obèses.

Tous concernés !

Ben oui : ça n'arrive pas qu'aux autres ! Selon un rapport publié par l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, « des études estiment qu'entre 60 % et 90 % des personnes souffriront de lombalgies à un moment ou un autre de leur vie et que, à tout moment, entre 15 % et 42 % des personnes en souffrent ». Parmi les causes de ces lombalgies, on trouve, en bonne place, les facteurs liés à l'organisation du travail, et ceux de caractère psychosocial, comme le faible soutien social et le manque de satisfaction professionnelle. Autant dire : le stress ! Dans son enquête sur les maux de dos des infirmières(1), Serge Ertel pointait du doigt la fâcheuse tendance des infirmières à puiser dans les réserves à pilules miracle. L'idée n'est pas de renoncer à des médicaments indispensables, mais plutôt de prendre le problème à bras-le-corps, sous la houlette de professionnels qualifiés.

Lève-toi et marche !

« Lève-toi et marche, conseille non sans humour Philippe Brissaud, médecin interniste, rhumatologue à Neuilly. Le repos complet, largement prescrit il y a quelques années, n'est plus de mise : il faut bouger, précautionneusement, mais bouger à tout prix, sauf en cas de sciatique avérée. Pour un lumbago, les anti-inflammatoires sont utiles uniquement en phase aiguë, pendant un ou deux jours. Sinon, les antalgiques demeurent utiles car ils permettent de bouger de nouveau. La chirurgie est à réserver à de rares cas. Gardez en mémoire également qu'on ne doit jamais faire manipuler un lumbago aigu, seulement des douleurs chroniques modérées », précise-t-il. Par ailleurs, Philippe Brissaud recommande essentiellement la pratique du sport (exercices abdominaux à élaborer avec un kinésithérapeute et surtout pas en salle de sport !) et le port de ceintures lombaires.

Assis !

« La ceinture offre une aide efficace pour maintenir le dos en bonne posture et pour éviter de trop solliciter les muscles paravertébraux mais elle ne soigne pas », observe le docteur Sylvie Salaün, généraliste. Le médecin insiste également sur les précautions à respecter (cf. encadré p. 54) : « Elle doit être utilisée avec parcimonie et en association avec des exercices du dos. Si vous portez trop souvent votre ceinture, vous devenez un peu comme ces femmes-girafes d'Afrique, vos muscles perdent leur tonicité et la douleur risque de s'aggraver. » Madeleine Estryn-Behar, médecin du travail responsable pour la France de l'étude Presst (Promouvoir en Europe santé et satisfaction des soignants au travail), est particulièrement bien placée pour isoler les postures et attitudes entraînant un danger pour la santé des soignants : « Ma première bataille est celle des chaises. Apprendre à s'asseoir. Une mesure qui présente un double avantage : non seulement elle préserve le dos, mais en plus, elle améliore la relation à l'autre. En effet, un soignant assis se trouve face à face avec la personne qu'il soigne. Celle-ci ne doit pas lever les yeux pour communiquer. Dans les chambres, on ne trouve souvent qu'un gros fauteuil dans un coin, qui n'est utilisé par personne. La solution : des tabourets à hauteur réglable dans toutes les chambres ! Ce n'est pas cher et ça peut rapporter gros. »

Second combat, celui des « roule-tout ».

Le «roule-tout» change tout !

Selon Madeleine Estryn-Behar, il faudrait que les infirmières osent s'investir davantage dans le choix de l'équipement et l'ameublement des services. « Un roule-tout à fond levant, ce n'est pas plus cher et ça change tout. » Et enfin, les étagères : « On trouve dans les services des étagères dont la plus basse est au raz du sol et la plus haute à 80 cm. Remontez tout cela et la vie des soignants change du tout au tout ! » En somme, des astuces relativement simples et pas tellement hors de portée. À ceux ou celles qui avanceraient l'argument de la dichotomie entre les choix des équipes administratives et le quotidien des soignants, Gilles Péninou, docteur en biomécanique, consultant en ergonomie à l'Efom (ancienne école Boris Dolto) oppose un argument de poids : « Les agents ont toute latitude de s'adresser au CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de leur établissement. Il s'agit d'un organisme paritaire composé de membres du personnel et de la direction, existant obligatoirement dans toute entreprise de plus de 50 salariés. » Il ajoute : « Le bon sens suffit parfois. En tout état de cause, il est essentiel de sensibiliser sa hiérarchie afin de diligenter une étude. » En bref : les arrêts de travail liés aux dorsalgies des infirmières coûtent tellement cher à la collectivité qu'une argumentation bien tournée, des observations convenablement amenées et l'apport de solutions peu coûteuses ont des chances d'aboutir à des changements.

1- «Les infirmières en ont plein le dos !», L'Infirmière magazine, n° 192, avril 2004, pp. 39-41.

nos conseils

- Attention à la pose !

Il est recommandé de demander des conseils pour la première pose d'une ceinture, voire de se faire aider, comme le préconise Hervé Brieugne, pharmacien à Fontainebleau et titulaire d'un certificat d'orthopédie. En effet, « la ceinture doit être correctement adaptée à la personne par une manipulation adéquate des baleines ».

Gibaud, Thuasne, Greenortho, Ormihil Danet, etc., les marques et modèles ne manquent pas. À privilégier aux moments de repos : Baxolve® (cf. photo), une nouvelle ceinture équipée d'un système de neuromodulation destiné à « parasiter » l'influx douloureux.

- Ceintures, côté prix

Le prix des ceintures est très variable. D'une part, parce que de très nombreux modèles existent, et d'autre part parce que certains distributeurs n'hésitent pas à prendre une marge non négligeable. Il est donc recommandé de comparer les prix avant de se lancer dans l'achat. Sur trois pharmacies interrogées, une seule officine pratique le prix de remboursement de la Sécurité sociale (le montant est fixé à 8,51 Euro(s)).

Pensez également aux vendeurs de matériel médical qui ne sont pas forcément les plus mal placés sur le marché.

témoignage

Quelques trucs

Yolande n'est pas infirmière, mais elle travaille depuis 20 ans avec des personnes âgées, souvent grabataires. Elle nous livre ses trucs : « Des étirements légers, en douceur, pendant la pose. Cela évite les lombalgies et calme les tensions vertébrales. Et de temps en temps, même si ça va bien, j'ai recours à un ostéopathe.

Il faut toujours penser à l'organisation de la manipulation lorsqu'on transfère les malades pour éviter de se trouver pris dans l'engrenage qui pousse à toujours tout faire trop vite en oubliant, par exemple, de bien plier les genoux. Pour moi, le grand remède, c'est de bien renforcer ses abdos et de faire du sport, comme la natation, la marche tout simplement ou même la course à pieds malgré les controverses. Je l'ai testée après un accident et je n'ai jamais eu de douleurs. »

Gare au gourou !

Vous l'aurez compris, soigner son stress est un facteur déterminant pour parvenir à limiter les risques de dorsalgies. Cependant, dès qu'on s'intéresse à cet aspect, on se trouve confronté très rapidement à toutes sortes de faiseurs de miracles. Conseils de prudence.

FIABILITÉ

S'adresser toujours à des professionnels reconnus par la médecine classique ou par des organismes crédibles. Attention, le terme psychothérapeute ne signifie rien de précis ! Ne jamais croire aux recettes miracle.

INTERNET

Faire des recherches sur Internet. En effet, c'est sur la toile qu'on a le plus de chances de détecter les risques de dérives « mysticocharlatanesques » des thérapeutes new-age. Creusez : les liens proposés par les sites sont souvent extrêmement instructifs à cet égard. Qui se ressemble s'assemble.

QUESTIONS PRÉCISES

Poser des questions par téléphone sans hésiter à pousser votre interlocuteur dans ses derniers retranchements : ses diplômes, le type de thérapie utilisée, ses effets, son impact sur votre vie personnelle, etc. Si on vous promet une vie parfaite, partez en courant !